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Roman Bouziane Ben Achour- "Sabrinel"

Date de création: 18-08-2018 19:33
Dernière mise à jour: 18-08-2018 19:33
Lu: 1103 fois


COMMERCE- BIBLIOTHEQUE D’AL MANACH- ROMAN BOUZIANE BEN ACHOUR – « SABRINEL »

 

Sabrinel. Roman de Bouziane Ben Achour. Anadar Editions, Oran  2018, ???? dinars, 209 pages

 

Roman d’amour ? Roman d’aventure ? Tout simplement le roman d’une vie.........dure et triste ....à en mourir. 

Dure, car elle raconte (de manière assez réaliste, pour ne pas dire bien crue) toutes les difficultés rencontrées par un jeune , né en pleine guerre de libération, le père éloigné dans un camp de concentration, n’ayant pas fréquenté assez longtemps l’école (encore faut-il préciser que ceux qui la fréquentent bien longtemps rencontrent, eux aussi,  bien des problèmes),  sommé par sa mère – qui « débordait de sens pratique avant de déborder d’instinct maternel  » - de se frotter rapidement au monde (c’est-à-dire devenir un « bras à trimer ») , ayant le sentiment d’être de trop.....se retrouve à quinze ans faisant le travail d’un jeune homme de vingt ans, avec des employeurs « peu regardants sur le nombre d’années, mais excessivement exigeants sur le rendement ».

Il est vrai que le  prénom dont il avait été affublé (rejeton d’un premier lit et arrivé avant terme) n’était  ni courant ni couru: Saber Inel («  Celui qui sait attendre...gagne »). Bref , un  prénom prétentieux .....et qui, inconsciemment, laisse le Destin « travailler » à sa place....jusqu’à cessation de la vie. En fils obéissant au cordon, il va suivre à la lettre ce qu’allait lui dicter le destin.

La frontière algéro-marocaine étant bouclée, il va devenir « arracheur-rouleur de fils barbelés », un « passeur chevronné .....un métier qui fait autorité », un « courtier des frontières »,   facilitant le travail des trabendistes et des contrebandiers . Un spécialiste recherché et chouchouté par les « barons » , ce qui lui permet de bien vivre.

Un premier mariage qui échoue rapidement ; l’épouse étant infidèle à sa « roue de secours temporaire ».  Des secondes épousailles , un mariage...d’amour (devant le cadi seulement). La fille d’un «  moudjahid » assurant avoir été ancien premier « aide de camp du Colonel Lotfi ».......un personnage suffisant , pervers et haïssant  tous ceux qui ne sont pas ou ne pensent pas comme lui.

Patatras ! Les frontières sont rouvertes. La catastrophe, car plus besoin d’ « arracheur-rouleur de fils barbelés » et de « passeur ».  Plus de ressources financières...... plus d’argent......des dettes auprès d’ « amis » qui ne vous veulent pas que du bien.........plus de femme aimante car devenu un « raté sans recours incapable de chercher pitance ailleurs» ....et plus de logement. Une vie de chien qui s’annonce.

Le  seul ami qui reste est un ancien « pafiste », Jaja Al Yabess, licencié de la police  en raison de sa trop grande proximité ( ?) avec les « passeurs », « marqué par les frontières » , grand buveur de pastis (« il avait un serpentin à la place du gosier » ) et gros fumeur de kif, fréquentant les cimetières.....Plus paumé que lui, tu meurs !

Une histoire somme toute banale: celle de l‘échec social d’une bonne partie de la jeunesse qui, « trompée » par ses aînés ou mal orientée ou abandonnée, vit l’instant présent , presque déshumanisée, à la recherche de la réussite matérielle à tout prix, de la jouissance physique, et oublieuse, dans la foulée , du minimum de valeurs élementaires. Plus dure est la chute !

Une histoire tragique, racontée par l’auteur « comme si vous y étiez », à sa manière, celle qui mélange hamonieusement l’écriture classique, celle journalistique et celle ......du théâtre. Avec, bien souvent des pointes d’humour. On rit jaune, mais on rit....un peu .

Aussi, une histoire qui pose  le problème de plus en plus lourd (pour les populations des deux côtés plus que pour les Etats eux-mêmes), de la  frontière terrestre algéro-marocaine , fermée depuis si longtemps.....sur des coups de tête et qui semble durer par entêtement. Voilà qui exacerbe , en « ces lieux où la rapine était manifeste », « les petiteses de l’homme, ses faims inapaissables, son opportunisme imbattable  et ses coups foireux... »

Enfin, une histoire qui brise des tabous, comme celui de l’homosexualité féminine, que l’auteur nous présente (et décrit)...... en termes choisis, car on a vu bien pire ailleurs.  Heureusement ? Chacun –selon ses penchants -appréciera.

 

 

 

L’Auteur : Journaliste (« La République »,  « El Djoumhouria », « El Watan » (Chef de bureau régional)  et, actuellement,  directeur du quotidien « El Djoumhouria »/Oran) , romancier (une dizaine de titres dont , aux éditions Anep, en 2016,  « Kamar ou le temps abrégé »)  , dramaturge (plus d’une quinzaine  de pièces dont « Yamna » en 2015, produite par le Tr de Tizi Ouzou et mise en scène par Sonia, et « Hbil Soltane » en 2018 ,produite par l’association El Murdjadjo d’Oran) , essayiste (trois essais sur la musique)  , Prix Mohamed Dib 2012......

Extraits : « Socialement , je n’avais prévu aucune espèce de protection publique car je n’ avais jamais cotisé à la Sécu. En fin de compte, j’ai réalisé que j’étais porteur d’une fausse richesse. Tout pour la façade et rien derrière » (p 73), « Avec ou sans sueur, l’argent légiférait, faisait loucher, creusait les différences : tout obéissait au billet de banque, même les faiseurs de loi » (p 103), « Le passeur n’a pas pour vocation de juger les consciences. Il fait ce que lui ordonne sa conscience à lui.Le passeur ne marche sous la bannière d’aucun parti car sa fonction est, avant toute chose, un service public de la contrebande... » (p 138

Avis : Ouvrage quelque peu déprimant. De la mal-vie, du mal-être.De la vie matérialiste. De la vie ratée .....Très (Trop ?)  réaliste. Du vrai, du dur !

 Citations : « Quand on appartient à la sphère des gens qui grandissent pour rien, on n’anticipe pas, on ne doit pas inventer un citoyen de demain mais produire un travailleur d’aujourd’hui » (p 11), « Un homme aujourd’hui, c’est comme une voiture qu’on peut, à l’occasion, essayer » (p 45), « L’isolement est maladie vengeresse, il ne vous laisse aucune issue, vous bouffe l’espace » (p 58), « C’est dur d’accueillir la défaite après la fringale » (p 59)