JUSTICE- DOCUMENTS ET TEXTES REGLEMENTAIRES- LETTRES ANONYMES-
INSTRUCTION PRESIDENTIELLEE (18/9/2020)
La présidence de la République a rendu public vendredi
un communiqué concernant les lettres de dénonciation anonymes, dont voici la
teneur :
"Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, avait annoncé, dans son allocution d'ouverture
prononcée lors de la deuxième rencontre Gouvernement-walis de cette année,
tenue les 12 et 13 août dernier, de ne plus tenir compte des lettres anonymes
dans les poursuites judiciaires.
Une semaine après cette rencontre, le président de la
République a adressé une instruction aux membres du Gouvernement et aux
responsables des corps de sécurité, dont voici le texte intégral :
Des rapports parvenus à la présidence de la République
font ressortir que certains cadres de l'Etat et responsables à différents niveaux
ont fait l'objet de poursuites judiciaires, sur la base de simples lettres
anonymes adressées aux différents services de sécurité et institutions de
l'Etat.
Nombre de cadres ont ainsi été privés de liberté sur
la base de ces lettres qui, le plus souvent, se sont avérées dénuées de tout
fondement.
Outre l'injustice subie par ces derniers-sus-cités,
cet état de fait a entraîné une paralysie de l'activité des administrations et
des entreprises publiques, à cause de la crainte, la peur et l'angoisse d'être
poursuivi sur la base d'une simple lettre anonyme.
Alimenté par la rumeur, un climat de crainte et de
suspicion s'est installé auprès d'autres responsables qui, par crainte
d'éventuelles poursuites judiciaires, se limitent à un minimum d'obligations et
ne développent aucun esprit d'entreprise. C'est ainsi que le traitement
d'importants dossiers, revêtant parfois un caractère d'urgence, est renvoyé à
des dates ultérieures, causant ainsi de graves préjudices au fonctionnement de
ces institutions.
Il est de ce fait impératif de différencier les fautes
de gestion dues à une erreur d'appréciation des actes volontaires qui ne
profitent qu'à leurs auteurs ou à des tiers malintentionnés. Pour ce faire,
l'administration judiciaire dispose de tous les moyens légaux pour mener des
investigations en la matière.
Si la lutte contre la corruption est irréversible et
nécessaire, elle ne doit, en aucun cas, prendre la forme d'une campagne de
déstabilisation des outils de réalisation et de concrétisation des missions de
l'Etat et de ses différentes structures d'exécution.
Ce climat malsain est naturellement alimenté par des
rumeurs souvent distillées par les tenants de l'argent sale, des corrompus,
ceux qui veulent à tout prix déstabiliser l'Etat et ses structures pour échapper
à leur sort inéluctable.
De ce fait, il est impératif, dès la réception de
cette circulaire, de faire la différence entre:
a- Les actes qui, bien que condamnables, ne tiennent
qu'à l'incompétence ou à la mauvaise appréciation, qui sont démunis de tout esprit
ou de volonté de corruption, passive ou active, et ne profitent pas à l'argent
incompétent, ni directement, ni indirectement, ni à sa famille, ni à ses amis
ou connaissances. Ces actes seront sévèrement sanctionnés administrativement.
b- Les actes ayant été à l'origine de pertes
économiques ou financières à l'Etat dans le but d'accorder des avantages indus
à des tiers, en infraction aux lois et règlements et sans consultation écrite
de la hiérarchie. Dans ce cas, le doute est permis et l'investigation doit être
orientée vers la recherche de preuves tangibles de corruption active ou
passive.
Par contre, toute aide apportée par les citoyens,
directement ou à travers les médias avec les preuves nécessaires, doit être
prise en compte pour des investigations éventuelles. Il est clair que dans ce
cas, le citoyen doit être protégé par l'Etat de toute forme de représailles.
De même que toute personne détenant des informations
dans ce sens est invitée à se rapprocher directement des autorités habilitées,
conformément aux procédures en vigueur ou, le cas échéant, s'adresser
expressément aux organes de la presse, la liberté de cette dernière étant
consacrée par la Constitution.
Aussi, Monsieur le ministre de la Justice et Messieurs
les responsables des services de sécurité, en charge des procédures
préliminaires et judiciaires, vont être instruits, chacun dans son domaine de
compétence, de ne plus tenir compte, à l'avenir, des lettre de dénonciation
anonymes, celles-ci ne pouvant en aucun cas constituer une preuve d'imputabilité
de faits qualifiés de crime ou de délit.J'accorde le
plus grand intérêt à la stricte application de la présente instruction".