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Des gradés de haut rang
fugitifs, détenus, condamnés et d’autres réhabilités : 2020, l’année de tous
les procès2020, l’année de tous les procès
© El Watan /Salima Tlemcani, mercredi 30
décembre 2020
L’année 2020 a commencé par l’arrivée de Abdelmadjid
Tebboune en tant que nouveau Président, et le
général-major Saïd Chengriha comme chef de
l’état-major de l’Anp, en remplacement du général de
corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, décédé quelques jours
auparavant.
Au mois de février, le procès en appel
des deux patrons des services de renseignement, les généraux Bachir Tartag et Mohamed Mediène, ainsi
que Saïd Bouteflika, frère et conseiller du Président déchu et Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs,
s’ouvre au tribunal militaire de Blida. Poursuivis pour «complot contre
l’autorité de l’Etat et de l’armée», ils avaient été condamnés en première
instance à 15 années de réclusion criminelle. Après une audience marathonienne,
la Cour d’appel militaire de Blida confirme la première peine de Mohamed Mediène dit Toufik, Bachir Tartag
et Saïd Bouteflika requalifie les faits de «complot» reprochés à Louisa Hanoune, en «non-dénonciation de crime» et la condamne à
une peine de trois ans de réclusion, dont neuf mois ferme. Durant cette
période, les relations entre le Président et le chef de la sécurité intérieure,
le général Wassini Bouazza,
sont très tendues, surtout que ce dernier aurait joué la carte de l’ex-ministre
de la Culture, Azzedine Mihoubi, lors de l’élection
présidentielle du 12 décembre 2019. Wassini a perdu
son protecteur, mais reste très puissant.
Certains affirment qu’il aurait joué un
rôle dans l’exfiltration de l’adjudant-chef Benouira Guermit, secrétaire particulier de Gaïd
Salah, ainsi que sa famille vers la Turquie, au mois de mars 2020, avec des
documents importants sur les mouvements, les promotions et le plan de
déploiement du personnel militaire. Au fait de tous les événements qui ont eu
lieu dans le bureau de Gaïd Salah, Benouira est pour beaucoup la boîte noire du défunt
vice-ministre, mais aussi de tous ceux qui gravitaient autour de lui. Le 8 avril
2020, Tebboune place le général Abdelghani
Rachedi comme adjoint à la direction de la sécurité
intérieure, en le dotant de «larges prérogatives», pour ne pas dire celles du
directeur général, Wassini Bouazza.
L’annonce préludait en fait le départ
de l’un des plus proches et conseillers du défunt chef d’état-major au pouvoir
exceptionnel, y compris dans le choix des ministres. Sa chute, une année
seulement après une ascensions fulgurante, à travers
sa promotion de directeur des infrastructures militaires, à celui de directeur
général de la sécurité intérieure, un service de renseignement le plus
important, opérée par le défunt Gaïd Salah, en début
du mois d’avril 2019 (après la démission forcée du président Bouteflika), a été
fracassante.
Dix jours plus tard, le 13 avril, il
est arrêté, par des officiers de la direction de la sécurité de l’armée, au
ministère de la Défense et aussitôt après démis de ses fonctions, déféré devant
le tribunal militaire 24 heures plus tard et placé sous mandat de dépôt, pour deux
affaires, l’une correctionnelle liée à des faits de «faux et usage de faux»,
«atteinte à corps constitué», «détention d’arme à feu», «infraction aux
consignes militaires» et l’autre criminelle, dans laquelle quatre de ses
proches collaborateurs, dont le chef d’antenne d’Alger, le colonel Yacine, et
le directeur du service judiciaire sont détenus.
