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Recueil de textes Boudjedra Rachid- "Chronique d'un monde introuvable"

Date de création: 10-12-2018 09:40
Dernière mise à jour: 10-12-2018 09:40
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SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RECUEIL DE TEXTES BOUDJEDRA RACHID- « CHRONIQUES D’UN MONDE INTROUVABLE »

Chroniques d’un monde introuvable. Recueil de textes de Rachid Boudjedra. Editions Frantz Fanon, Tizi-Ouzou, 2018, 200 pages, 600 dinars.

Un recueil de 37 chroniques (classées en 5 thèmes : Société/ Philosophie/ Histoire/ Littérature/ Peinture) publiées conjointement ou séparément , entre 1975 et 2015, dans différents journaux et périodiques algériens et étrangers.

Un régal. Aussi bien au niveau de l’écriture et du style  qu’à celui  des idées. Un régal pour ceux qui sont déjà totalement acquis au personnage (car, il ne faut perdre de vue que, depuis pas mal de temps - sinon toujours-  Rachid Boudjedra, aimé et/ou haï, admiré ou envié,  est un « incontournable » du paysage littéraire et culturel  national....et international ) et à ce qu’il professe. Car, Boudjedra, en dehors de ses romans, pour la plupart à succès, son talent ne laissant pas indifférent,  est , aussi (surtout ? en ces temps de communication de masse), un « écrivant » de première. Il est arrivé à combiner le génie de l’écrivain au talent de journaliste (chroniqueur et critique) .Il a su mélanger ,harmonieusement, ses connaissances philosophiques (celle-ci englobant bien des sphères : sociologique, politique, culturelle, psychologique, scientifique....) aux réalités de la vie quotidienne...une réalité dans laquelle il est resté plongé en permanence. On le croise bien souvent, au marché, en « Kachabia » et un couffin traditionnel à la main,  faisant ses courses.

Revenons au livre : Tout y passe !Tout se lit avec facilité tant la pensée boudjedréenne, que l’on croit compliquée alors qu’elle seulement complexe car multiple donc  trop riche, est volontairement « couchée » sur papier pour être facilement comprise, rapidement, par (presque ) tous. Certes,  il faut seulement le connaître pour l’accepter..ou le rejeter....mais sans haine.

Société : Dix-sept chroniques. La plus grosse part du gâteau : La vie, le malaise artistique et culturel, la nouvelle mythologie algérienne, la sociologie en lambeaux, les femmes, la langue, les querelles liguistiques, la modestie, ....

Un texte qui retient l’attention, la mienne en tout cas :le malaise artistique et culturel. Pour l’auteur, la vie artistique algérienne est profondément marquée par la manière dont on a enseigné la littérature, la peinture ou théâtre. « Non seulement cet enseignement a été catastrophique mais aussi prédateur .... » Et, seule « la musique savante aux origines séculaires (toutes les formes de l’andalou, du malouf et du châabi) a échappé au saccage pour des raisons évidentes et historiques .. »

Philosophie : Six chroniques. Du court. Du lourd : Le courage d’El Halladj (« Il a cardé la conscience religieuse de l’époque et chamboulé les concepts des théologiens paresseux ») , l’avant-gardisme d’Abou Alaâ Al Maâri (« le fondateur de l’existentialisme et de la philosophie du pessimisme dès la fin du IIIè siècle de l’Hégire ») , la vie et la mort d’Ibnou Al Moukaffaâ (l’auteur de « Kalila oua Dimna », un livre dont « on a essayé de vider sa substantifique moelle politique , philosophique et esthétique , pour le simplifier et en faire un livre pour enfants ») , la transgression (et le délire en littérature) , Mouhiaddine Ibnou Arabi, le théoricien rigoureux et patient « qui va revivifier l’Islam », ......et , pour ne pas déroger à la règle, l’érotisme en Islam.

Histoire : Six chroniques : La littérature et la guerre, le piège colonial, le néo-colonialisme....

