Dans son rapport
annuel sur les droits de l’homme dans le monde, Amnesty International dénonce
le deux poids deux mesures dans la condamnation des violations des droits
humains. Le rapport 2022-2023 de l’ONG, publié le 28 mars dernier, met en
évidence l’incapacité de la communauté internationale à s’unir autour d’une
application systématique des valeurs universelles de protection des droits
fondamentaux.
Amnesty International pointe, à ce
propos, le manque d’actions fermes face aux violations commises par les alliés
de l’Occident. «La réaction ferme de l’Occident à
l’intervention russe en Ukraine contraste fortement avec le manque déplorable
d’actions dignes de ce nom face aux graves violations commises par certains de
ses alliés, comme l’Arabie saoudite, l’Egypte et Israël», constate l’ONG. Elle
note que l’intervention russe a donné lieu à de nombreux
«crimes de guerre», déclenché une crise mondiale dans les secteurs de
l’énergie et des denrées alimentaires, et cherché à perturber encore davantage
un système multilatéral déjà faible. Le rapport a, en outre, mis en exergue
l’hypocrisie de l’Occident face aux exactions commises avec sa «complicité» dans plusieurs régions du monde.
Une hypocrisie des Etats occidentaux
révélée au grand jour, lesquels ont «réagi avec force
à l’intervention russe mais ont fermé les yeux sur de graves violations
commises ailleurs, voire en ont été complices», lit-on dans ce rapport. Aussi,
l’ONG constate que la pratique de deux poids deux mesures et les réponses
insuffisantes aux atteintes aux droits humains commises aux quatre coins de la
planète ont alimenté l’impunité et l’instabilité.
Apartheid
Amnesty cite, par exemple, le silence
assourdissant sur le bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits
fondamentaux, la passivité à propos de l’Egypte et le refus d’affronter le
système d’apartheid mis en place par Israël contre les Palestiniens. «Les autorités israéliennes doivent rendre des comptes pour
le crime d’apartheid commis contre la population palestinienne», avait appelé, en
février 2022, Amnesty International dans un précédent rapport accablant.
Ce rapport complet et détaillé, intitulé
«L’apartheid d’Israël contre la population palestinienne : un système cruel de
domination et un crime contre l’humanité», montre que les saisies massives de
biens fonciers et immobiliers palestiniens, les homicides illégaux, les
transferts forcés, les restrictions draconiennes des déplacements, ainsi que le
refus de nationalité et de citoyenneté opposé aux Palestiniens sont autant de
facteurs constitutifs d’un système qui peut être qualifié d’apartheid en vertu
du droit international.
Depuis 1948, Israël inflige au peuple
palestinien un système d’oppression et de domination perpétué par des
violations qui, d’après les conclusions de l’ONG, constituent le crime contre
l’humanité d’apartheid tel qu’il est défini dans le Statut de Rome et la
Convention sur l’apartheid. Pour les Palestiniens de Cisjordanie occupée,
l’année 2022 a été la plus meurtrière depuis que les Nations unies ont commencé
à recenser systématiquement le nombre de victimes en 2006, indique le rapport
2022-2023 de l’ONG. La liste des victimes de l’armée israélienne, ciblant la
population palestinienne, s’est encore allongée l’année passée.
Au moins 151 personnes, dont plusieurs
dizaines d’enfants, ont ainsi été tuées par les forces israéliennes. Les
autorités sionistes ont continué de chasser des Palestiniens de chez eux, et le
gouvernement a lancé des projets d’extension drastique des colonies illégales
dans toute la Cisjordanie occupée. «Au lieu d’exiger
la fin du système d’apartheid mis en place par Israël, nombre de gouvernements
occidentaux ont préféré s’en prendre à celles et ceux qui le dénonçaient»,
affirme l’ONG. «Les droits humains ne doivent pas se
perdre dans le chaos de la dynamique mondiale du pouvoir. Ils doivent guider le
monde alors qu’il évolue dans un environnement de plus en plus instable et dangereux», a déclaré Agnès Callamard,
secrétaire générale d’Amnesty International.
Elle exhorte «les
Etats à accentuer leurs efforts pour aboutir à un tel ordre renouvelé qui
bénéficie à tout le monde, partout sur la planète». «Le
monde est assailli de crises qui se télescopent : multiplication des conflits
armés, cruauté de l’économie mondiale, qui laisse trop d’Etats accablés par une
dette insoutenable, abus en matière de fiscalité des entreprises, utilisation
de la technologie comme une arme, crise climatique, évolution des rapports de
pouvoir, etc. Nous n’avons aucune chance de survivre à ces crises sans
institutions internationales aptes à s’acquitter de leurs fonctions»,
conclut Agnès Callamard.