L’ancien président français Nicolas Sarkozy a été mis en
examen une quatrième fois, pour « association de malfaiteurs », dans
l’enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne en 2007,
aggravant sa situation judiciaire alors qu’il doit déjà être jugé deux fois
prochainement devant le tribunal correctionnel.
A l’issue de quatre jours d’audition et d’un
interrogatoire-fleuve de plus de quarante heures terminé
lundi soir (12/10), Nicolas Sarkozy a été mis en examen une nouvelle fois dans
ce dossier instruit par les juges d’instruction Aude Buresi
et Marc Sommerer, qui ont succédé à Serge Tournaire.
L’information, révélée par Mediapart,
a été confirmée à l’AFP par le Parquet national financier.
« J’ai appris cette nouvelle mise en examen avec la
plus grande stupéfaction (…). Mon innocence est à nouveau bafouée par une
décision qui ne rapporte pas la moindre preuve d’un quelconque financement
illicite », a réagi l’ancien président de la République sur Facebook. « Je finirai par prouver ma parfaite innocence.
J’y mettrai toute la détermination et l’énergie dont je suis capable.
L’injustice ne gagnera pas », a-t-il ajouté.
Le 31 janvier, les magistrats avaient mis en examen pour
«association de malfaiteurs» l’un de ses anciens collaborateurs, Thierry Gaubert,
soupçonné d’avoir touché des fonds provenant du régime libyen de Kadhafi qui
auraient pu alimenter la campagne de M. Sarkozy.
Par un réquisitoire supplétif signé fin janvier, le
Parquet national financier avait élargi les investigations à ces faits d’«association
de malfaiteurs», ouvrant la voie à des mises en examen de nouveaux suspects
ainsi qu’à une aggravation des poursuites contre les protagonistes déjà
impliqués, dont M. Sarkozy.
«Chacun voit bien qu’il s’agit d’une décision sans
précédent en cohérence avec les investigation réalisées. La procédure suit son
cours», a réagi Me Vincent Brengarth, l’avocat de
l’association anti-corruption Sherpa, partie civile dans ce dossier.
L’ancien chef de l’État avait déjà été mis en examen en
mars 2018 pour «corruption passive», «recel de détournement de fonds publics»
et «financement illégal de campagne». Il avait également été placé sous
contrôle judiciaire.
Lors de sa dernière audition, en juin 2019, M. Sarkozy
avait dénoncé un «complot» puis refusé de répondre aux questions des magistrats
instructeurs, le temps de l’examen de recours visant à faire annuler l’enquête.
Mais un arrêt de la cour d’appel de Paris du 24 septembre
a permis de relancer l’enquête : la chambre de l’instruction, chargée d’étudier
les recours contre les actes d’instruction, avait été saisie par l’ex-chef de
l’Etat et ses anciens ministres Claude Guéant, Eric Woerth et Brice Hortefeux, ainsi que l’homme d’affaires Alexandre Djouhri sur toute une série de nullités.
M. Sarkozy invoquait notamment son immunité
présidentielle, reprochait aux juges d’être sortis du périmètre autorisé de
l’enquête ou avançait que le détournement de fonds publics d’un pays étranger,
qui lui est reproché, est un délit qui n’existe pas dans la loi française.
Deux procès déjà à venir
La cour d’appel de Paris a rejeté l’essentiel de ces
recours, et a ainsi presque entièrement validé les investigations lancées il y
a huit ans dans cette affaire aux multiples ramifications.
M. Sarkozy s’est pourvu en cassation contre cette
décision, tout comme MM. Woerth, Guéant et Djouhri, a
indiqué une source judiciaire à l’AFP.
L’enquête avait été ouverte après la publication par Mediapart en 2012, dans l’entre-deux tours de la
présidentielle, d’un document censé prouver que la campagne victorieuse de
Nicolas Sarkozy avait été financée par le régime de Mouammar Kadhafi.
Témoignages de dignitaires libyens, notes des services
secrets de Tripoli, accusations d’un intermédiaire… En sept ans de travail, les
magistrats ont réuni une somme d’indices troublants qui ont donné corps à la
thèse selon laquelle la campagne de M. Sarkozy avait été financée par le régime
de Mouammar Kadhafi.
Toutefois, aucune preuve matérielle indiscutable n’a pour
l’heure été trouvée, même si des mouvements de fonds suspects ont conduit à
neuf mises en examen à ce jour.
En novembre 2016, l’homme d’affaires ZiadTakieddine – un des mis en examen dans cette affaire
et en fuite depuis sa condamnation en juin dans le volet financier de l’affaire
Karachi – avait affirmé avoir remis entre fin 2006 et début 2007 cinq millions
d’euros à M. Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et à son directeur de
cabinet Claude Guéant.
Outre ce dossier, dans
lequel les investigations sont encore en cours, l’ex-chef de l’État doit être
jugé du 23 novembre au 10 décembre pour
«corruption» dans l’affaire dite des «écoutes» : il est soupçonné d’avoir
tenté, avec son avocat Thierry Herzog, d’obtenir d’un haut magistrat, Gilbert Azibert, des informations