JUSTICE- INFORMATIONS PRATIQUES- APPEL JUGEMENT – CHRONIQUE
BRAHIMI MOHAMED
Par Maitre M.BRAHIMI/in Algeriepart.com,
Avocat à la Cour
brahimimohamed54@gmail.com
Dans un but de désengorger le rôle des juridictions pénales,
l’ordonnance n° 15-02 du 23/07/2015 modifiant et complétant le code pénal
a institué un mécanisme dérogatoire au droit d’appel des jugements
correctionnels et contraventionnels. En effet l’article 416 nouveau
dispose : « Sont susceptible d’appel 1°) Les jugements
rendus en matière de délits lorsqu’ils prononcent une peine d’emprisonnement ou
une peine d’amende excédent 20 000 dinars pour la personne physique
et 100 000 dinars pour la personne morale 2°) Les jugements rendus
en matière de contravention lorsqu’une peine d’emprisonnement avec ou
sans sursis a été prononcée ».
A contrario les jugements rendus en matière de délits ayant
prononcé une peine égale ou inférieure à 20 000 dinars et les jugements
rendus en matière de contravention n’ayant prononcé qu’une peine d’amende ne sont
plus susceptibles d’appel. Le nouvel article 416 du code pénal favorable
au prévenu mais qui lèse la partie civile a suscité des interprétation divergentes.
L’application de cette nouvelle disposition pénale par les
juridictions d’appel a soulevé une difficulté et une controverse
non pas sur la pertinence d’une telle disposition qui
interdit au prévenu l’exercice d’une une voie de recours
ordinaire contre le jugement de condamnation , mais sur le
recevabilité de l’appel d’un tel jugement par de la partie civile
dans l’hypothèse où cette dernière s’est constitué partie civile et où sa
demande d’indemnisation du dommage induit par l’infraction a été soit rejetée
soit totalement soit partiellement. La partie civile est-elle recevable à
faire appel d’une telle décision ayant prononcé une peine correctionnelle égale
ou inférieure à 20 000 DA ou une peine contraventionnelle
d’amende ? L’irrecevabilité de l’appel du ministère public
ou du prévenu posée par l’article 416 du code pénal induit-il
d’office l’irrecevabilité de l’appel par la partie civile ?
La cour de Bouira dans plusieurs
arrêts a répondu par la négative et a a jugé
que l’appel de la partie civile est recevable quant bien même le jugement
a prononcé une peine égale ou inférieure à 20 000
DA. Il s’agissait dans les cas d’espèce de jugements rendus
par le tribunal correctionnel ayant condamné le
prévenu à une peine d’amende de 20 000 dinars pour
soustraction frauduleuse d’électricité conformément à l’article 350
du code pénal et où la partie civile n’a été indemnisée qu’à hauteur de
10 000 DA alors qu’elle a sollicité 100 000 dinars. Sur le seul appel
de la partie civile , la cour a modifié le
jugement dont appel et a augmenté le montant de
l’indemnisation à 20 000 DA.
Ces arrêts sont t-il conformes à la lettre et à l’esprit de
l’article 416 du code pénal ? Le but affiché par les
concepteurs de cette nouvelle disposition étant le désengorgement du rôle
des juridictions pénales , ouvrir le droit d’appel
à la partie civile ne contredit-il pas l’esprit de la loi ? En
outre le principe selon lequel « le jugement prononçant
une peine égale ou inférieure à 20 000 Da n’est pas susceptible
d’appel » n’induit-il pas nécessairement que cette irrecevabilité
s’applique à toutes les parties au procès (prévenu, partie civile, civilement
responsable) ? On peut soutenir ce point de vue .
Mais suivant un autre raisonnement beaucoup plus pertinent juridiquement , rien n’empêche la juridiction d’appel
de déclarer recevable l’appel de la partie civile malgré la disposition
de l’article 416 peut être défendue.
Tout d’abord si le législateur a voulu interdire
l’appel y compris pour la pour la parte civil, il
aurait expressément mentionné cette interdiction dans
l’article 416 comme il l’a fait pour le pourvoi en cassation où il a
interdit ce recours contre les arrêts et jugements rendus en
dernier ressort en matière de délits ayant prononcé une peine
d’amende égale ou inférieure à 50 000 DA pour la
personne physique et 200 000 DA o pour la personne morale avec ou
sans réparation civile. Ici
le législateur et pour éviter toute autre interprétation a pris soin de
mentionner que l’interdiction concerne aussi la partie civile.
En outre l’action civile étant distincte de l’action public,
rien n’empêche la juridiction pénale de juger cette action sur le
seul appel de la partie civile même si le jugement n’est pas susceptible
d’appel sachant qu’une jurisprudence constante permet à la partie
civile de faire appel du jugement de relaxe du prévenu même en l’absence
d’appel du ministre public.Les arguments ayant motivé
cette jurisprudence pour autoriser la juridiction d’appel de juger l’action
civile même en cas de relaxe peuvent être transposés au cas où seul la
partie civile a interjeté appel du jugement non susceptible d’appel en vertu de
l’article 416 .
Nous penchons donc vers la recevabilité de l’appel
de la partie civile non seulement au regard des arguments
sus-dessus mais aussi au fait que toute restriction au droit d’appel, que ce
soit celui du prévenu ou celui de la partie civile ,
ne peut qu’être préjudiciable à la justice et à l’équité .Il ne peut en
être autrement que si la disposition de loi n’autorise aucune interprétation ce
qui n’est pas le cas de l’article 416 du code pénal.
En attendant une décision de la cour suprême sur la
question qui fera certainement jurisprudence, L’article 416 du code pénal
continuera à susciter une controverse sur la question de la
recevabilité de l’appel de la partie civile au gré des
décisions des juridictions appelées à trancher ce genre d’appel.