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Corruption - Privilèges de juridiction

Date de création: 29-05-2019 15:17
Dernière mise à jour: 29-05-2019 15:17
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JUSTICE- DOCUMENTS ET TEXTES RÈGLEMENTAIRES- CORRUPTION- PRIVILÈGE DE JURIDICTION

Le Parquet Général près la Cour d’Alger a indiqué dimanche 26 mai 2019 , dans un communiqué, que 11 anciens hauts responsables (OUyahia, Sellal, Zoukh, des anciesn ministres comme Ghoul, Benyounès ..) et le wali d’El Bayadh, toujours en poste, poursuivis en justice, pour des faits à caractère pénal « bénéficient de la règle du privilège de juridiction ».

L’article 537 du code de procédure a suscité une grande polémique du fait qu’il ne concerne pas les anciens ministres et ex hauts responsables de l’Etat. Des juristes apportent des éclaircissements.

-Me Nadjib Bitam, avocat et enseignant universitaire à la Faculté de Droit soutient que conformément à l’article 573 le privilège de juridiction est un droit accordé aux hauts responsables et aux membres du gouvernement, selon le code qui contient un «titre» réservé aux « crimes et délits commis par des membres du gouvernement, des magistrats et certains fonctionnaires ». Mais les citoyens sont-ils alors égaux devant la justice ? Un prévenu doit normalement être jugé devant la juridiction territorialement compétente. L’avocat a précisé, que les personnes citées par le Parquet Général prés la cour d’Alger ont exercé des fonctions gouvernementales. Ils avaient des fonctions spécifiques et sensibles. « Ils avaient des liens et des relations avec plusieurs pouvoirs notamment le pouvoir judiciaire. De ce fait ils ne peuvent pas être jugés par un tribunal ordinaire. C’est là le principe de privilège de juridiction », explique l’avocat. S’agissant de la procédure judiciaire à suivre dans ces cas, Me Bitam a précisé, que les hauts responsables (premier ministre, ministre, wali et magistrat prés la cour suprême) sont entendus par les enquêteurs de la police judiciaire sur des faits. « Le dossier est transmis au procureur de la République prés le tribunal compétent, dans ce cas, c’est le tribunal de Sidi M’Hamed qui transmet au Procureur Général prés la cour d’Alger. Le Parquet Général prés la cour d’Alger prépare le dossier et l’envoie au Procureur Général prés la Cour Suprême. Ce dernier ouvre une instruction judiciaire et informe le président de la Cour Suprême sur la procédure et les faits », explique l’avocat, rappelant que la Cour Suprême ne compte pas des juges d’instruction. « La cour suprême est une juridiction de loi et non un tribunal d’instruction. De ce fait, le président de la Cour Suprême désigne des magistrats chargés de l’enquête et l’audition, parmi des conseillers auprès la Cour suprême », a-t-il affirmé. Le Premier ministre devrait être jugé par la Cour suprême de l’Etat. Qu’en est-il de l’article 177 de la Constitution, qui stipule qu’il est institué « une Haute-Cour de l’Etat pour juger des actes pouvant être qualifiés de haute trahison du président de la République, des crimes et délits du Premier ministre, commis dans l’exercice de leurs fonctions »? Me Nadjib Bitam a précisé que celle-ci est chargée exclusivement de juger le président de la République et le Premier ministre. « Dans le cas présent, nous sommes face à deux anciens Premiers ministres. Mais la haute-cour de l’Etat n’a pas été créée. Il y avait un laxisme de la part du pouvoir juridique et personne n’imaginait des poursuites judicaires à l’encontre de ces hautes personnalités », a-t-il relevé, signalant que la composition, l’organisation et le fonctionnement de la Haute-Cour de l’Etat, ainsi que les procédures applicables, sont fixées par une loi organique. Toutefois, l’avocat a tenu à préciser que les 12 hauts responsables cités dans le communiqué du Parquet Général prés la Cour d’Alger  sont des prévenus qui bénéficient de la présomption d’innocence. « Si l’enquête prouve leur inculpation, ils seront jugés devant une juridiction en dehors d’Alger, afin d’assurer la neutralité et en application du privilège de juridiction. Il seront également jugés, dans le cadre de la loi sur la lutte contre la corruption ». Selon les faits cités dans le communiqué du Parquet Général, les prévenus risquent des peines à la prison ferme allant de 2 années à 10 années de prison ferme.

                   Levée de l’immunité de Ghoul et du wali d’El Bayadh …Une question de temps

-Me Athamnia Khemissi, ancien juge et avocat agréé à la cour suprême estime que cette dernière   n’est pas habilitée à juger Ouyahia et Sellal. « Ils devront être jugés par la haute Cour de l’Etat, conformément à l’article 177de la Constitution mais celle-ci n’a pas été installée », fait il remarquer. S’agissant de la notion du privilège de juridiction, l’ancien magistrat a expliqué que le Premier ministre est poursuivi sur des faits commis lorsqu’il occupait ce poste comme les autres ministres et les walis.  Selon lui,   l’instruction sera confiée à un conseiller auprès la cour suprême, qui a toutes les prérogatives dont le placement sous mandat de dépôt. Qu’en est-il du wali d’El Bayadh en poste et Amar Ghoul, membre du Conseil de la Nation, qui bénéficie de l’immunité? Dans le cas Ghoul Me Athamnia  précise que celui ne peut être poursuivi sans la levée de son immunité, à l’exception du cas du flagrant délit comme ce fut le cas pour le sénateur de Tipaza. « La poursuite est entamée à partir de la convocation et je pense que la procédure de levée d’immunité se fera parallèlement », pense t-il.

                                     Haute cour de l’Etat : pas une urgence

-Amar Rekhila, spécialiste en droit constitutionnel précise que l’Article 177 de la Constitution relatif à la création d’une cour suprême d’Etat concerne des poursuites contre le Président de la République et le Premier ministre. Pour lui « la constitution d’une juridiction pour juger les hauts responsables d’Etat, n’est pas une urgence car l’affaire est toujours en instruction et les chefs d’inculpations, ne sont pas déterminés ». «  Si on se réfère au communiqué du Parquet, il s’agit de délits qui ne nécessitent pas le passage devant une Haute cour », indique le professeur. «Toutefois, ils seront jugés par une juridiction exceptionnelle au titre du privilège de juridiction », assène t-il.