SOCIÉTÉ- BIBLIOTHÈQUE
D’ALMANACH- RÉCIT BELKACEM ACHITE- « NOUS ÉTIONS L’AVENIR…. »
Nous étions l’avenir.Regard sur l’Algérie de
nos vingt ans. Récit de Belkacem Achite.Casbah
Editions, Alger 2022, 366 pages, 1000 dinars
Il avait déjà publié
un ouvrage qui racontait l’histoire , la sociologie et et
la culture d’un groupe de (sept) villages, celui des At Yenni,
dont Taourirt Mimoun (lieu de naissance de Mouloud
Mammeri et de Mohammed Arkoun) ….sorte de monographie
(une saga !) qui a permis , entre autres, « de sauver de
l’érosion un ensemble des évènements… » (Youcef Necib, préface).Un travail que l’on verrait avec plaisir renouvelé
pour d’autres régions et d’autres auteurs, afin de (re-) construire
les mémoires perdues ou oubliées ou gaspillées ou ignorées (pour ne pas dire
méprisées) .
L’ouvrage actuel
prolonge et complète (en est-on sûr ? car on espère une suite
) l’œuvre entreprise.
Ce sont donc les deux
premières décennies de l’Algérie indépendante qui sont décrites s’articulant
autour de trois parties. D’abord le cadre des villages-symboles du Djurdjura
vivant l’annonce du cessez-le-feu ,puis les scènes de
liesse et d’allégresse générale…..sans oublier le terrorisme que l’Oas continuait ailleurs ainsi que « l’été de la
discorde ».Vus par un encore adolescent, les opinions et les émotions
recueillies , entendues, vues et aujourd’hui décrites décrivent avec vérité la
re- naissance difficile mais fantastique de la
Nation . Heureusement
, même pour les familles de tous les coins reculés de la montagne
kabyle, il y eut le « miracle scolaire ». Il y eut
la vie de scout qui, nouvelle, offrait aux jeunes de Taourirt le plaisir de naître pleinement à la vie, avec un
essentiel qui unissait. Hélas, la vie au grand air, les chants, le rire et
l’émotion ne durèrent , pour beaucoup, que le temps du
premier printemps de l’indépendance et de l’été qui suivit…..les chefs s’en
allant ailleurs quêter leur avenir.
Ensuite , les péripéties de
l’histoire nationale s’accélèrent. On se retrouve à Tizi Ouzou, la
« ville-métropole » du Djurdjura , puis à la
fin de l’été 1966, à l’Université d’Alger, la capitale du pays libéré , villes
toutes deux, avec leurs errements et tourments politiques
surgissant, vont s’imposer durablement comme des déterminismes
handicapants. Précisions : 1/ Un beau titre (chargé de
regret ?)rappelant celui d’un graffiti de
62 , « Nous sommes l’avenir ».2/ On y apprend que Mohamed Arkoun, même en tant qu’étudiant à Alger avait écrit de
remarquables études dans la revue de son école d’Ait Larba….De
même que Smail Mahroug, un autre enfant du pays. On y
apprend aussi qu’un futur pape, le Nonce de Paris,
Angelo Giuseppe Roncalli, Jean XXII, avait
visité la région en mars 1950….3/ Et, j’ai énormément apprécié l’évocation (p
231) d’une personnalité culturelle remarquable et homme
d’une extraordinaire humanité que j’ai longtemps côtoyé au ministère de
l’Information et de la Culture ,durant les années 70, ‘Ammi Tahar Oussedik
L’Auteur :Né e n juin 1956 aux At Yenni
(Tizi-Ouzou). Diplômé en sciences politiques et économiques (Université
d’Alger), il a occupé plusieurs fonctions
supérieures au ministère du Travail et de la Formation professionnelle…puis
cadre auprès de la Cour des comptes . Retraite en
2009. Déjà auteur d’un premier livre, « La mont des orfèvres » (Casbah Editions, 2017, déjà présenté in Médiatic)
Table des matières :Préface de Youcef Necib/ Première partie : l’image
d’après/ Deuxième partie : L’aube embrumée/ Troisième partie : Le
miroir aux alouettes
Extraits : « L’aventure
suicidaire de l’Oas n’avait pas de limite.
L’organisation ne se vengeait pas. Elle assouvissait tout simplement, par
instinct naturel, sa haine du bicot, du musulman, de l’indigène évolué comme de
celui qui, depuis l’éternité coloniale, croupissait dans la fange » (p52),
« Vingt ans après la fin de la guerre, la société villageoise n’avait pas
fondamentalement changé dans ce qui fait son identité traditionnelle »
(107), « La question berbère fit brutalement irruption dans le débat
citoyen (note : sur la Charte nationale) alors que Boumediene était
au zénith de sa puissance ! » (p337)
Avis :Un récit de « vies » dans un pays en (re-)construction. Des
péripéties de vies (à travers le regard d’un homme) façonnant une nation. Saisissant , pour les jeunes lecteurs. Emouvant pour les
plus âgés. Peut-être un peu trop de commentaires et de (trop !) belle écriture , celle de la bonne « vieille
école »….nécessaires pour expliquer les contextes et les atmosphères?
Souvenirs, souvenirs !Achite,
le yennaoui, un anthropologue du
« terrain » ?
Citations : « L’éducation
que dispense l’école se fonde uniquement sur la leçon du maître tandis que
celle induite par la vie scoute trouve sa force dans la vertu de
l’exemple » (p65), « C’est souvent ainsi pour les gens de
Kabylie : on y naît et on finit à peine d’y grandir qu’il faut en décamper
avant d’y revenir pour s’arroger, sur son sol étriqué, un infime bout
d’éternité » (p93), « Les beautés les plus authentiques se font
toujours la grâce de se laisser dénicher là où elles se terrent « p248),
« Les Algériens (…) ont trop subi la « hagra »
-le mépris, sentiment d’impuissance- pour ne pas se sentir solidaires avec
quiconque en est victime ; fut-ce même leur adversaire ou ennemi »
(p265), « Partout et de tout temps, on peut reporter la révolte des
ventres creux mais on ne peut longtemps ignorer le sursaut de dignité d’un
peuple ! » (p339)
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