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Roman Yasmina Khadra - "Le sel des tous les oublis"

Date de création: 06-10-2020 11:00
Dernière mise à jour: 06-10-2020 11:00
Lu: 615 fois


SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN YASMINA KHADRA – « LE SEL DE TOUS LES OUBLIS »

Le sel de tous les oublis. Roman de Yasmina Khadra. Casbah Editions, Alger 2020 (Julliard, Paris 2020), 287 pages, 1 300 dinars

Début de l’Indépendance du pays. Adem Naït-Gacem est un homme sans histoire….un Monsieur tout-le-monde d’un village banal .  Un enseignant –du primaire -  pas du tout malheureux. Marié depuis pas mal de temps  à Dalal, une femme  encore jeune et désirable . Pas d’ enfant (on ne sait  si c’est lui qui ne pouvait ou si c’est elle qui ne voulait). C’est dire qu’au lit, après les premiers grands ébats de la découverte de l’Autre, ça ne batifolait pas trop bien  ou pas assez .Les corps n’exultait pas. Juste ce qu’il faut !

Puis, patatras ! Il est quitté pour un autre….un « ami d’enfance rencontré par hasard » dit-elle, évidemment plus jeune et moins taiseux . Il n’arrive pas à comprendre, lui, si attaché aux liens et aux certitudes  du mariage qu’il croyait indissolubles.

Que faire ? Ni ni deux, n’arrivant pas « à faire avec » ,  il laisse tout tomber : le logement de fonction, la fonction, ce qu’il lui restait comme famille (une sœur très terre-à-terre)……et, équipé d’un sac de toile  contenant quelques vêtements, un cahier d’écolier et un  vieux livre d’un auteur russe, il s’en va , dans l’anonymat,  errer sur les routes. Pour quoi faire ? Il n’en sait rien…..Seulement habité par la désillusion, la rancœur à l’endroit de l’humanité environnante…..le vide complet ..dans sa vie, dans sa tête…..n’acceptant ni les discussions ou les questionnements, ni la vie en groupe. Une sorte de « philosophie » de vie – style « road-movie » - conjuguant l’errance et l’a-socialisation. Car à la différence des « intellos » qui prennent la route, il n’y allait pas pour « traquer » une part de bonheur…mais plutôt pour fuir un malheur qu’il a peut-être lui-même causé en grande partie. Encore fallait-il qu’il le sache ou qu’il l’accepte ?

En voulant à tout le monde, n’arrivant pas à reprendre goût à la vie, Il va , ainsi, devenu un « Don Quichotte des temps modernes » , en réalité un vagabond livré aux vents contraires de l’errance, allant d’asile et tanière,  découvrir le pays et ses habitants, leur vie et leurs difficultés……parfois leur générosité, souvent leur indifférence ou leur dureté 
Des rencontres providentielles jalonnent sa route : …..toutes le renvoient constamment aux rédemptions en lesquelles il refuse de croire.
Un garçon de café philosophe, un ivrogne,  un nain, Mika,  réfugié en pleine nature sauvage…..portant une croix sans être résolument chrétien….. Il travaillera aussi en tant que manœuvre dans un chantier….En fin de parcours, il sera recueilli, soigné , logé et nourri, par une famille de paysans et il arrive même , grâce à eux, à devenir le nouvel instituteur du hameau  déserté depuis longtemps par l’ouverture sur le monde….et encore dirigé , juste après l’indépendance , par un « mouhafedh » (du parti unique) faisant la « pluie et beau temps » et écrasant toute contestation. Il est vrai que tout bon roman de la littérature contemporaine nationale ne peut plus se passer  de cette « parenthèse » historique partisane   qui se veut résumer tout la crise politique  du pays.

Le drame pour notre « héros »  c’est, qu’au fond de lui, il n‘est autre qu’un simple quidam (comme vous et moi ?) recherchant son « Eve » perdue (par sa faute, mais ne le reconnaissant pas) …….et, comme le paysan –infirme de surcroît -qui l’a accueilli , a une belle ….femme, encore jeune et attirante  , gentille et serviable (ce qui laisse croire !!!) …….rattrapé par ses vieux démons,  il est ainsi tenté de l’entraîner à « sortir  du droit chemin » .Une fin peu appétissante mais qui est une méditation sur la possession et la rupture, le déni et la méprise, et sur la place qu’occupent les femmes dans les mentalités obtuses.

L’Auteur : Il n’est plus à présenter….ses innombrables romans étant traduits en 49 langues….et certains adaptés au théâtre dans plusieurs pays…et certains portés à l’écran. Ecrivain certes, mais aussi scénariste….et un certain temps, court,  très court ,  engagé en politique.

Extraits : « Comment réapprendre à vivre ? /En gardant la foi/Et quelle est la tienne, toi qui est en froid avec le Seigneur ?/Ne jamais me considérer comme mort avant d’être enterré » (pp 116- 117), « La vie est un navire qui ne dispose pas de la marche arrière. Si on n’a pas fait le plein d’amour, c’est la cale sèche garantie au port des soupirs. Lorsqu’on échoue là où les voiles sont en berne, on s’en veut amèrement de n’avoir pas laissé grand-chose pour ses vieux jours » (p 152)

Avis :Un  roman (de désamour ?) qui commence mal et finit…..très mal. Mais qui se laisse lire…rapidement ….malgré ses 287 pages. Heureusement, les gros caractères facilitent la lecture.

Citations « Lorsque l’évidence vous met au pied du mur et que l’on s’évertue à chercher dans l’indignation de quoi se voiler la face, on ne se pose pas les bonnes questions, on triche avec soi-même » (p 15), « La femme est un exercice de haute voltige. Ce qu’elle montre n’est qu’illusion, ce qu’elle déclare n’est qu’allusion » (p 280)