JUSTICE- ENQUETES ET
REPORTAGES-CORRUPTION- HOUDA FERAOUN ET DJAMILA TAMAZIRT (DEC 2020)
© Salima Tlemcani/El Watan, jeudi 10
décembre 2020
Les deux anciennes ministres Houda Imène Feraoun, des Postes et Télécommunications, et Djamila
Tamazirt, de l’Industrie, ont été placées, tard dans
la journée de mardi, sous mandat de dépôt par la chambre d’accusation près la
cour d’Alger. La première est impliquée dans l’affaire des frères Kouninef, et la seconde dans celle du groupe Benamor. Elles ont basculé du statut de prévenues
sous contrôle judiciaire à celui de détenues, après l’appel du parquet contre
la décision du juge d’instruction. Leurs avocats se sont pourvus contre la
mesure devant la Cour suprême.
La chambre
d’accusation près la cour d’Alger a placé sous mandat de dépôt, mardi en fin de
journée, deux ex-ministres, Houda Imène
Feraoun, des Postes et Télécommunications, et Djamila Tamazirt,
de l’Industrie, pour des affaires distinctes, liées à «l’abus de fonction»,
«dilapidation de deniers publics», «violation de la réglementation des marchés
publics» et «octroi d’indus avantages».
Elles
avaient comparu devant le juge d’instruction, près le pôle financier près le
tribunal de Sidi M’hamed, il y a quelques jours, puis
ont été placées sous contrôle judiciaire. Une mesure contestée par le parquet,
qui a fait appel devant la chambre d’accusation près la cour d’Alger.
Les deux
affaires ont été enrôlées mardi matin et la décision de mise en détention des
deux ex-ministres est tombée en fin de journée.
L’exécution
des deux mandats de dépôt s’effectuant, selon la loi, dans un délai de 24
heures qui suit la décision.
Pour Houda Imene Feraoun, il s’agit
d’une affaire liée aux frères Kouninef, propriétaires
du groupe KouGC, et au contrat que l’une de leur
filiale, Mobilink, avait obtenu auprès d’Algérie
Télécom, pour l’installation de cabines téléphoniques publiques Horia.
L’enquête
judiciaire ayant mis en avant de «nombreuses
anomalies» dans l’exécution des clauses
qui concernent la convention de raccordement de ces cabines au réseau Algérie
Télécom.
Un contrat
qui aurait, selon l’enquête judiciaire, causé un préjudice «important» à
Algérie Télécom, sommée de verser la somme de 3 milliards de dinars à Mobilink pour entériner le contentieux que la filiale du
groupe KouGC a introduit au niveau de la justice.
Ce
dossier, le seul à avoir été scindé en deux (Sidi M’hamed
et la Cour suprême), compte, dans son volet lié aux personnalités politiques et
actuellement au niveau du pôle financier de Sidi M’hamed,
les deux anciens Premiers ministres, Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia, et aussi
plusieurs ministres dont deux en activité, Mohamed Arkab
de l’Energie, et Arezki Berraki de l’Hydraulique,
mais aussi Amar Tou, Abdelhamid Temmar
(en tant que wali), Mohamed Loukal (en tant qu’ex-PDG
de la BEA), Amar Ghoul, et des walis, dont Bachir Far
de Jijel, Mustapha Layadi de Tipasa, Abdelkader Zoukh, d’Alger.
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Aujourd’hui,
le juge d’instruction aura à entendre Abdelhamid Temmar
et Mustapha Layadi.
L’ombre de
Saïd Bouteflika…
Les plus
avertis s’attendent à ce que Saïd Bouteflika, le frère conseiller du Président
déchu, actuellement en détention à la prison militaire de Blida, soit entendu
dans le cadre de cette affaire. Son nom est apparu plusieurs fois lors du
procès des frères Kouninef.
Pour ce
qui est de l’ex-ministre de l’Industrie, Djamila Tamazirt,
du gouvernement de Noureddine Bedoui,
hérité du Président déchu et de son frère, il s’agit du dossier du groupe Benamor, dont Laïd, le PDG, et
son frère ont été placés en détention en février dernier, alors qu’un autre
membre de la fratrie a été laissé en liberté, et près d’une vingtaine d’autres
personnes, dont des cadres de l’OAIC (Office algérien interprofessionnel des
céréales), des Eriad, de l’agriculture et des
domaines ont été inculpées pour plusieurs griefs «exploitation illégale de
terres agricoles», «perception d’indus avantages», «dilapidation de deniers
publics», «blanchiment d’argent», «violation de la réglementation de change»,
etc.
Pour ce
qui est des responsables, le parquet d’Alger avait transmis à la Cour suprême
une liste comportant, entre autres, les noms des deux anciens Premiers
ministres, Abdelmalek Sellal
et Ahmed Ouyahia, et des ex-ministres, Djamila Tamazirt, (qui était toujours en fonction), l’ex-ministre
de l’Agriculture, Rachid Benaïssa, qui aujourd’hui
n’ont plus le droit de bénéficier du privilège de juridiction, et de ce fait
tous les dossiers au niveau de la Cour suprême ont été remis au pôle financier
d’Alger, qui a compétence d’instruire ces affaires.
Les faits
sont liés aux conditions d’acquisition, par le groupe Benamor,
dans le cadre du partenariat «privé-public» auprès du ministère de l’Industrie,
du centre de production d’Eriad, situé à Corso, Boumerdès, comprenant un complexe de stockage, une
boulangerie industrielle et une unité de fabrication de pâte alimentaire.
Ce n’est
pas en tant que ministre que Djamila Tamazirt a été
inculpée, mais en tant que directrice générale des Eriad
de 2007 à 2014, et responsable du groupe Agrodiv de
2015 à 2018 (concernés par l’affaire de Benamor).
Elle était
très proche de l’ancien ministre, Abdessalem Bouchouareb, avant d’être mise au placard après le départ
de celui-ci et son remplacement par Mahdjoub Bedda.
Elle
reviendra au-devant de la scène pour terminer en tant que ministre de
l’Industrie, possédant des parts dans un restaurant dans la banlieue
parisienne, où se croisaient les épouses de hauts responsables faisant l’objet,
aujourd’hui, de mandats d’arrêt internationaux, à l’image de Fatiha Boukhers, ancienne présidente de la cour de Tipasa et
épouse de l’ex-patron de la gendarmerie, le général-major à la retraite Ghali Beleksir, ou encore Mme Bouchouareb,
pour ne citer que celles-ci.