JUSTICE-OPINIONS
ET POINTS DE VUE- DÉTENUS D’OPINION- RÉSOLUTION PARLEMENT EUROPÉEN, NOV 2020
©Synthèses Liberté, samedi 28
novembre 2020-11-28
1/ Après un débat consacré à la
situation des droits de l’Homme en Algérie, le Parlement européen a voté
une résolution condamnant les atteintes aux libertés. Les députés européens
appellent les autorités algériennes à cesser les
intimidations contre les militants de la démocratie.
La situation
des droits de l’Homme en Algérie inquiète le Parlement européen. Les atteintes
aux droits de manifestation et aux libertés d’expression et d’opinion, marquées
par des “arrestations arbitraires”, depuis l’insurrection citoyenne pacifique,
en février 2019, ont fait l’objet d’une résolution adoptée à la majorité, jeudi
26 novembre, par les Eurodéputés (669 voix, contre 3 voix opposées et 22
abstentions).
Dans leur
texte, les euro-députés dénoncent, en 20 points, la
détérioration et le recul des libertés démocratiques en Algérie et condamnent
avec “fermeté” l’“escalade” et le recours “abusif” des autorités à des formes
de répression systématique comme “les détentions illégales et le harcèlement
juridique dont sont victimes les journalistes, les défenseurs des droits de l’Homme,
les syndicalistes, les avocats, les membres de la société civile et les
militants pacifiques en Algérie”.
Plus grave
encore, la résolution en question dénonce le recours des autorités à
l’introduction de mesures d’urgence dans le contexte de la pandémie de Covid-19 comme “prétexte pour restreindre les droits
fondamentaux du peuple algérien”.
Tout en
rappelant à l’Algérie ses engagements internationaux en matière de droits de
l’Homme, le Parlement européen exhorte le gouvernement algérien à “remettre immédiatement
en liberté, et sans condition, tous ceux qui ont été détenus et inculpés pour
avoir exercé leur droit à la liberté d’expression, que ce soit en ligne ou hors
ligne, et à la liberté de réunion et d’association”.
Il s’agit,
entre autres, précise le document, “de Yacine Mebarki,
d’Abdellah Benaoum, de
Mohamed Tadjadit, d’Abdelhamid Amine, d’Abdelkrim Zeghilèche, de Walid Kechida, de
Brahim Laâlami, d’Aïssa Chouha, de Zoheir Kaddam, de Walid Nekkiche, de Nourredine Khimoud et de Hakim Addad”.
Le journaliste
Khaled Drareni, condamné en première instance, en
août 2020, à trois ans de prison pour “atteinte à l’unité nationale” et
“incitation à attroupement non armé”, peine réduite à 2 ans de prison ferme,
lors du procès en appel en septembre dernier, a retenu une attention
particulière du Parlement européen qui, en plus d’appeler à sa libération
immédiate, rappelle que “la liberté d’expression, qui comprend la liberté des
journalistes, qu’ils soient professionnels ou citoyens, d’informer et de proposer
une analyse et des commentaires sur les manifestations et sur toute autre forme
d’expression de mécontentement à l’égard du gouvernement ou de personnes
physiques ou morales liées au gouvernement, est indispensable pour une
transition politique pleinement démocratique”.
Le texte du
Parlement européen déplore précisément les amendements apportés au code pénal
algérien en avril 2020, qui restreint la liberté de la presse, la liberté
d’expression et la liberté d’association, et invite ainsi “instamment” les
autorités algériennes à “réviser le code pénal, et en particulier ses articles
75, 79, 95 bis, 98, 100, 144, 144 bis, 144 bis 2, 146 et 196 bis, pour les
mettre en conformité avec le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (PIDCP), et la charte africaine des droits de l’Homme et des
peuples, en vue de mettre fin à la criminalisation de la liberté d’expression,
de réunion pacifique et d’association”.
