SOCIETE-
PERSONNALITES- FEMMES ARABES ICONIQUES (7) (I/II)
© Nadda Osman/Middle East Eye, 29 mai 2022
Le rôle des femmes dans les sociétés arabes a
longtemps été un sujet de débat et de fascination, tant dans la région qu’en
dehors de ses frontières. D’une part, l’inégalité entre les sexes est courante et
les femmes sont faiblement représentées dans la
gouvernance à travers le monde arabe, ainsi que dans d’autres secteurs
influents. De l’autre, la région a donné naissance à des femmes qui ont
influencé le développement des arts, des sciences et de la pensée religieuse.Elles ont été
impliquées dans le développement de tendances ascétiques au sein de l’islam,
ont fondé les premiers établissements d’enseignement de la région ou même créé
de nouvelles formes d’architecture audacieuses. Dans cet article, Middle
East Eye dresse le portrait de sept personnalités féminines qui
forment un échantillon représentatif des femmes influentes de la région, du Moyen
Âge à l’ère moderne.
Fatima al-Fihri :
Fatima al-Fihri est née en l’an 800 dans la ville tunisienne d’al-Quaraouiyine.
Nous lui devons la création, dans la ville marocaine de Fès, de la
première université au monde. L’Université d’al-Quaraouiyine
a été créée en tant qu’établissement d’enseignement en 859. Tant l’UNESCO que Le Livre Guinness des records l’ont reconnue
comme étant la plus ancienne université au monde. Fatima al-Fihri est née
au sein d’une riche famille de marchands, où on lui enseigne l’importance de
l’éducation et de la religion. Bien que l’on sache peu de choses de sa
vie personnelle, elle aurait passé une grande partie de sa jeunesse à étudier
la jurisprudence islamique, ainsi que les paroles et enseignements attribués au
prophète Mohammed. À la mort de son père, Fatima Al-Fihri hérite de sa
richesse et décide d’en faire bon usage en créant une madrassa,
c’est-à-dire une école prodiguant les enseignements islamiques.Après avoir déménagé au Maroc, elle estime
que son nouveau pays a besoin d’un lieu où tout le monde, y compris les femmes,
pourrait étudier. Ainsi, elle crée un établissement d’enseignement
supérieur à qui elle donne le nom de sa ville natale, al-Quaraouiyine.
L’institut est composé d’une mosquée, d’une bibliothèque et de salles de
cours. Les enseignements incluent des matières
islamiques et profanes, notamment l’étude du Coran, la grammaire arabe, les
mathématiques et la musique. L’institut al-Quaraouiyine
offre des diplômes pour certifier les connaissances académiques acquises, ce
qui le distingue d’autres lieux d’apprentissage similaires créés auparavant.
Parmi les diplômés les plus
célèbres figurent le philosophe juif Moïse Maimonide et le sociologue
musulman du Moyen Âge Ibn Khaldoun.
Sameera Moussa : Née dans le gouvernorat égyptien de Gharbeya en 1917, Sameera Moussa
compte parmi les scientifiques nucléaires les plus importants du pays. Sameera commence à s’intéresser à la technologie nucléaire
après la mort de sa mère des suites d’un cancer alors qu’elle est encore
enfant. Sameera Moussa se spécialisa dans la recherche
sur le fonctionnement des rayons X (Al-Ahram) . Prenant conscience de l’importance de la
recherche nucléaire dans le traitement des maladies, elle promet de créer
« un traitement nucléaire aussi disponible et bon marché que
l’aspirine ». Sameera Moussa excelle et
obtient une maîtrise en radiologie en 1939, avant de devenir chercheuse
spécialisée dans l’impact des rayons X sur différents matériaux. Le domaine est
alors peu connu, et elle devient l’une des principales autorités mondiales sur
le sujet. Au lendemain des bombardements atomiques d’Hiroshima et de
Nagasaki par les États-Unis en 1945, Sameera Moussa
s’efforce d’assurer une utilisation exclusivement pacifique de la technologie
nucléaire et organise une conférence intitulée « L’énergie atomique pour
la paix » en vue de faire pression sur les gouvernements afin qu’ils
n’utilisent par l’arme atomique. Sa mort dans un accident de voiture en
1952 demeure entourée de mystère : certains affirment qu’elle aurait été
orchestrée par le Mossad, l’agence de renseignements israélien, pour empêcher l’avancement du
programme de recherche nucléaire égyptien.
Zaha Hadid : Née à Bagdad en 1950, Zaha
Hadid a été l’une des architectes les plus
importantes de l’ère moderne, concevant des structures que l’on retrouve
aujourd’hui à travers le monde, dans des villes aussi diverses que Londres,
Bakou, New York ou Anvers. Ses créations se distinguent par leurs formes
uniques et dynamiques, qui intègrent des styles inspirés de phénomènes
naturels comme les vagues et les glaciers. Rejetant les
tendances dominantes de l’architecture, Zaha Hadid a imaginé des projets radicaux qui lui ont valu une
réputation de « déconstructiviste ». En 2012, Zaha
Hadid, qui dispose également de la nationalité
britannique, devient Dame Zaha Hadid,
en recevant l’ordre de l’Empire britannique. Elle confie avoir connu des
difficultés au début de sa carrière dans une industrie dominée par les hommes.
Ses conceptions antérieures sont considérées comme étant trop
« agressives » et ne deviendront jamais davantage que des plans sur
papier. Hadid étudie les mathématiques à
l’Université américaine de Beyrouth, avant de s’inscrire en architecture à Londres.
En 1979, elle crée Zaha Hadid
Architects et se forge une réputation mondiale grâce
à ses conceptions imaginatives et originales. En 2004, elle est la
première femme à recevoir le prix Pritzker
d’architecture. Elle conçoit ensuite certains des bâtiments les plus emblématiques et les
plus frappants du monde, tels que le centre aquatique des Jeux olympiques de
Londres et l’opéra de Canton en Chine. Zaha Hadid remporte également le prix Stirling pour son travail
sur l’Evelyn Grace Academy, une école secondaire en
forme de Z dans le quartier de Brixton à Londres, traversée en son cœur par une
piste de course. Une autre de ses conceptions notables est le pont
Cheikh-Zayed d’Abou Dabi, doté de hautes
arches et de courbes inspirées de l’ondulation des dunes de sable. Zaha Hadid décède en 2016 à l’âge
de 65 ans, laissant derrière elle 36 projets inachevés, dont le stade de la
Coupe du monde al-Janoub au Qatar et le King Abdullah Petroleum Studies and Research Center à
Riyad, en Arabie saoudite.