JUSTICE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI
HADJ ALI MUSTAPHA- « LES BAGNARDS ALGERIENS DE CAYENNE »
Les bagnards algériens de Cayenne. Essai de Hadj Ali Mustapha. Editions El Amel, ?????( lieu d’édition non indiqué) 2017, 600 dinars , 176 pages.
Cayenne !Un nom
qui reste gravé –aujourd’hui encore- dans les mémoires des grands et des
petits, et dans la noire histoire de l’inhumanité franco-coloniale ;
faite de dépossession, de brutalités, d’apartheid....et qui avait
engendré les causes profondes des émeutes, des insurrections, des révoltes ,
des rebellions des individus ou des groupes, « le colonialisme étant source
de misère laquelle, à son tour, est source du mal ». Emile Larcher
(Hachette/Bnf, Paris 2014) le note : « La
plupart des délits commis par les Algériens durant la colonisation française et
qui ont fait l’objet de leur transportation au bagne de Guyanne
avaient pour origines « la faim » et ce au moment où quelques savants
estimaient que l’Algérie pourrait nourrir quarante millions d’individus ».
Cayenne et ses camps de détention......Du
début de la « transportation » en 1852 à sa fermeture en 1946, le nombre
d’Algériens condamnés au bagne s’ est élevé à
environ 20 145, entre forçats et relégués. « On » a commencé
avec les déportations d’ordre politique..... « Eloigner pour
intimider ! » en commnençant à partir de
1936 avec l’internement des kahlifas de l’Emir
Abdelkader, puis ceux d’Ahmed Bey, puis les Braknas....dans
des forts sur la côte méditerranéenne et en Corse.....tous vite surpeuplés.
Seuls
moments de répit enregistrés par l’auteur-chercheur (sur la base de témoignages
convaincants.....des médecins, des historiens, des bagnards...) : la période de la guerre de 14-18, et pour la
dernière tranche, celle allant de 1921 à 1938 (année de l’abolition de la
transportation au bagne de Guyane).
1852-1866 : 1 041 condamnés
1867-1885 : 5 624
1886-1896 : 780......un effectif réduit
suite à l’envoi des « coloniaux »(forçats) ......en Nouvelle Calédonie en raison de la
recrudescence des évasions.
1897-1912 : 4 800 condamnés
(transportés dès 1900 par un steamer effectuant une desserte
, Saint Martin de Ré-Alger-Guyane,
deux fois par an).....soit 200 condamnés/an. Pour la plupart des
Algériens musulmans.
1921-1938 : 7 900 au total avec des convois de 400 personnes
/an et des pics de 600 et plus
Durant les années 30, le total de bagnards
Maghrébins (Algériens en grande majorité) était de 40%......et les 20 145
condamnés Algériens réprésentaient près de 30% du total des condamnés qui
avaient « foulé » la terre de Guyanne
durant le siècle d’existence de son bagne et qui s’élevait à près de
70 000 bagnards.
La vie à Cayenne durant l’époque des
bagnes ? L’enfer .....surmultiplé sur terre. Des
conditions de vie exécrables. « Au bagne, les forçats ne valaient rien, et
cette race (les Arabes ) encore moins » (p 87. In Le Grand livre du Bagne, Eric
Fougère, Orphie 2002): 53 types de punitions infligées.....allant de deux jours
de pain sec ou de prison à la mort.........20 pénitenciers, eux-mêmes , pour
certains , composés de lieux de détention spécifiques (dont des camps de travux forcés, des camps agricoles et d’élevage , des
chantiers forestiers.... : Kourou avait 10 camps, Maroni 4, Cayenne –fondé
en 1863- 16......des noms toujours assez bizarres faits surtout pour effrayer
encore plus.Ajoutez-y le climat malsain et des épidemies diverses continuelles (fièvre jaune, paludisme,
dysenterie, ankylostomiase, scorbut, lèpre ...) : un taux de mortalité
atteignant souvent les 50% et pas moins de 10% en périodes creuses.....et une
espérance de vie des condamnés n’excédant pas les cinq années. Sur un total de
condamnés de 17 000 de 1887 à 1853, seuls 768 étaient vivants en
1945.....A noter pour la petite histoire qu’un Algérien, rescapé de Cayenne à
l’âge de 68 ans, Mohamed Boukhobza, a vécu jusqu’à l’âge de 109 ans ....à Skikda . A noter aussi que c’est le journaliste-reporter Albert Londres qui ,
grâce à ses grands reportages, en 1923, a dévoilé les conditions inhumaines des
bagnes de Guyanne. Par la suite, à partir de 1933,
l’Armée du Salut s’installa pour apporter son aide aux bagnards libérés (car , auparavant , ils étaient livrés à eux-mêmes)
Ce ne sont pas seulement les hommes qui
furent transférés en Guyanne : Ainsi, en 1872 on
y vit la première femme Algérienne, Yamouna bent Benallel....Au bout de 35
ans, il y eut seize condamnées, dont treize se marièrent sur place....suivant
les mœurs du pays natal .....le premier mariage
entre un homme et une femme forçats Algériens fut célébré le 16 mars 1878.....
L’Auteur : Né en
1951 à Haizer (Kabylie). Fonctionnaire au sein de l’administration
et d’entreprises, enseignant de français dans un lycée ; déjà auteur d’un
roman et d’un recueil de poésie, édités en France.
Extraits : « Lors des insurrections , les
premiers à payer les frais de la colonisation étaient
les colons fermiers qui représentaient aux yeux de la population musulmane le
symbole même de leur misère, avant d’en découdre avec l’armée qui rappliquait
aussitôt. Le colon voyait le terre et ses produits synonymes de richesse ;
l’Algérien avait faim, alors pour se venger, il se résoud
à anéantir sa plantation, sa résidence avant de l’abattre, mais en fin de
compte, l’administration voyait le criminel. Les insurgés perdaient alors leur
statut de belligérants, en étant considérés comme de vulgaires criminels, ils
étaient déférés devant les cours d’assises qui les condamnaient à la
transportation aux bagnes d’outre-mer » (p 63),
Avis : Un
peu fourre –tout, ce qui ne facilite pas la lecture, et pas mal de
« coquilles »......sujet déprimant.....mais d’un apport historique
formidable. Il nous rappelle que la colonisation , ce
n’est pas seulement l’occupation et l’exploitation du sol au profit d’une seule
population étrangère....ce sont aussi des méthodes génocidaires pour se « débarasser » de tous ceux et celles qui résistent.Au nom d’une « Justice » ...à la seule vitesse du colon.
Citations : « L’invasion en juin 1830 de l’Algérie par la France ne répondait
qu’à l’intensification du projet que s’étaient tracés les empires coloniaux du
vieux continent : celui du partage du reste du monde entre eux où chacun tentait
de dominer en conquérant le plus de territoires possibles » (p 47), « Au
bagne, on meurt par la faim, les travux forcés sont
une peine, la faim en est une autre » (p 129), « En France, il y a le
chevreuil , du faisan, du lièvre, en Guyane, il y a l’homme et la chasse est
ouverte toute l’année » (p 149), « La justice française n’était
jamais juste quand il s’agissait de traiter une affaire où la victime fut un
Arabe , autrement dit : un Algérien » (p 156)