SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- OUVRAGE COLLECTIF
NAZIM BENHABIB ET EMILE MARTINEZ- « JE SUIS VÊTUE DE PEAU FRATERNELLE.... »
Je suis vêtue de peau fraternelle.Dans l’intimité des
mémoires algéro-françaises. Ouvrage collectif coordonné par Nazim Benhabib et Emile
Martinez. Editions Frantz Fanon, Alger 2022, 330 pages, 1 000 dinars
Un ouvrage somme toute assez
original sortant de l’ordinaire qui fait qu’un ouvrage collectif est la somme
de contributions généralement assez consistantes. Ici, point du tout. Au total
une trentaine de contributeurs se partagent plus de 300 pages, avec des textes assez ramassés. L’autre
aspect intéressant est le sujet abordé : celui de de la fraternité algéro-française à (re ?-)trouver.
Tout du moins dans ses parties qui avaient réussi à faire un bout de chemin durant la
colonisation et après.Tache peu aisée lorsqu’on sait les mille et un obstacles
encore dressés outre-Méditerrannée par les laudateurs
des « bienfaits de la colonisation » rejoints , ces derniers temps,
par les islamo-arabo—algérophobes. Mais, l’espoir
fait vivre. Le contenu de cet ouvrage y participe grandement.
Il y a un peu de tout et de tout un peu, ce
qui en fait sa richesse.
Les auteur(e)s sont nombreux
(intellectuels, artistes, écrivains, diplomates, hommes de foi, architectes,
médecins, pédagogues ...) et leurs contributions diverses
, toutes tentant de démêler en quelques pages l’accessoire et l’essentiel avec finesse et
lucidité . Ils nous plongent dans l’intimité des mémoires franco-algériennes pour en
extraire ce qu’il y a de positif, de beau et de commun avec pour objectif ,
la mise en valeur des promesses de l’avenir.
La très bonne idée est d’avoir ouvert le livre avec un texte de Mgr Paul Desfarges, un digne héritier de Mgr Léon Duval, se
« sentant personnellement impliqué » dans les efforts de
réconciliation des mémoires.
Un autre texte émouvant est celui de Daniel Blanc qui nous fait revivre son
père le maire d’Evian assassiné par l’Oas parce que sa ville
avait accepté d’accueillir les négociations Etat français-Gpra.
Et d’autres ,
et d’autres....
Les Auteurs :Paul Desfarges,Daniel Blanc,Fatima Besnaci Lancou, Didier Nebot, José-Alain Fralon, Nazim Benhabib, Emile Martinez, Corinne Chevallier,
Anne Chatel-Demenge, Marie-Joelle Rupp, Georges Timsit,Alice
Cherki, Anne-Sophie Joncoux-Pilorget, Jean -Pierre Benisti, Didier Francfort, Tassadit
Yacine, Anne Prouteau, Bernadette Nadia Saou-Dufrêne,
Rudy Ricciotti, Lotfi Zeroual, Nordine Ait-Laoussine, Abdelkrim Touhami,
Ahmed Tessa, Abdelhamid Senouci Bereksi,
Stanislas Frenkiel, Helène Cixous
Table des matières :Préface/ I.Trois messages/ II.Panser
les plaies, penser les blessures/III. Nous nous
sommes tant aimés/ IV. La voix cachée des choses (et cahier photos)/
V.Polyphonies algériennes/ VI. Rendre visible la
mémoire/ VII. Ombres et lumières.
Extraits : « Le mot « pardon »
fait partie du vocabulaire religieux, mais je crois qu’il faut oser l’employer
en vue du but espéré : la réconciliation, si l’on veut arriver à une paix
profonde des consciences » (Paul Desfarges,
Archevêque d’Alger, p 15), « La jeunesse de tout temps sait transmettre
son désir de liberté et de solidarité : les gouvernants actuels seraient
bien inspirés de s’en souvenir » (Abdelkrim Touhami,
p281), « L’antidote décisif/préventif aux ravages occasionnés par la
barbarie des hommes reste l’éducation des futurs adultes.C’est
le seul vaccin efficace à 100% » (Ahmed Tessa,
p 297), « Les Pieds noirs se sont considérés comme seules
victimes sans voir le malheur des gens avec lesquels ils vivaient. La
colonisation a été une « réussite » ,
c‘est-à-dire une catastrophe ! » (Hélène Cixous,
p 321)
Avis : Le titre est un vers de la poétesse
algérienne Anna Greki (Sned,
1963). Un livre « sans destinataire ni destination »...Pour tous. Un
des plus émouvants livres parmi tous ceux édités portant sur la fraternité humaine,
au-delà du temps et de l’espace.Appaisant. Chaque
témoignage, concis et direct, est une sorte de confession nous ramenant à la
profonde amitié liant tous ceux qui aiment l’Algérie et ce ,
quels que soient les erreurs ou dérapages du passé.
Citations :
« L’amnistie peut répondre à des nécessités politiques, mais elle ne doit
pas déboucher sur une amnésie collective qui ferait passer aux oubliettes de
l’histoire la mémoire tragique de ces justes qui ont payé si cher leur
engagement pour des valeurs auquels ils croyaient
profondément » ( Daniel Blanc, fils de Camille Blanc, maire d’Evian
, assassiné par l’Oas), « Un traité ne suffit
pas à extirper des mémoires collectives les sentiments qu’une histoire
douloureuse y a inscrits » (Emile Martinez, p 102), « La mémoire
n’est juste que si l’Histoire la confirme » (Emile Martinez (p
104), »La colonisation était un crime, on ne nous avait enseigné que
d’illusoires bienfaits » (Marie-Joëlle Rupp, p 124 ), « Une grand
chirurgien n’est pas simplement un chirurgien habile, au diagnostic sûr, au
geste efficace. Un grand chirurgien est un homme qui laisse une école »
(Georges Timsit, p 142),
« Amrouche (Jean El Mouhoub) n’est pas une
littérature, c’est une âme » (Tassadit Yacine, p
214)