L’affaire Benouira et la «haute trahison» de Belksir
Le 23 juin, Bouazza
est condamné à une peine de 8 ans de réclusion et 500 000 DA, confirmée en
appel, alors que son deuxième dossier est passé à la chambre d’accusation, il y
a près de trois mois, qui a décidé de le renvoyer devant le juge d’instruction,
pour une enquête complémentaire. De nombreux officiers supérieurs sont mis sur
une voie de garage. Le département de la justice militaire passe au crible et
le 12 mai 2020, le général Ammar Boussis, directeur
de la justice militaire, l’architecte de deux textes de loi, qui interdisent
aux retraités et aux réservistes de s’exprimer publiquement, est limogé. La décision
touche également le colonel Mohamedi, procureur du
tribunal militaire de Blida.
Les limogeages se poursuivent et
touchent le général-major Ali Akroum, responsable du
département organisation et logistique de l’état-major, le général-major Abdelkhader Lachkhem, chef de
département de transmission et de système d’information et guerre électronique,
entendus tous les deux par les magistrats militaires. Le 23 juillet 2020, le
général-major à la retraite, Mhenna Djebbar, ancien patron de la direction de la sécurité de
l’armée, est libéré après avoir été placé en détention au mois d’octobre 2019
pour «enrichissement illicite».
Quelques jours auparavant, le général à
la retraite Hocine Benhadid, et après avoir été
condamné à des peines de prison et maintenu en détention, pour «atteinte au
moral des troupes» est réhabilité par l’autorité militaire. Entre temps,
l’affaire de Benouira inquiète, notamment, depuis que
ce dernier serait entré en contact avec les réseaux de Zitout,
par le biais du frère de celui-ci qui réside en Turquie. Les tractations avec
les autorités turques aboutissent à son extradition 3 août 2020 et son
placement sous mandat de dépôt par le tribunal militaire de Blida, avec
plusieurs officiers de l’Anp.
Le 4 août, le patron de la Gendarmerie
nationale, le général Arar, est débarqué de son poste, alors qu’un mois
auparavant, il avait été promu au grade de général-major. Le 10 août 2020, le
ministère de la Défense annonce avoir lancé un mandat d’arrêt international
contre le général-major Ghali Belksir, ex-chef de la
gendarmerie, qui avait été mis à la retraite au mois de juillet 2019 par Gaïd Salah, après lui avoir confié le poste une année
auparavant, il avait mené toutes les enquêtes contre les hauts gradés durant
l’été 2018, après le scandale des 701 kg de cocaïne interceptés à Oran.
Poursuivi pour «haute trahison», le
général Belksir avait quitté le pays, avec
l’autorisation du défunt Gaïd Salah, dès sa mise de
fin de fonction, rejoignant ainsi son épouse, Fatiha Boukherse,
ex-présidente de la cour de Tipasa, et ses trois enfants, qui étaient déjà à
l’étranger.
Au mois de novembre 2020, la Cour
suprême casse le verdict de la Cour d’appel militaire de Blida, concernant Tartag, Mediene, Said Bouteflika et Louisa Hanoune
et renvoie ces derniers devant la même juridiction autrement composée. Les
avocats évoquent un éventuel abandon de la théorie du «complot», alors que Said Bouteflika est déjà inculpé dans l’affaire de
l’ex-ministre de la Justice, Tayeb Louh, pour des faits liés à l’interférence dans le travail
des magistrats au profit des hommes d’affaires Ali Haddad, Mahiedine
Tahkout, mais aussi Chakib Khelil,
ex-ministre de l’Energie (pour lui faire annuler les mandats d’arrêt dont il a
fait l’objet). Said Bouteflika se retrouve mêlé à une
autre affaire, qui lui vaut un mandat de dépôt, émis par le tribunal de Sidi M’hamed. Au début du mois de décembre, l’ancien ministre de
la Défense, Khaled Nezzar, rentre au pays après un
exil de 18 mois.
Poursuivi par le tribunal militaire de
Blida, pour «complot contre l’autorité de l’Etat» et «atteinte à l’ordre
public», et par le tribunal de Sidi M’hamed, pour
«escroquerie et blanchiment d’argent» (des faits liés à l’affaire de SLC,
entreprise appartenant à son fils Lotfi), il faisait l’objet de mandats d’arrêt
internationaux et d’une condamnation de 20 ans de réclusion, prononcée par
contumace.