JUSTICE – ETRANGER- ARBITRAGE COMMERCIAL- COUR DE
PARIS/ALGERIE
(c) Ali Titouche/Liberté,
samedi 6 octobre 2018
L’Algérie est l’un des meilleurs clients de la Cour
internationale d’arbitrage. Les litiges impliquant l’Algérie, traités ces
dernières années au sein de la Chambre de commerce internationale (CCI) de
Paris, allaient crescendo à tel point que le pays arrive en pole position dans
les statistiques de la CCI pour la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord).
Les participants à la conférence dédiée à l’arbitrage commercial international,
organisée jeudi 4 octobre 2018 à Alger, par le cabinet DLA Piper, ont pointé la
tendance haussière des litiges impliquant l’Algérie traités par la Cour
d’arbitrage de la CCI. De 2004 à 2014, l’on a recensé 137 situations
litigieuses impliquant l’Algérie, soumises aux magistrats de la Cour
international d’arbitrage. Dans la région MENA, les Emirats arabes unis étaient
le seul pays à avoir devancé l’Algérie en nombre de différends soumis à
l’arbitrage de la CCI avec, au compteur, 421 litiges impliquant des parties
émiraties. Au classement, l’Algérie a été talonnée, en revanche, par l’Egypte
(136 différends), l’Arabie saoudite (135) et le Maroc (114). Ahmed Laraba, membre de la Commission du droit international des
Nations unies et consultant, a souligné le caractère évolutif des statistiques
impliquant l’Algérie au sein de la CCI, notamment depuis 2010. L’année 2013 a
été celle de tous les records avec, au tableau, 43 dossiers litigieux
impliquant l’Algérie, déposés au niveau de la CCI de Paris. Si le nombre
d’affaires a évolué en tendance haussière ininterrompue c’est parce que l’ère
du pétrole cher y était pour beaucoup. Certaines réformes juridiques ont
facilité également le recours à l’arbitrage international comme moyen de
règlement des litiges commerciaux, à en croire des praticiens en arbitrage
présents à la conférence.
“Le classement de l’Algérie en tête de la zone MENA est dû à deux réformes
juridiques, à savoir, d’un côté, le nouveau code des procédures civiles de 2009
qui a ouvert l’arbitrage aux institutions publiques et le nouveau code des
marché publics de 2012 qui a autorisé l’arbitrage dans les marchés publics, de
l’autre”, explique Me Lezzar Nasr-Eddine,
praticien en arbitrage international. Selon lui, ces deux réformes “ont
coïncidé avec l’embellie financière due à la hausse des cours du pétrole et qui
a donné lieu à beaucoup de contrats internationaux et qui, à leur tour, ont
engendré beaucoup de litiges”. Durant les années 1990, les statistiques des
affaires soumises à la Cour internationale d’arbitrage font état de 79 dossiers
impliquant l’Algérie. Pour ainsi dire, si le nombre a bien évolué depuis le
début des années 2000, c’est parce qu’il a bénéficié d’une conjoncture
économique favorable. Mais, du point de vue institutionnel, ce classement en
tête de l’Algérie dans les statistiques des litiges traités par la Cour
arbitrale de Paris est dû, aussi, à l’absence, en interne, d’une institution
spécialisée en arbitrage commercial capable d’absorber une partie des litiges
adressés aux arbitres de la CCI. “Les autres pays économiquement et
traditionnellement impliqués dans l’arbitrage international ont développé des
institutions internes. Ce qui n’est pas tout à fait le cas de l’Algérie, où les
structures chargées de la promotion et de la formation en matière d’arbitrage
présentent les signes d’un manque de visibilité”, souligne Me Lezzar Nasr-Eddine. Ahmed Laraba, membre de la Commission du droit international des
Nations unies, pointe, quant à lui, “l’absence de statuts dédiés à
l’enseignement du droit de l’arbitrage et de la médiation.” Au-delà de l’effort
individuel consenti par certains praticiens et enseignants, il suggère que
“l’on fasse appel à d’autres institutions pour pouvoir démocratiser
l’enseignement du droit de l’arbitrage.”