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Roman Mohamed Ifticène- "Une saga algérois.Sur le fil du rasoir"

Date de création: 18-05-2022 19:15
Dernière mise à jour: 18-05-2022 19:15
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SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN MOHAMED IFTICÈNE- « UNE SAGA ALGÉROISE.SUR LE FIL DU RASOIR »

Une saga algéroise.Sur le fil du rasoir. Roman de Mohamed Ifticène . Editions Frantz Fanon, Alger 2022, 399 pages, 1200 dinars.

Voilà un hasard qui fait très bien les choses ....littéraires. Au départ, confiait l’auteur  à la presse, il y avait un scénario. Et, pour ne pas changer (dans notre champ audiovisuel....et tout particulièrement en ce qui concerne les réalisateurs peu ou prou iconoclastes et  Ifticène en fait partie ), rude est (fut et sera) l’accession en Ligue 1, c’est-à-dire ceux qui arrivent à avoir accès aux financements soit étatiques soit autres. De plus , avec un marché national de la diffusion quasi-fermé et de la consommation contracté (peu de salles) , il y a de quoi décourager les meilleurs volontés du monde. Tout particulièrement chez les « anciens » qui vivent encore  sur les réalisations des  « glorieuses » années 60 et 70.

A quelque chose  malheur est bon. Le scénario est transformé en ........livre.....et un jour, peut-être , en film (« peut-être avec l’étranger car il y a plus de moyens »).

.  Le contenu ? Presque en souvenir d’un vécu à Alger, de la vie à Alger...à l’époque de la colonisation....et juste après .

Une famille habitant La Casbah d’Alger  (celle de Lyès, le très beau gosse, garçon blond aux yeux bleus, presque un « roumi » égaré dans l’école indigène, bagarreur, pas peureux ni timide pour un sourdi, tisseur impénitent de relations intimes avec les filles, les femmes et les maîtresses des puissants, préparant sa vengeance contre ceux qui ont assassiné son père...).....une famille avec des racines (au départ un peu oubliées) en Kabylie. Une famille qui , n’oublions pas que c’est le temps de la domination coloniale dont les effets sont ressentis parfois directement à l ’intérieur de la Casbah elle-même.  Une ville dans la ville avec des  familles honorables mais aussi ses truands musulmans ....et européens , parfois s’acoquinant, ses maisons dites de « tolérance » et de jeux clandestins , ses règlements de comptes et ses trafics ....plus pour survivre que pour bien vivre ! Il y a donc de la politique, de l’amour, de la bagarre, de la mort violente, de la joie, de la peine… tout ce qui fait la vie d’un individu et d’une communauté. Une cité devenue forteresse assiégée et martyrisée  durant la guerre de libération nationale , avec ses héros et héroïnes , ses traîtres, ses lâches et ses « observateurs ». C’est à la fois la vie d’une famille mais aussi d’une communauté durant toute cette période. Une période à la fois exaltante et douloureuse.

Les premières années de l‘indépendance apporteront certes un vent de liberté mais, aussi, hélas, pas mal de désillusions avec ses « marsiens »,  la lutte au sommet pour le  pouvoir, les dérapages sécuritaires et sociétaux .....et ,à la base, avec la course aux  avantages matériels immédiats. La « grande désillusion » et l’échec des utopies !On ne pouvait moins attendre d’un jeune Algérien devenu adulte avant l’âge.

L’Auteur : en 1943 à Bir-Djebah en Haute Casbah (Alger). Réalisateur et scénariste de cinéma....et enseignant en audiovisuel . Etudes à Alger (Institut national du cinéma ) et en Pologne (Lodz). Une vingtaine de films (fiction) à son actif (dont Qorine, Jalti le gaucher, Les rameaux de feu , Le grain dans la meule, Le sang de l’exil , « Les enfants du soleil, Les marchands de rêves.....)   et autant de documentaires. C’est là son premier roman.

Extraits : « Les musulmans ne savent pas aimer.Avant le mariage , ils courent les maisons closes, vite fait mal fait, ils en sortent soulagés, mais frustrés.Une fois mariés, ils saillent leurs épouses et exigent des garçons alors que c’est l’homme qui porte la semence » (p17), « Zakya dénonça l’alliance entre les colons qui limitent la scolarité des indigènes au cycle primaire afin qu’ils sachent peu et les musulmans qui l’interdisent à leurs filles afin qu’elles ne sachent rien » (p82), « L’entrée triomphale de l’armée des frontières à Alger annonça les tyrannies à venir «  (p244) « La vie à Alger en ces premières années d‘indépendance était entièrement vouée au culte de la personnalité et aux activités du rais » (p 57)

Avis : Passionnant. Une fin d’ouvrage un peu trop « accélérée » .Il est vrai que l’écriture cinématographique prend souvent le dessus chez l’auteur. Mille et une vérités. Vivement une ou plusieurs suites......avec un titre plus court.  « Une saga algéroise » suffisait

Citations : « La voyance est un monde de ténèbres où la raison et la lumière ne rentrent pas  »  (p17), « Terribles sont les mœurs des Kabyles, effrayant est leur code d’honneur. Ils condamnent à mort des amoureux et baissent la tête devant des assassins » (p107), « Les chemins de l’amour sont pavés de grands renoncements « (p123), « L’amour est la plus belle des libertés...... mais il ne faut pas en faire une obsession » (p203), « Quand une seule personne souffre d’illusion, on dit qu’elle est folle mais quand c’est des millions qui en souffrent, on dit qu’elles sont croyantes. Les religions sont des fabriques de fous » (p205), « Se taper la femme d’un grand voleur qui tape dans les caisses du trésor public est un bras d’honneur adressé à tous les corrompus de son pays » (p398)