JUSTICE- OPINIONS ET POINTS
DE VUE- PEINE DE MORT- LEILA ASLAOUI
« Tous solidaires avec Chaïma»
© Leila Aslaoui-Hemmadi/Le Soir d’Algérie, samedi 10 octobre 2020 (Contribution)
J’aurais voulu participer avec ma
famille et mes amis à une marche blanche aux côtés de la mère de Chaïma — paix à son âme —, allumer une bougie et dire ma
colère, mon indignation contre ce crime abject et glaçant. J’aurais voulu, mais
pandémie oblige.
Chaïma
était une jeune fille de 19 ans qui aurait pu vivre de belles et longues années
si elle n’avait pas croisé sur son chemin son assassin.
Le 1er octobre 2020, celui-ci la kidnappa, la viola, lui asséna des coups et
blessures volontaires puis brûla son corps.
Quatre ans avant ces faits, il avait tenté de la violer et fut condamné à trois
années d’emprisonnement. Derrière les barreaux, il avait eu amplement le temps
de ruminer sa vengeance, de planifier non pas un crime mais plusieurs et de
mettre au point son diabolique scénario.
Et son intention de réparer sa première faute (tentative de viol) en prétendant
vouloir se marier avec Chaïma ne fut qu’un sinistre
et horrible mensonge aux fins de rassurer la mère de sa victime et cette
dernière.
Bien entendu, les « âmes charitables » ne se priveront pas, telles des
tronçonneuses bien aiguisées, de dire que Chaïma
avait peut-être suivi son tortionnaire et assassin de son plein gré. Ou encore
qu’elle était amoureuse de lui, que sa mère avait accordé trop de liberté à sa
fille… que… que…
Chaïma n’est plus là pour se défendre. Son assassin
aura toute latitude pour ternir sa mémoire. Son assassin, mais aussi les
nombreux donneurs de leçons de morale prompts à s’ériger en gardiens des bonnes
mœurs.
À supposer que la victime fût amoureuse ou que sa mère fût démissionnaire cela
justifierait-il le crime ? Cela justifierait-il les effroyables tortures subies
par Chaïma ?
Quand donc cessera-t-on dans notre société d’honorer les assassins de la pire
espèce et de piétiner les corps meurtris de leurs victimes surtout lorsqu’elles
sont des femmes ?
Si une épouse subit des violences conjugales c’est de sa faute. Si elle est
violée, c’est parce qu’elle avait un comportement aguicheur. Si elle est
harcelée dans la rue ou au sein de son lieu de travail, c’est parce que sa
place est à la maison.
Chaïma est une victime et seulement une victime parce
que le Droit à la vie se situe bien au-dessus de toutes ces considérations
subjectives, au-dessus des préjugées, des ragots de caniveaux et des leçons de
morale.
Le Droit à la vie signifie qu’aucun homme, qu’aucune femme n’ont
le droit d’ôter la vie à leurs semblables, quels que soient leurs mobiles. Il
serait grand temps que ce principe constitutionnel retrouve sa place au sein de
notre société.
C’est même une urgence, car aujourd’hui force est de constater que ce n’est pas
seulement la violence qui est banalisée mais également — surtout — la vie
humaine. On tue à tout-va et pour importe le motif.
Rien d’étonnant à cela, lorsqu’on se souvient que sous l’ère de Abdelaziz
Bouteflika, les terroristes islamistes, égorgeurs, violeurs, destructeurs de
biens publics, auteurs de massacres de populations, furent réhabilités,
blanchis, dédommagés pour les « années sabbatiques » passées dans les maquis
et, pour un grand nombre d’entre eux, réintégrés dans leurs anciens emplois.
Dès lors, tuer et violer sont devenus choses « normales » puisque impunis.
N’avons-nous pas vécu entre 2014 et 2017 la sinistre succession de kidnappings,
viols et assassinats d’enfants dont l’âge oscillait entre quatre et neuf ans ?
Quelle fut la sanction pénale appliquée à leurs auteurs identifiés, arrêtés et
jugés ? La peine capitale. Certes !
Mais il se trouve que celle-ci n’est pas l’objet d’exécution depuis 1993. Date
à laquelle le Haut Comité d’État avait décidé un moratoire portant donc
suspension de l’exécution de la peine de mort.
Jusqu’à ce jour, aucune peine capitale prononcée par les juridictions pénales
n’a été suivie d’exécution en raison de ce moratoire.
Le contexte sécuritaire de l’Algérie de 1993 avait-il été à l’origine de cette
suspension ? S’était-il agi d’une autre raison peut-être anecdotique et non
politique ? Nul ne le saura puisque le Haut Comité d’Etat n’avait fourni aucune
explication à l’appui de sa décision.
Toujours est-il que des organisations internationales hommistes
auxquelles se sont jointes d’autres voix ont vu dans ce moratoire l’occasion
rêvée pour elles d’amener l’Algérie vers l’abolition pure et simple de la peine
de mort. Sauf qu’elles feignent d’oublier que le moratoire n’est qu’une simple
recommandation, l’Algérie n’ayant pas, jusqu’à ce jour, ratifié une quelconque
convention internationale l’engageant à abolir la peine de mort.
En conséquence de quoi, il est grand temps de rétablir l’exécution de la peine
de mort dans notre pays. Notamment pour des crimes commis contre des enfants,
pour des crimes inqualifiables comme celui dont fut victime Chaïma.
Les auteurs de kidnappings, viols et assassinats d’enfants, condamnés à mort et
dont les décisions sont définitives doivent être exécutés. Comment donc les
imaginer en prison faire du sport, recevoir leurs familles leur apporter des
paniers pleins de victuailles ? Comment ne pas être en colère en imaginant
l’assassin de Chaïma derrière les barreaux, attendant
patiemment sa libération ?
Celui qui sait tuer doit savoir mourir.
Aucune organisation internationale ne nous imposera, au nom de notre
souveraineté, son diktat.
Au dernier Conseil des ministres, datant de quelques jours, Monsieur le
Président de la République a déclaré que les peines maximales sans possibilité
de remises devront désormais être appliquées contre les auteurs de kidnappings
et assassins d’enfants.
Excellente nouvelle que celle-ci. La peine de mort étant prévue dans les textes
de loi, il suffirait seulement de rétablir son exécution.
C’est là le vœu de la majorité de mes compatriotes, 98 à 99%. Les 2% ou 1% restants
qui défendent l’abolition de la peine de mort ont, évidemment, le droit de le
faire, mais ils ne représentent qu’eux-mêmes, sans doute parce que les enfants
des autres ne les concernent pas.
En 1981, l’ex-président de la République française feu François Mitterrand
avait construit toute sa campagne présidentielle sur l’abolition de la peine
mort. Ministre de la Justice durant la guerre de Libération, il avait, sans
état d’âme, signé les décisions d’exécution de nos premiers combattants et
héros, guillotinés après avoir été condamnés à la peine capitale.
« Chaïma est notre fille à tous
».
Tel fut le message du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, transmis par le wali d’Alger à la mère de la
victime.
Nous aussi «Chaïma est notre fille à tous ». Pour les
tortures qu’elle a subies, pour son assassinat, l’exécution de la peine de mort
doit être rétablie.
Une exécution qui apaisera nos consciences et nous dira : «Tous solidaires avec
Chaïma .»