JUSTICE-DROIT- DROITS DE L’HOMME- RAPPORT CNDH 2018
Le chef de l'État, Abdelkader Bensalah, a reçu, lundi25 novembre 2019 ;, au siège de
la présidence de la République, le président du Conseil national des droits de
l'homme (CNDH), Bouzid Lazhari,
qui lui a remis «le rapport annuel sur la situation des droits de l'homme en
Algérie», au titre de l'année 2018, et ce en application des dispositions de l'article
199 de la Constitution, indique un communiqué de la présidence de la
République.
Lors de l'audience, le président du CNDH a exposé en substance «le
contenu de ce rapport qui prévoit plusieurs axes couvrant les droits civiques,
politiques, socio-économiques et culturels, outre le domaine de
l'environnement, ainsi que les droits ayant trait à certaines catégories telles
que la femme, l'enfant et les catégories vulnérables (personnes âgées et
personnes aux besoins spécifiques)», a-t-on précisé dans le communiqué. Il a
également été évoqué, dans le rapport, «la société civile et son rôle dans la
consécration de la démocratie participative». Le document a consacré «un pan
important pour le thème de la médiation englobant des propositions sur une meilleure
prise en charge des plaintes et requêtes des citoyens, pour faire droit à leurs
doléances, par les autorités publiques chargées de les examiner et de les
traiter».
À l'issue de cet exposé, le chef de l'État a «remercié le président du CNDH et
ses membres, pour leurs efforts consentis et leur attachement à la garantie de
tous les droits de l'homme dans les domaines politique, social, économique et
culturel». Appelant à «intensifier les actions visant la prise en charge des
préoccupations des citoyens et l'amélioration des prestations du service
public, à travers l'écoute, le suivi et la consolidation de la confiance dans
les institutions en charge des affaires publiques au sein de la société», M. Bensalah s'est félicité «des progrès réalisés en matière de
promotion et du respect des droits de l'homme dans notre pays». À ce propos, le
chef de l'État a appelé le CNDH, érigé en institution constitutionnelle, «à
assumer un rôle clé dans la promotion et la vulgarisation de la culture des
droits de l'homme, pour instaurer les principes d'un État de droit, à travers
une plus grande interaction avec les parties agissantes de la société civile,
et réactivité pour la prise en charge des attentes et aspirations de nos
citoyens». Dans le même sillage, le chef de l'État a exhorté tous les
partenaires «à ne ménager aucun effort et à faire preuve de vigilance à l'égard
de ceux qui n'hésitent pas à politiser et instrumentaliser les valeurs des
droits de l'homme, pour instaurer une nouvelle forme d'ingérence dans les affaires
d'autrui».
Introduire des amendements dans le code électoral
Le Conseil a appelé, dans son rapport, à introduire des amendements dans le
code électoral, pour permettre au Conseil d'assurer un rôle «de contrôle et de
supervision spécifique» qui diffère de celui de l'Autorité nationale
indépendante des élections (ANIE). Le CNDH a précisé que «la plupart des
institutions nationales indépendantes des droits de l'homme à travers le monde
jouissent de prérogatives en matière d'élections». L'élection et la candidature,
étant des droits politiques élémentaires, le conseil est, donc, «tenu
d'apporter une contribution concernant les élections, en présentant un rapport
comportant ses observations sur le processus électoral». Dans ce cadre, le
conseil a mis l'accent sur l'impératif d'une «révision de la loi portant régime
électoral qui doit prévoir l'introduction du conseil national dans le processus
électoral en matière de surveillance, de suivi et d'élaboration de rapports sur
le déroulement de tout le processus électoral». S'agissant de l'indépendance de
la justice et de la lutte contre la corruption, le conseil a insisté sur «la
nécessité de revoir les statuts du Conseil supérieur de la magistrature (CSM)
et confier la vice-présidence du conseil à un magistrat, et non à un membre de
l'exécutif», soulignant que cette démarche devrait «se faire en accordant la
vice-présidence du CSM au premier président de la Cour suprême au lieu du
ministre de la Justice». «Il est temps de réfléchir sérieusement à confier à un
magistrat la présidence du Conseil supérieur de la magistrature qui devrait
avoir la prérogative de proposer les noms de trois magistrats, choisis suivant
les normes d'ancienneté de service, dont un devant être, obligatoirement,
choisi par le président de la République pour présider le CSM.» Le Conseil
supérieur de la magistrature devient, ainsi, «une instance représentative
pleinement élue, où toute désignation est écartée et dont le nombre des membres
est égal à celui des magistrats au sein des tribunaux et des cours de justice».
