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Roman Mohamed Magani- "Un étrange chagrin"

Date de création: 22-04-2022 19:25
Dernière mise à jour: 22-04-2022 19:25
Lu: 543 fois


SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN MOHAMED MAGANI- « UN ÉTRANGE CHAGRIN »

Un étrange chagrinRoman de Mohamed Magani. Chihab Editions, Alger 2021, 282 pages, 1200 dinars

En fait c’est un roman tout consacré à l’après-décennie noire (ou rouge comme il vous plaira de le dire). Avec pour thème central les « saigneurs »  et « profiteurs de la guerre civile,  entendre par là, les recéleurs de trésors amassés à leur corps défendant d’innocentes victimes terrorisées ».Une guerre qui a vu les « sacs poubelles noirs » emplis d’argent des chantages et des pillages être « mis en sécurité » chez des « amis ». 

C’est donc l’histoire d’une brave citoyen, Sefwane,  qui se retrouve acteur principal du drame.  Totalement traumatisé, non par la guerre elle-même, mais par toute une campagne de dénigrement souterraine , mettant à mal sa vie familiale (sa fille s’étant suicidée après avoir été brutalement quitté, sans explications,  par son fiancé) et son honneur ; lui    qui ne s’était jamais commis avec les terroristes. Il cherche des explications…et il ne tarde pas à les trouver grâce à une dame vengeresse et courageuse , à la rancune tenace (les terroristes avaient assassiné son époux et jeune frère )  -et belle de surcroît…..et dont il va  tomber amoureux.

En fait ce sont ses deux anciens associés ,anciens intermédiaires (et recéleurs) des groupes terroristes, qui voulant se venger   , pour les avoir lâchés dans leur entreprise (salles des fêtes) devenue douteuse, ont colporté des ragots sur l’origine de sa fortune. Des criminels reconvertis….qui ont osé même s’infiltrer dans les rangs du « Hirak » pour blanchir encore mieux leurs activités et leurs comportements ….ceci pour un enrichissement encore plus grand. Heureusement cela ne va pas durer …les criminels repentis et reconvertis paieront….. la paix des esprits va  revenir…. l’amour va prendre le dessus.

En plus de la problématique de la « reconversion » des terroristes « repentis » et de leurs recéleurs devenus richissimes (surtout lorsque le criminel est mort durant son ensauvagement), une autre question clé est abordée par l’auteur : celle de la multiplication (empruntant plusieurs moyens)  des suicides chez les jeunes et même moins jeunes. Les effets néfastes sur le moyen terme d’une période assez heurtée et dont beaucoup d’aspects restent encore aujourd'hui incompris car trop occultés volontairement par la politique de réconciliation ?  

L’Auteur : Né en 1948 à El Attaf (Chlef) . Auteur , de puis 1987, de plusieurs romans (dix) ,  de recueils de nouvelles (deux) et de deux  étude dont une sur Ibn Khaldoun en 1995 et une sur l’enseignement primaire (1996).  Vit et enseigne l’anglais  à Alger. C’est le plus anglophone des écrivains algériens.

Extraits : « L’insalubrité dans nos villes, nos villages , nous étouffe et nous empoisonne. Après le terrorisme, je dirais qu’elle est actuellement le problème numéro un dans le pays » (p 81), « D’aucuns ont profité de la

 guerre contre les civils , cependant que d’autres en sont sortis pourris de fric. Et une chose est sûre, ceux-ci continuent de s’enrichir, dans un climat d’injustice et de dérèglement social où n’importe qui peut être acheté , ou le crime paie et où les criminels de toutes sortes s’en tirent à bon compte, sans une égratignure » (p180), « Les assassins appelaient leurs victimes par leurs noms et les abattaient ;ils étaient en mission de représailles, sans l’ombre d’un doute. Pour quelle raison ? Cela se saura un jour, lorsque les langues se délieront… » (p199)

Avis Un roman (ou un auteur) qui dit tout haut (et noir sur blanc) ce que tout le monde -le citoyen lambda- pense des retombées (matérielles et accessoirement psychologiques) de la « décennie noire » 

Citations « Quand le centre devient la périphérie, quand leurs frontières se brouillent et se chevauchent en toute liberté , il n’est guère plus possible de faire appel aux souvenirs et images passées » (pp 38-39), « La décennie de meurtres, d’attentats, de massacres et de sabotages a brouillé l’histoire de nos familles et celles des autres » (p100), « Nous vivons dans « une démocratie du chagrin » qui s’intensifie à mesure qu’il s’accumule dans la population. Nous sommes liés par notre survie à tous ceux qui sont morts dans la violence » (p137), « Les repentis ne peuvent aller contre leur nature, il leur faut de l’anarchie, du désordre, le complot, du sang pour arriver à leur fin : la richesse » (p143)