Les députés
européens appellent, à ce propos, à “déverrouiller les médias et à
mettre fin à toute arrestation ou
détention de militants politiques, de journalistes, de
défenseurs des droits de l’Homme ou de personnes
qui expriment une opinion dissidente ou critique à l’égard du
gouvernement”.
Dans leur
résolution, les députés européens n’ont pas manqué d’apporter un soutien franc
au mouvement citoyen, le Hirak, en témoignant leur
“solidarité à tous les citoyens et citoyennes algériens, quels que soient leur
origine géographique ou ethnique et leur statut socioéconomique, qui manifestent
pacifiquement depuis février 2019 pour demander que l’État ne soit plus aux
mains des militaires et exiger la souveraineté populaire, le respect de l’état
de droit, la justice sociale et l’égalité des sexes”.
Il y a une
année, presque jour pour jour, le 27 novembre 2019, le Parlement européen
adoptait une résolution sur l’Algérie, dénonçant l’arrestation et
l’emprisonnement de plusieurs militants du Hirak et
exigeant leur libération.
2/ Plusieurs organisations de la société civile
nationale et internationale ont réagi à l’adoption par le Parlement européen,
jeudi 26 novembre, d’une résolution d’urgence sur la situation des droits de
l’Homme en Algérie, considérant cette dernière d’“étape opportune et nécessaire
face à l’intensification de la répression contre la société civile,
les militants pacifiques et les journalistes, et les menaces à l’encontre de
l’indépendance du pouvoir judiciaire”.
Dans
une déclaration signée conjointement, une quinzaine d’organisations et
syndicats, dont la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laddh), le Syndicat national autonome des personnels de
l'administration publique (Snapap), l’Action pour le
changement et la démocratie en Algérie (ACDA), le Forum de solidarité
euro-méditerranéen (Forsem), la Fédération
internationale des droits de l'Homme (FIDH), Reporters sans frontières et
Amnesty International, estiment que le fait que le Parlement européen (PE)
adopte une deuxième résolution sur l’Algérie en un an après celle du 28
novembre 2019 sur la situation des libertés constitue “un signal important qui
devrait conduire la communauté internationale à une action publique plus
forte”.
Commentant
le cas du journaliste Khaled Drareni qui a été mis en
avant par les Eurodéputés, les signataires de la déclaration soutiennent que
celui-ci est devenu un symbole de la liberté de la presse en Algérie.
“Son
harcèlement par les autorités algériennes et sa condamnation à deux ans de
prison sont emblématiques d'une répression accrue de la part des autorités”,
soulignent-ils, rappelant que le PE condamne “l'escalade des arrestations et
des détentions arbitraires” et demande aux autorités “de remettre immédiatement
en liberté, sans condition, Mohamed Khaled Drareni et
tous ceux qui ont été détenus et inculpés pour avoir exercé leur droit à la
liberté d’expression, que ce soit en ligne ou hors ligne, et à la liberté de
réunion et d’association.
À
ce titre, ils notent que le Parlement “appuie la demande de Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme,
en vue de la libération urgente, compte tenu de la pandémie de Covid-19, de tous les prisonniers politiques et de toute
personne détenue pour avoir exprimé une opinion dissidente” et “invite les
autorités algériennes à déverrouiller les médias et à mettre fin à toute
arrestation ou détention de militants politiques, de journalistes, de
défenseurs des droits de l’Homme ou de personnes qui expriment une opinion
dissidente ou critique à l’égard du gouvernement”. à
l’opposé de ces voix, des partis proches du pouvoir ont, quant à eux, dénoncé
ce qu’ils qualifient “d’ingérence”.
C’est
une “odieuse ingérence dans les affaires intérieures de l'Algérie”, estime le
FLN. “Ce type d'ingérence est susceptible de nuire aux relations entre
l'Algérie et l'Union européenne”, juge de son côté le RND. Quant au parti Jil Jadid, il considère que le texte du Parlement européen est
“un affront à l'honneur des Algériens et une tentative de mise sous protectorat
de l'Algérie”.