L’ancien ministre de l’Industrie et député du RND, Abdessalem Bouchouareb, a été
débouté par la justice suisse, dans son action de lever le gel sur ses avoirs
d’un montant de 1,7 million d’euros, domiciliés dans une banque à Genève. La
décision de geler ses fonds est intervenue, à la suite d’une commission
rogatoire délivrée par la justice algérienne et lié à des soupçons de
corruption sur un marché d’acquisition de canaux sidérurgiques.
C’est
ce que la presse locale a annoncé, il y a deux jours, sans donner de détails
sur cette transaction. L’ancien ministre s’est opposé non seulement au gel de
ses avoirs mais aussi à la transmission des documents financiers aux juges
algériens, en mettant en avant «la violation des droits fondamentaux et la
persécution politique de la part du gouvernement algérien».
Les
mêmes arguments que ceux avancés par l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, devant la même juridiction, il y a quelques années,
lorsqu’il s’est opposé lui aussi à la saisie de ses comptes par les autorités
judiciaires suisses, avant qu’il ne soit débouté. Abdessalem
Bouchouareb a quitté, tout comme Chakib Khelil, l’Algérie, au moment où le régime du défunt
Bouteflika commençait à s’effondrer aux premières semaines de la contestation
populaire de 2019.
Considéré
comme un influent ministre très proche de Saïd Bouteflika, frère cadet du
défunt président, Abdessalem Bouchouareb
a pris pour destination la capitale française où il détenait de somptueux biens
immobiliers. Quelques temps après l’arrestation de son ami Ali Haddad, patron
du groupe ETRHB, suivie de celle de nombreux autres hommes et surtout de Saïd
Bouteflika, Abdessalem Bouchouareb,
s’est installé au Liban. En tant que ministre de l’Industrie, son nom est désormais
parmi ceux qui faisaient et défaisaient les affaires en Algérie.
Déféré,
pour corruption, devant le pôle financier et économique près le tribunal de
Sidi M’hamed à Alger, il devait être jugé avec Saïd
Bouteflika et des hommes d’affaires, Ali Haddad, Mahieddine
Tahkout, parton du groupe TMC, Mourad Oulmi, à la tête du groupe Sovac,
les frères Kouninef, propriétaires du groupe KouGC, Ahmed Mazouz, du groupe
GMI, lors du premier procès, en début du mois décembre 2019. Un procès
historique durant lequel ont défilé devant la barre deux anciens Premiers
ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, de nombreux membres de leurs gouvernements
respectifs et des témoins (et victimes) à charge.
Accusé
et confondu par ces derniers, M. Bouchouareb est
accusé d’avoir obtenu des pots de vin, auprès des concessionnaires automobiles
mais aussi d'investisseurs auxquels il facilitait l’octroi d’assiettes
foncières en contrepartie de subsides. Des accusations qui lui ont valu sa
première condamnation par défaut à 20 ans de prison ferme, assortie d’un mandat
d’arrêt international et la saisie de ses biens, dont une grande partie a été
vendue avant sa fuite vers l’étranger.
Il
faut dire que l’ancien ministre n’en est pas à sa première affaire. En 2003, il
a été éclaboussé par le scandale Khalifa Bank. Le patron de cette banque
privée, Abdelmoumène Khalifa (en prison), lui avait
transféré un montant de 140 millions de dinars, en contrepartie de l’hypothèque
d’un terrain destiné à son usine de chips. La somme n’a jamais été remboursée
et l’hypothèque, levée, alors que Abdelmoumène
Khalifa était en fuite à l’étranger. Placé sous contrôle judiciaire au niveau
de la cour suprême, son dossier est mis sous le coude. Abdessalem
était déjà député RND de 2004 à 2014. Il grimpe rapidement les échelons,
jusqu’à occuper le poste de vice-président de l’Assemblée nationale (de 2012 et
2014).
9
condamnations à 20 ans de prison et 9 mandats d’arrêt
Devenu
le cadre le plus influent du RND et le plus proche de Saïd Bouteflika, il est
nommé directeur de la campagne électorale pour le 4e mandat du défunt
président, puis gratifié, en 2014, du poste de ministre de l’Industrie. En
2016, son nom fait encore son apparition avec le scandale Panama Papers, lié
aux paradis fiscaux. Le cabinet de l’avocat Mossack
Fonseca a révélé que Bouchouareb est propriétaire
d’une société offshore, Royal Arrival Corp,
domiciliée au Panama qui opère dans l’intermédiation commerciale avec plusieurs
pays, dont l’Algérie, la Suisse et Abou Dhabi.
Encore
une fois, l’ancien ministre n’a même pas daigné justifier l’origine des fonds
qui alimentaient ses comptes, notamment en suisse. En 2018, d’autres
informations ont révélé l’acquisition de deux importants biens immobiliers dans
l'un des quartiers les plus huppés de Paris, dont un aurait été vendu, une
année après avoir quitté le pays. Le nom de Bouchouareb
va être cité dans plusieurs dossiers de corruption instruits par la justice. Après
la première condamnation à 20 ans de prison et le premier mandat d’arrêt
international, d’autres procès vont arriver en cascade, l’impliquant
directement.
D’abord
avec Ali Haddad puis avec Mourad Oulmi et son épouse,
Mahieddine Tahkout, Reda Kouninef et les trois Premiers ministres, Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal et
Noureddine Bedoui. En tout, huit peines maximales de
20 ans de prison, assorties chacune d’un mandat d’arrêt international sont
prononcées pour des faits liés, entre autres, à l'«octroi
et perception d’indus avantages», «trafic d’influence», «blanchiment d’argent»,
«abus de fonction», «transfert illicite de fonds de et vers l’Algérie». La
neuvième et récente condamnation à 20 ans a été prononcée le 3 octobre dernier,
dans le cadre du procès de l’ancien ministre, Abdelhamid Temmar,
également en fuite, devant le tribunal de Sidi M’hamed,
avec de nombreux autres ex-membres du gouvernement, pour des faits de
corruption.
Depuis
sa dernière apparition, au mois d’août 2020, à la suite de l’explosion au port
de Beyrouth, au Liban, qui a endommagé son appartement, Bouchouareb
a disparu des radars, jusqu’à il y a quelques jours. Une information sur son
présumée arrestation en France a fait le tour de la Toile et suscité de sa part
une surprenante réaction. Dans une déclaration faite à un site électronique (Algerie Part), il dément son arrestation en précisant,
cependant, qu’il s’est «présenté devant une brigade de
la Gendarmerie française pour connaître la vérité sur les mandats d'arrêt
internationaux» délivrés à son encontre par la justice algérienne.
Il
a également exprimé son «intention d’engager des
procédures devant la Justice française contre ces mandats afin de faire valoir
son innocence».
Mieux
encore. L’ex-ministre fugitif a affirmé que «depuis
2019, les autorités françaises ne» lui «ont jamais adressé la moindre
notification officielle» pour «l'informer de sa mise en examen dans une
quelconque affaire de justice» ou pour lui «faire parvenir une convocation afin
de l'informer des tenants et aboutissants d'un mandat d'arrêt
international».