JUSTICE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI
MARIE CLAUDE RADZIEWSKY- « LE THEÂTRE DE LA VIE. MEMOIRES.... »
Le théâtre de la vie. Mémoires d’une avocate engagée .
Essai de Marie –Claude Radziewsky (préfaces de Robert
Elbaz et de
Ali Haroun à l’édition algérienne , postface de Jacques Vergès) , Casbah
Editions, Alger 2015 (Publisud, France, 2013) ,
298 pages, 950 dinars
Jacques Vergès qui a écrit la posteface a cité André Gide qui avait conseillé
« à qui voulait connaître une ville de rendre d’abord visite au Palais de
Justice ». Là, en effet, sont exposés sous une forme théâtrale
, directement accessible au spectateur, les drames de la vie
quotidienne. « On retrouve l’atmosphère d’une époque et d’un pays à
travers les mémoires des grands du barreau »
En lisant le mélange de
mémoires , de souvenirs et d’autobiograhie
de Marie-Claude Radziewsky, une grande du barreau
algérien (de 63 à 93 à Alger même, y habitant avec ses parents, la maman,
décédée en 1977, étant enterrée à El Biar ), on y retrouve certes une multitude
d’ « affaires » contées avec précision, art …et humour parfois,
mais aussi l’histoire du pays. Un pays, l’Algérie, qu’elle a adopté dès la
guerre de libération et juste après son inscription au barreau de Paris, en
novembre 1956 . Défendant (dans le cadre du Collectif
des avocats du Fln) les militants Fln
arrêtés et emprisonnés et parfois torturés, faisant face aux menaces des
Autorités coloniales en « métropole » , aux
« harkis de Paris » et à l’Oas, elle rencontrera les principaux futurs dirigeants….ou
futurs simples chaufeurs ou plantons. Entre autres
Ben Bella, le « charmeur » ,
« personnage ouvert , enthousiaste et charismatique » et Mohamed Boudiaf, « homme solitaire,
intransigeant, persuadé qu’il sauvera l’Algérie »….Un pays qu’elle n’avait
jamais visité et où elle s’est installée dès 1963. D’abord haut fonctionnaire
au ministère de l’Orientation nationale (regroupant alors l’Education,
l’Information, la Jeuness et la Sports) avec Chérif Belkacem, elle installe son cabinet après le 19 juin 1965.
Au départ, les dossiers concernent surtout des affaires de crimes , de conflits de famile, de
contentieux divers, d’escroquerie …..qui l’obligent à parcourir le pays profond
et se retrouver dans des situations parfois assez cocasses ,
souvent payée en poules , en œufs…. et
en promesses. Puis , vint, à partir de 1971, l’application, aux affaires de Justice , de
l’arabisation….Elle ne se décourage pas (refusant d’abandonner les
« éclopés de la Cour des Miracles qui peuplaient les prisons », elle la
« socialiste modérée ») et elle s’arabise , suivant des cours
intensifs en Tunisie durant les vancances d’été, et
obtenant même des diplômes (mais, l’arabe classique avec un fort accent
français n’est pas trop compréhensible par les clients !).
Ensuite, forcée en quelque sorte, elle se transforme en avocat des
multinationales qui commencent à affluer . Un
« rôle plus prestigieux et rémunérateur que le précédent » . Une « mise à
niveau » et ça marche . Hélas , après 1988, la situation s’aggrave dans le
pays (instabilité politique, violence, attentats..) et , c’est
l’installation en Espagne, en 1993…..où
elle y retrouve de la famille, mais aussi beaucoup d’amis Algériens
L’Auteure : Née en 1934 à Paris, isue
d’une famille d’origine juive
polonaise, elle a vécu à New York de
1940 à 1952 (ses parents ont fui le nazisme et l’anti-sémitisme) . Cours de droit. Avocate à Paris à partir d’octobre 56.
Défend les militants du Fln . Juste après l’indépendance, elle visite l’Algérie pour la
première fois…..et elle s’y installe en jusqu’en 1993 ,
fuyant le terrorisme. Actuellement établie en Espagne, toujours en tant
qu’avocate.
Avis : Une autobiographie….sérieuse, légère, prenante,
émouvante…..Parsemée d’humour aussi,
même dans les moments les plus graves !
Citations : « Au-dessus de la loi contingente
du moment traduisant la prédominance de certains peuples sur d’autres, il
existe une loi permanente , expression d’une vérité
éternelle : l’homme est né pour vivre libre »
(Ali Haroun, préface, p 18), « Le colonel (Boumediène)
a initié trois « révolutions » : le révolution agraire dont le
résultat est que l’Algérie importe aujourd’hui les deux tiers de ses besoins
alimentaires ; la révolution industrielle avec son mythe de
l’ « industrie industrialisante » dont
la production ramène au pays moins de 2% de ses ressources en devises
(…) ; enfin la révolution culturelle qui accoucha en définitive d’une
« école sinistrée » (Ali Haroun, préface , p 22) , « Aucun motif
ne rend légitime l’usage de la violence dans une démocratie » (p 63),
« La lutte , sans contrepartie, pour une cause juste, quels qu’en soient
les obstacles , donne des ailes ; ceux qui n’ont pas connu, pendant leur
jeunesse, le bonheur de lutter pour défendre leurs principes , ont manqué une étape
essentielle de leur vie » (p 262)