Le document a souligné, dans le même cadre, que «le principe de l'indépendance
de la justice et de son renforcement exige la révision des statuts du Conseil
supérieur de la magistrature». Par ailleurs, le rapport a rappelé que «la corruption
est en violation des droits de l'homme», relevant que «face à une corruption
répandue, il y a une abstinence à recourir à la justice, car il y a une ferme
conviction que ce recours ne protègera pas les droits». Dans de telles
conditions, «la police judiciaire et la justice sont soupçonnées de corruption
par les justiciables qui veulent appliquer le droit à un procès juste où la loi
est appliquée correctement et équitablement». «La corruption favorise
l'apparition de disparités entre les individus et les catégories et attente
dangereusement au principe de l'égalité, empêchant, ainsi, les citoyens et les
résidents de jouir de leurs droits civiques, politiques, et socioculturels»,
poursuit le rapport.
Le document a affirmé également que «l'engagement total de l'État en matière de
droits de l'homme lui impose de mener une bataille féroce et rigoureuse contre
la corruption», mettant en exergue que le CNDH était appelé, en coordination
avec les organes de lutte contre la corruption, à organiser des conférences et
des rencontres en vue de «sensibiliser aux risques de ce fléau sur l'économie
et les droits de l'homme, et d'encourager les personnes qui signalent ou
dénoncent la corruption, et ce après la protection de leurs droits à la
sécurité personnelle et à la liberté, la garantie des procès justes et la
protection des témoins». S'agissant de la liberté d'expression et de la presse,
le rapport a rappelé que cette dernière «constitue l'un des piliers de la
société démocratique, et des textes constitutionnels et juridiques en Algérie»,
notant que les documents internationaux ratifiés par l'État algérien «attachent
à ce droit une importance extrême».
À ce titre, il a indiqué que le nombre de titres, revues, radios et chaînes
télévisées en Algérie «est la preuve irréfutable que la liberté est concrétisée
sur le terrain, et se développe progressivement et efficacement, en dépit de
certaines contraintes conjoncturelles et objectives». Dans ce sillage, le CNDH
a appelé à «la non-utilisation des moyens financiers et matériels ou autres,
pour imposer aux journaux et moyens de communication, en général, publics ou
privés, de suivre une certaine ligne», précisant que «l'équité et l'égalité se
doivent d'être le critère de traitement pour les médias, en général». Dans le même
ordre d'idées, le rapport a souligné l'impératif de «distribuer la publicité
publique conformément à des normes préalablement fixées, visant l'encouragement
de la presse à évoluer et à assurer davantage de service public, et non pas
l'étouffer dans l'œuf», mettant en exergue que la mission de distribution de
cette publicité «doit être confiée à un organe créé selon la loi, composé de
membres ayant des compétences professionnelles». Le rapport a également
appelé les pouvoirs publics à «ne pas se hâter dans la poursuite de
journalistes qui critiquent des personnalités publiques», estimant que
«quiconque s'engage dans la vie publique en vue de servir les citoyens, le pays
et toutes les personnes vivant sur le territoire, doit faire l'objet de
contrôle des instances constitutionnelles, dont le Parlement et la Cour des
comptes». Le document a mis l'accent sur «la nécessité de renforcer la
protection des journalistes contre toute sorte de poursuite, lors de l'exercice
de ces missions», soulignant que le CNDH «ne peut pas être indulgent avec
l'emprisonnement des journalistes, il faut s'éloigner de ses pratiques qui
peuvent mener à la violation de la liberté d'expression». Exhortant les médias
et les journalistes à œuvrer pour «promouvoir le professionnalisme et éviter
l'application de la politique du buzz», le rapport a
souligné que cette tendance «ne sert pas les objectifs de l'État, à savoir
rendre les médias une référence fondamentale dans la constitution d'une opinion
publique consciente exerçant son droit de débattre des affaires politiques,
économiques, culturelles, sociales et autres d'une manière intelligente et
responsable». Appelant à «la révision du code de l'information, et ce par
l'élimination de toutes les entraves et difficultés dressées devant le développement
et l'élargissement du champ de la liberté d'expression», le CNDH a mis en avant
l'impérative installation de l'Autorité de régulation de la presse écrite.
