SOCIETE-
OPINIONS ET POINTS DE VUE- SEJOURS
EDUCATIFS
ALGERIE/MAROC-OPINION SAID DJABELKHEIR (Fb)
© Said Djabelkheir, juillet 2022
- Au Maroc, en 2020, à seulement 17 ans, lauréate du
concours scientifique organisé par « l’association Maroc scientifique»
et l’ambassade des États-Unis d’Amérique, Insaf Ajaanit est récompensée par un séjour éducatif au Space Camp de la NASA.
En Algérie, une jeune fille, probablement le même âge
que la première, pour avoir obtenu la meilleure note au Bac 2022 dans tout le
pays, obtient une Omra, une petite forme de
pèlerinage à la Mecque, en guise de récompense.
Mais, objectivement, c’est quoi la différence entre un
pays qui envoie son enfant à la NASA et un autre à la Omra
? Eh bien, c’est la différence qui existe entre une société qui investit dans
la vie et le vivant et une autre qui investit dans la mort.
Un enfant à la NASA, brillant de surcroit, s’enquerra
de la complexité du monde, des lois immuables et des mouvements qui régissent
le cosmos, des connaissances poussées qui sous-tendent notre compréhension de
l’univers ; il aiguisera sa curiosité créatrice, poussera au summum son
interrogation ; et, plus tard, la braise de la passion brulant dans ses
entrailles, il voudra, immanquablement, lui aussi, poser sa petite brique du
sens dans l’immense édifice de la raison bâti par les hommes et les femmes.
Mais un enfant à la Omra est
l’adulte plus tard à qui on a toujours dit, depuis la prime enfance et l’âge
censé être celui de l’insouciance et de toutes les questions possibles, que la
mort est plus importante que la vie. Car, oui, le pèlerinage, le grand pour le
Hadj ou le petit pour la Omra, à la Mecque, après
qu’il a été un rite païen, est un espace-temps où l’on pense à la mort, où l’on
réfléchit le monde en terme de péché et au poids de sa
pesanteur culpabilisante.
Un enfant à la Omra est un
enfant en qui on tue l’envie de créer, d’inventer, de pousser jusque dans les
tréfonds de son être les plus dérangeantes des questions, de douter, d’attenter
aux plus rassurantes des vérités acquises et qu’il croyait évidentes…
Ce qui est désolant dans cette histoire est la
réaction de la société. L’assentiment aveugle de la majorité. Sa manière de
penser le monde en terme prosélyte. Il n’y a plus une once de raison dans ce
moutonnement collectif, fier et assumé.
Mais, de grâce, quelle Algérie construira-t-on avec
des enfants à qui on dit que la mort est plus importante que la vie ? Qu’un
voyage à la Omra, afin de réfléchir à la mort, pour
un étudiant studieux, vaut mieux qu’un voyage scientifique, afin de s’expliquer
davantage le mystère cosmique ?
Cet enfant à qui on vient d’offrir une Omra, on ne le récompense pas. On est en train de lui
expliquer, sans le recours aux mots, que la mort est plus importante que la vie
; que le savoir et intelligence de l’adolescente ne doivent pas servir pour
être le préambule d’un approfondissent de quelque explication du monde, mais
être assujettis au dogme, à la religion, à la certitude.