JUSTICE-
CONDAMNATION- PROCES OUYAHIA/SELLAL ....DECEMBRE 2019- VERDICT- COMPTE
RENDU PRESSE
Compte-rendu
El Watan/Salima Tlemçani : Seize
minutes seulement ont suffi, hier, au président du tribunal de Sidi M’hamed, à
Alger, pour prononcer son verdict concernant les ex-dirigeants politiques et
les hommes d’affaires poursuivis pour «indus avantages», «blanchiment
d’argent», «abus de fonction», «trafic d’influence» et «financement occulte» de
la campagne électorale du 5e mandat avorté du Président déchu.
Dans le
box, les prévenus ne laissent paraître aucune inquiétude. Ils s’installent
calmement en faisant des signes de la main à leurs proches présents en nombre
depuis l’ouverture du procès, mercredi dernier.
Dans un
silence de marbre, le juge entame la lecture de ses décisions vers 10h, par le
rejet de la demande de Abdelmalek Sellal et d’Ahmed
Ouyahia d’être jugés par la Haute Cour, instituée par la Constitution pour
statuer sur les crimes commis par les Premiers ministres et le chef de l’Etat,
mais qui n’a jamais été mise en place. Il rejette aussi la constitution du
ministère de l’Industrie en tant que partie civile dans le procès. Il s’attarde
sur chaque prévenu, pour lire les inculpations et les sentences.
La plus
lourde peine a été retenue par défaut contre l’ex-ministre de l’Industrie,
Abdessalem Bouchouareb, en fuite à l’étranger, dont le nom est longuement
revenu lors du procès. Reconnu coupable d’«octroi d’indus avantages», «abus de
fonction», «trafic d’influence», «corruption», «dilapidation de deniers
publics» et «fausses déclarations de patrimoine», il est condamné à 20 ans de
prison ferme assortie d’une amende de 2 millions de dinars et d’un mandant
d’arrêt international.
Les mêmes
inculpations sont retenues contre l’ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, pour
lesquelles il écope d’une peine de 15 ans de prison ferme, d’une amende de 2
millions de dinars, de la confiscation de ses biens et de ceux acquis par son
épouse et son fils ainsi que sa privation de ses droits civiques et politiques.
Le dos un
peu courbé, la mine défaite, Ouyahia ne laisse paraître aucune réaction. A sa
gauche, Abdelmalek Sellal, son prédécesseur à la tête du Premier ministère, se
montre moins affecté que lors du réquisitoire du procureur, dimanche dernier.
Reconnu coupable d’«octroi d’indus avantages», «abus de fonction», «conflit
d’intérêt», «dilapidation de deniers publics» et de «complicité de financement
de la campagne», il est condamné à une peine de 12 ans de prison ferme, un million
de dinars d’amende et la restitution des fonds indûment octroyés en avantages.
Il ne
montre aucune expression. Le juge poursuit le prononcé du verdict. Il condamne
l’ex-ministre de l’Industrie, Youcef Yousfi, à une peine de 10 ans de prison
ferme et une amende de 500 000 DA pour «octroi d’indus avantages»,
«abus de fonction», «corruption» et «dilapidation de deniers publics».
Son
prédécesseur à ce poste, Mahdjoub Bedda, écope de la même peine pour «octroi
d’indus avantages», «abus de fonction», «trafic d’influence» et «fausses
déclarations de patrimoine». Absente de l’audience, l’ex-wali de Tipasa, Mounia
Zerhouni, est condamnée à une peine de 5 ans de prison ferme assortie d’une
amende de 200 000 DA pour «octroi d’indus avantages» et «abus de fonction».
Un peu
crispés, les hommes d’affaires, s’en sortent avec des peines moins lourdes.
Ahmed Mazouz, patron du groupe qui porte son nom, écope de la plus lourde
sanction : 7 ans de prison ferme assortie d’une amende d’un million
de dinars et de la confiscation des fonds saisis pour «incitation de
fonctionnaire pour obtenir d’indus avantages et de bénéficier de l’influence
des agents de l’Etat», «blanchiment d’argent et dissimulation de leur origine»
et «financement occulte de la campagne électorale».
Propriétaire
de KIA Motors Algérie, Hassan Arbaoui est reconnu coupable de deux chefs
d’inculpation : «bénéfice de l’autorité des agents de l’Etat en vue de la
conclusion de marchés publics» et «blanchiment d’argent», pour lesquels il
écope d’une peine de 6 ans de prison ferme assortie d’une amende d’un million
de dinars et de la confiscation des fonds saisis. Déstabilisé et visiblement
inquiet, Mohamed Baïri, patron du groupe Ival et ex-vice président du Forum des
chefs d’entreprise, s’en tire avec 3 ans de prison ferme assortie d’une amende
de 200 000 DA pour «incitation des agents publics en vue d’obtenir d’indus
avantages» après avoir bénéficié de la relaxe pour le délit de «blanchiment
d’argent».