Littérature : Six chroniques : La mythomanie du texte littéraire, la modernité des Mille et une Nuits (le chef d’œuvre de l’humanité et selon Proust le premier roman qui ait jamais été écrit... « le livre de la subversion totale et de l’émancipation absolu....un livre qui remet en question déjà l’histoire ».... « le livre du tout et du rien. Le livre du plein et  du vide. En un mot, un livre absolu ! ») , le roman, entre objectivité et subjectivité, le livre en fragments détachés (une sorte de petite confession intime de l’auteur)....

Enfin, la Peinture avec deux  chroniques : Les Algéroises selon Picasso (un peintre « qui avait un sens politique aigu de l’histoire et une vision humaniste du monde »)  et La passion maghrébine ou le Ferdaous selon Henri Matisse (un peintre sur lequel les arts musulmans ont exercé l’influence la plus profonde sur sa pratique picturale).

L’Auteur : Né en septembre 1941 à Ain Beida (Aurès). Etudes en mathématiques et en philosophie.1959, il rejoint le Fln. 1962 : Licences....Enseignant au lycée de Blida et à l’ Université, militant politique (Pca puis Pags)  romancier, journaliste-chroniqueur, poète, dramaturge, « personnage contrasté et extrêmement sensible, suscitant la polémique » (A. Cheurfi) .....une œuvre considérable (en français et en arabe) , traduite dans le monde entier. Premier ouvrage publié en 1969 : « La Répudiation » (écrit en réalité en 1965).....durant « l’ère du soupçon à l’égard du langage poétique, du récit complexe ......Il régnait une sorte d’islamisme frotté, paradoxalement , de jansénisme..... J’étais mis au ban des traîtres qui ont « répudié ! » leur pays »... »

Extraits : « Il est notable qu’actuellement dans notre pays, chacun est à recherche- difficilement- d’un projet politique qui ne cesse de nous échapper par rapport à une société en mutation et en difficulté auto-conflictuelle et quelque peu ébranlée par sa fascination pour la modernité et son attirance pour le passéisme » (p 17), « S’il y a (..) un malaise très palpable dans le pays, c’est parce que , dès le départ, l’enfant, l’adolescent et le jeune n’ont aucune orientation pour cultiver chez eux le sens esthétique, le goût du beau » (p 22), « Tous les faux semblants, les reculades, les jongleries et la mauvaise foi flagrante des hommes politiques face à l’histoire ne changeront rien au fait que « l’homme est un loup pour l’homme » (Hobbes) . Et il le restera encore longtemps. Très, trop, longtemps ! »( 147),

 Avis : C’est tout Boudjedra, le vrai, l’intellectuel, le  philosophe à la précision mathématique....et dont chaque écrit a du « sens ».....comme il l’entend, bien sûr. Un livre de chevet qui aidera à mieux comprendre sa et n(v)otre vie. Incontestablement, le plus grand de nos écrivains ........même s’il n’est pas (toujours) le plus aimé. Il est vrai qu’être admiré lui suffit !

Citations : « La société algérienne actuelle a tendance plus que la précédente à fonctionner d’une façon superstitieuse et à remplacer l’attitude strictement religieuse par une attitude empreinte de religiosité ! Là est la différence. Toute la différence. Peut-être-contradictoirement- la rançon de la modernité ? » (p 31), « Eviter les explications, c’est créer un mythe » (p 36), « Une mentalité ne se démantèle pas en quelques années, quand elle a mis quatorze siècles à se cristalliser, à se durcir et à se scléroser » (p 41), « L’intellectuel est un humaniste qui fonctionne dans l’incompatibilité totale avec  le pouvoir politique en place quelle que soit sa philosophie ou son idéologie » (p 51) , « Pour créer , il faut casser et concasser la langue et créer son propre dictionnaire, son propre lexique. Et, c’est ce qui fait le vrai écrivain et qui le différencie de l’ « écrivant » (p 73) , « Le dévoilement de la sexualité dans la littérature algérienne est en train de devenir une nécessité parce qu’il s’agit de sortir au jour et à la clarté cette part de nous si enfouie » (p 117), « En faisant « bouger » les choses, les hommes et les stéréotypes, la littérature donne une lecture de l’inconscient et du conscient collectifs à travers la remise en cause des faits sociaux les plus têtus et les plus répandus chez tous les peuples. C’est cela la subversion de la littérature » (p 125),