Nom d'utilisateur:
Mot de passe:

Se souvenir de moi

S'inscrire
Recherche:

Aide à l'exportation-Etude El Watan/Rabah Ouatah

Date de création: 27-12-2018 10:35
Dernière mise à jour: 27-12-2018 10:35
Lu: 1085 fois


COMMERCE- DOCUMENTS ET TEXTES REGLEMENTAIRES - AIDE A L’EXPORTATION- ETUDE EL WATAN/RABAH OUATAH

 

L’aide aux exportations hors hydrocarbures

Un système coûteux et inopérant

(c) El Watan/Rabah Ouatah, 24 décembre 2018

 

Par ce système, on vise expressément les aides directes octroyées aux exportateurs, à savoir le FSPE, la rétrocession d’un pourcentage des recettes en devises, ainsi que les facilités en matière de rapatriement du produit de l’exportation.

1. Le fonds de soutien à la promotion des exportations (FSPE)

C’est la loi de finances pour 1996 (art 111-115) qui a institué le FSPE, ce fonds est destiné à la promotion des exportations hors hydrocarbures. Cette disposition législative a été traduite sur le plan réglementaire par le décret exécutif du 05/06/1996, qui a fixé les modalités de fonctionnement du compte d’affectation spécial n° 302-084. Mais cette aide n’a été mise en application que depuis 2002, à la faveur de l’arrêté interministériel du 01/06/2002, qui a fixé la nomenclature des recettes et des dépenses du FSPE. Pour les recettes, c’est principalement une quotité de 10% de la taxe intérieure de consommation. En dépenses, ce texte prévoit :

– le soutien des exportateurs à la participation aux foires et expositions, à l’information des exportateurs ;

– l’aide aux frais de transit et de transport international, ainsi que les frais liés à l’adaptation des produits aux marchés extérieurs.

Ce décret a été modifié par un autre décret exécutif du 25/08/2014, qui a défini les actions susceptibles de bénéficier de cette aide. Ces actions (mieux cernées et précises) sont au nombre de 9. Il a fallu attendre 2016 pour qu’un arrêté interministériel définisse le pourcentage de l’aide pour chacune des neufs actions.

En réalité, ces modifications n’ont fait que reconduire les actions définies initialement, mais ce sont les taux qui ont été touchés pour certaines actions. Aussi, il y a lieu de dire que ce fonds a été géré initialement par Promex (qui est devenu Algex) et actuellement par le ministère du Commerce. Concrètement, voici quelques indications sur le niveau de l’aide octroyée par le FSPE(1) : 2010 : 600 millions de dinars (pour 95 entreprises) / 2011 :350 millions de dinars (pour 124 entreprises)/ 2012 :  766 millions de dinars (pour 317 entreprises)/2013 : 921 millions de dinars (pour 251 dossiers) / 2014 : 526 millions de dinars.  (Source ) : Ministère du Commerce

 

Nous savons que l’essentiel des produits exportés est constitué de matières premières et de demi-produits, soit 80 à 90% (dérivés des hydrocarbures pour l’essentiel), le reste, soit 10 à 20%, est constitué de produits agricoles et agro-alimentaires (dattes, produits laitiers, boissons, etc.). Ces derniers représentent une moyenne de 300 millions de dollars/an.

Pour les matières premières et les demi-produits, les exportations se font de façon aléatoire, car il n’existe pas de débouchés au niveau national, c’est le cas des produits dérivés du pétrole exportés par Sonatrach, ou aussi de la mélasse de sucre ou des huiles acides exportées par Cevital. C’est le cas aussi des sociétés comme Fertial (fertilisants) ou Sorfert (ammoniac) qui exportent, car le marché algérien n’absorbe pas toutes leur production. Ces produits seraient exportés, qu’il y ait l’aide du FSPE ou non.

Par conséquent, les matières premières et demi-produits ne doivent pas, selon le bon sens, bénéficier de l’aide à l’exportation. Seuls les 10 à 20% restants devraient bénéficier de l’aide du FSPE, car c’est cette partie qui est issue de l’agriculture et de l’industrie agro-alimentaire qu’il est nécessaire de promouvoir. Même dans ce dernier cas, l’aide ne doit être donnée que si les quantités connaissent une progression dans le temps, c’est ce qui peut motiver à faire plus. Sinon cela peut constituer une aide à la médiocrité.

2. La rétrocession des devises aux exportateurs

Rappelons que c’est l’instruction n°22-94 du 12/04/94 de la Banque d’Algérie qui a fixé le pourcentage des recettes d’exportation hors hydrocarbures, ouvrant droit à l’inscription aux comptes devises des personnes morales. Cette instruction a unifié les différents taux existants auparavant à un taux unique de 50%.

A l’époque (les années 80’ et 90’), cela constituait une incitation en raison du difficile accès à la devise. Aujourd’hui, les données ont changé, le dinar est devenu convertible commercialement. Donc, une entreprise voulant importer une matière première, un outillage, une machine n’avait qu’à domicilier l’opération, à alimenter son compte en dinars et le transfert peut s’effectuer. Donc, cette pratique de rétrocession et d’inscription au compte devises n’est plus justifiée.

De ces 50% rétrocédés, seuls 10% (instruction n° 03-98 du 21/05/1998 de la Banque d’Algérie) sont laissés à la libre disposition. Ce dernier taux est porté à 20% depuis la tripartite de septembre 2011. Libre disposition signifie que ces fonds sont laissés à l’exportateur pour couvrir, théoriquement, ses frais de voyage, de publicité et de participation à des manifestations commerciales à l’étranger, bien que le FSPE prévoit la possibilité d’une prise en charge jusqu’à 80%, il peut donc y avoir un double emploi.