La même
peine et la même inculpation sont retenues contre Fares Sellal (fils de
Abdelmalek Sellal), alors que Abdelghani Zaalane, ex-ministre des Travaux
publics (en détention dans le cadre de l’affaire de Mme Maya en instruction au
tribunal de Chéraga) et directeur de la campagne électorale pour le 5e mandat
du Président déchu, bénéficie de la relaxe pour le délit de «financement
occulte de la campagne».
Complètement
effacé, Ali Haddad écoute, sans sourciller, la sentence décidée à son encontre.
Il écope d’une peine de 7 ans de prison ferme, assortie d’une amende de 500 000
DA au même titre qu’Ahmed Mazouz, pour «participation au blanchiment d’argent»
et «financement occulte de la campagne électorale».
Ses deux
employés, le trésorier de la campagne, Aourane Ahmed et Hadj Saïd Malek, ainsi
que le directeur financier de la campagne électorale, Hamoud Chaid, 90 ans,
ancien sénateur du tiers présidentiel, sont condamnés à 2 ans de prison, dont
un an avec sursis, et à verser une amende de 200 000 DA avec confiscation
des fonds saisis.
Cadre au
ministère de l’Industrie, Amine Tira se voit infliger 5 ans de prison ferme et
une amende de 100 000 DA pour «passation de contrats en violation des
dispositions réglementaires», «abus de fonction pour octroi d’indus
avantages».Abboud Achour, cadre au ministère de l’Industrie, écope de 3 ans de
prison ferme assortie d’une amende de 100 000 DA, alors que ses collègues
du même département ministériel, Alouane Mohamed, Abdelkrim Mustapha et Omar
Mekadir, sont condamnés à 2 ans de prison dont une année avec sursis assortie
d’une amende ferme de 200 000 DA.
Pour ce
qui est de Djemïa Karim et Makraoui Hassina (cadres au ministère de
l’Industrie), Abdelkader Nemroud Abdelkader (homme d’affaires) ainsi que les
opérateurs économiques Semaï Mustapha, Semaï Karim et Semaï Sofiane, ils sont
reconnus non coupables des faits qui leur sont reprochés et donc relaxés.
En plus de
Abdessalem Bouchouareb, quatre autres prévenus en fuite – les hommes d’affaires
Aïssa Chaabane, Mourad Hafiane, Ousmida Houssam Eddine et Kamel – sont
condamnés par défaut à une peine de 7 ans de prison ferme assortie d’une amende
ferme d’un million de dinars et d’un mandat d’arrêt pour chacun d’entre eux,
pour les délits d’«infraction à la réglementation des changes et des mouvements
de capitaux».
D’autres
sentences sont infligées aux sociétés en tant que personnes morales. Ainsi, les
34 entreprises appartenant à Hassan Arbaoui écopent d’une amende d’un million
de dinars pour le délit de «bénéfice du pouvoir et de l’influence des agents de
l’Etat» et les 27 sociétés dont est propriétaire Ahmed Mazouz sont condamnées
chacune à payer une amende d’un million de dinars pour «blanchiment d’argent
pour le transfert des biens provenant des recettes de la corruption afin de
dissimuler leur origine illicite». Pour ce qui est des 9 entreprises de Mohamed
Baïri, deux sont condamnées au versement d’une amende d’un million de dinars.
Dans la
salle, beaucoup de larmes, de douleur pour les uns mais aussi de soulagement
pour les autres. Statuant sur le volet civil, le tribunal inflige à l’ensemble
des prévenus condamnés le paiement solidaire de la somme de 20 milliards de
dinars au Trésor public comme dédommagement du préjudice qu’il a subi.
En plus de
cette somme, Abdelmalek Sellal, Ahmed Ouyahia, Amine Tira, Abdessalem
Bouchouareb et Mahdjoub Bedda doivent payer solidairement 2 milliards de dinars
à Abderrahmane Achaibou, 200 millions de dinars à la société Elsecom (détenue
par son frère), 100 millions de dinars à Omar Rebrab et 500 millions de dinars
au groupe Emin Auto, en dédommagement des préjudices qu’ils ont subis.
Le
représentant du Trésor public avait estimé le préjudice subi à plus de 128
milliards de dinars, dont 39 milliards concernent le groupe Mazouz, 87
milliards le groupe de Hassan Arbaoui et un milliard de dinars le groupe Ival
de Mohamed Baïri. A cela s’ajoute le préjudice causé par les financements
occultes de la campagne électorale, estimé à 50 milliards de dinars.