Plus de 1.400 doléances parvenues au CNDH en 2018
Le CNDH a été destinataire, en 2018, de plus de 1.400 doléances, dont la
majorité porte sur des affaires liées au logement, à la Justice et au travail.
Durant l'année écoulée, le CNDH a reçu 1.439 doléances et accueilli 885
personnes, donnant lieu à l'examen de 1.258 dossiers, soit une hausse de 67%
par rapport à 2017, a précisé le CNDH. Concernant la répartition par objets des
doléances et des requêtes, le dossier du logement figure en tête des droits les
plus revendiqués, avec 345 doléances, soit 27% de l'ensemble des dossiers
étudiés. Le deuxième droit sur lequel est saisi le CNDH concerne la justice et
l'exigence d'un procès équitable.
Le nombre des doléances a atteint 327 doléances, mais la majorité ne
remplit pas les conditions de poursuites et l'épuisement de toutes les étapes
de poursuites, indique le rapport qui rappelle que le CNDH, en vertu de la loi,
ne peut intervenir dans la Justice néanmoins il joue le rôle d'intermédiaire
entre le citoyen et la Justice, en l'orientant pour l'obtention de ses droits.
Le droit au travail constitue le 3e motif de doléances, avec 115 dossiers
relatifs aux conflits professionnels, au licenciement et autres affaires
relatives au travail de manière générale. Selon les explications contenues dans
le rapport, les doléances relatives aux droits des détenus interviennent à la
4e position en nombre de dossiers reçus par le CNDH (60 doléances), suivi des
doléances relatives à la tragédie nationale (40 doléances). S'agissant du
genre, le CNDH fait constater que le nombre de doléances émanant de femmes
atteint 349 dossiers en 2018 (17% du total des doléances), contre 171 doléances
en 2017.
Cette hausse est «liée à la prise de conscience de la femme quant à ses
droits, en dépit des obstacles sociaux et des traditions dominant la société et
infligées à la femme», estime le rapport. Quant à la classification
géographique, le rapport a indiqué que la wilaya d'Alger occupe le premier rang
en termes de nombre de doléances reçus par le CNDH (324 doléances), suivie de
la wilaya de Médéa (156 doléances), tandis qu'il a reçu 8 doléances de la
communauté algérienne établie à l'étranger. Évoquant la destination des
correspondances émises par le CNDH suite aux doléances reçues, le rapport fait
état de 268 correspondances adressées à des walis et 60 à des walis délégués,
étant donné que la majorité des affaires porte sur le logement. Cependant, le
CNDH n'a reçu que 175 réponses de la part des autorités compétentes saisies,
qualifiant ce chiffre d'«insuffisant» en comparaison avec le nombre de
doléances transmises, ce qui confirme que «les autorités compétentes ne
réalisent toujours pas que leurs missions consistent également à répondre aux
correspondances du CNDH en tant qu'institution constitutionnelle, dont les
missions concernent le traitement des doléances et la médiation». À ce propos,
le CNDH a recommandé, dans son rapport, la mise en place d'un bureau au niveau
de toutes les institutions de l'État, qui aura pour mission le traitement des
requêtes. Il a également suggéré aux institutions de l'État de déployer
davantage d'efforts en vue de développer leurs dispositifs de réponse aux
réclamations des citoyens, dans le but de sortir de la bureaucratie et de
moderniser leur méthode de travail. Le CNDH œuvre, par ailleurs, à la mise en
place prochaine de nouveaux mécanismes relatifs au traitement des doléances et
à y répondre afin de consacrer la démarche de l'État visant l'instauration
d'une E-administration, et aller, ainsi, vers la bonne gouvernance et la
démocratie participative, conclut le rapport.