Pratiquement, libre disposition signifie que l’opérateur n’est pas tenu par la réglementation de justifier l’utilisation des 20% rétrocédés.

Pour le restant de ces 50%, à savoir 30% (50 % – 20 % de libre disposition) leur utilisation par l’exportateur doit être réservée pour importer une matière première, un demi-produit ou un équipement, et ceci sous le contrôle de la Banque d’Algérie par le biais d’une demande de l’opérateur.

Ce qui est tout à fait normal, bien qu’il faille préciser que depuis que le dinar est convertible commercialement, l’exportateur n’a pas besoin de recourir à ses devises propres. En juin 2016, la Banque d’Algérie a édicté une facilitation(1) pour l’utilisation du restant des 50% rétrocédés pour les opérateurs qui souhaitent les utiliser pour importer une matière première dans le cadre du perfectionnement actif.

Cette facilitation consiste à ne plus demander d’autorisation à la Banque d’Algérie, c’est-à-dire que l’utilisation des devises existantes dans ces comptes est libre. En elle-même, la mesure est intéressante, mais il ne faut pas être naïf, l’opérateur exportateur, qui souhaite importer, voudrait toujours payer en dinars et obtenir le transfert au taux officiel, plutôt que d’utiliser ses propres devises.

L’application d’une telle disposition, si elle n’est pas encadrée, se traduirait inéluctablement par le transfert du contenu de ces comptes à l’étranger rapidement, surtout s’il est fait usage de la surfacturation dans ces importations.

Le tableau ci-dessous retrace l’évolution des montants des importations financés sur compte propre de devises et l’estimation des rétrocessions des devises aux exportateurs.

Sur la base de ce tableau, nous voyons clairement que les exportateurs n’utilisent leurs propres comptes devises que d’une façon insignifiante, passant de 220 millions de dollars en 2011 à 18 millions de dollars en 2015 pour tomber à 3 millions de dollars en 2016 et 14 millions de dollars en 2017. Marquant ainsi leur préférence nette à utiliser les transferts de devises au niveau des banques en contrepartie du paiement en dinars.

Ce tableau montre également le montant important des rétrocessions de devises aux exportateurs. Au fil des années, ces comptes peuvent héberger des montants cumulés qui peuvent se chiffrer en dizaines, voire en centaines de millions de dollars. Si la rétrocession des devises durant les années 80’ et 90’ était justifiée, la situation économique de l’Algérie depuis les années 2000 ne justifie plus cette rétrocession. C’est pourquoi il est normal d’aller dans le sens d’une suppression de cette rétrocession.

3. Le délai de rapatriement

C’est l’article 11 du règlement n° 91/13 du 14/08/1991 de la Banque d’Algérie qui a fixé à 120 jours le délai de rapatriement du produit d’une exportation. Ce délai a été porté en 2007 à 180 jours maximum, après la date d’expédition de la marchandise. Ce délai est plus que correct, sachant que la pratique du crédit fournisseur se situe entre 30 jours et 120 jours généralement.

Donc, un crédit de 180 jours est vraiment exceptionnel dans les pratiques commerciales courantes. Aussi, il est à relever qu’avec la plupart des clients traditionnels de l’Algérie, le paiement cash est le plus utilisé, c’est ce qui explique principalement le non-recours aux services de la Cagex par la plupart des exportateurs algériens.

A titre d’illustration, une enquête, faite en 2007/2008 à Béjaïa, a révélé que les 12 exportateurs privés et quelques exportateurs publics de l’époque (ENEL pour le liège, Alcovel pour le velours d’Akbou) ne faisaient pas appel à la Cagex (organisme public chargé de l’assurance à l’exportation). Car ils ont estimé qu’ils n’ont pas de problème de paiement ni de rapatriement.

Le règlement de la Banque d’Algérie du 13/12/2016 a porté ce délai à 360 jours après la date d’expédition de la marchandise. Ce prolongement est intervenu à la demande des exportateurs algériens représentés par leur association qui est Anexal. Ces derniers ont estimé que le délai en vigueur, avant la date du 13/12/2016, qui était de 180 jours, constituait un blocage pour promouvoir les exportations hors hydrocarbures. La Banque d’Algérie a fini par accorder cette demande.

Réclamer un délai de 360 jours, soit une année au lieu des 180 jours, est, à mon sens, fortement exagéré. Ce n’est pas le délai de rapatriement qui bloque les exportations algériennes en hors hydrocarbures. Les blocages sont à rechercher ailleurs.

4. Impact de toutes ces aides sur le développement des exportations hors hydrocarbures

Il est à noter que ces exportations sont constituées de 80 à 90% de matières premières et de produits bruts (produits dérivés d’hydrocarbures et seulement 10 à 20% de produits agricoles et agro-alimentaires. Ces derniers représentent en valeur absolue une moyenne annuelle de 300 à 400 millions de dollars.

Par conséquent, on est forcé de dire que ces aides, sous leurs différentes formes (FSPE, rétrocession de devises, allongement du délai de rapatriement) n’ont pas d’impact sur le niveau de ces exportations qui est stationnaire et parfois même en régression depuis plusieurs années.

Ces aides s’apparentent plus à du social qu’à des incitations économiques. C’est pourquoi il est nécessaire que le ministère du Commerce repense tout le système d’aide aux exportateurs. Toute concession faite par l’Etat doit se traduire par une contrepartie directe ou indirecte à l’économie nationale dans le court ou moyen terme.