SOCIETE- OPINIONS ET POINTS DE
VUE- AMIN ZAOUI/CHRONIQUE SOUFFLES (LIBERTE)
© Amin Zaoui /Liberté,
jeudi 28 octobre 2021
Pour l’enseignement du
français “mais” en caractères arabes !
Ces
intellectuels du “mais” m’écœurent. Intellectuellement parlant, les gens du “mais” me
rebutent. Ceux qui parlent à la manière suivante : “Oui j’adhère à… (blabla blabla) ‘mais’ (baratin baratin) !”
L’intellectuel du “mais” tient le bâton par le milieu ! Celui qui cherche le
milieu n’est qu’un opportuniste. Afin d’être respecté, il faut avoir le courage
de choisir son camp, et en toute transparence. S’assoir entre deux chaises est
inconfortable pour les fesses et honteux pour le moral. L’intellectuel du
“mais” cherche, en permanence, comment justifier l’injustifiable, par son
“mais”. Il mange avec le loup et pleure avec le berger.
L’audace est la spécificité majeure de l’intellectuel crédible. L’audace doit
être assise sur le savoir, dans la réflexion et dans le respect. Le sens de la
critique est l’identité même de l’intellectuel intègre. Certes, l’intellectuel
n’est pas un prophète dans le sens religieux du mot. Il l’est dans le sens
historique et politique. Il est le témoin et le visionnaire de son temps, de sa
société et de lui-même.
Les intellectuels du “mais” sont partout : dans la littérature, à l’université,
dans les radios, sur les plateaux des télévision, dans
les partis politiques de la droite, de la gauche ou de l’islamisme, dans les
mosquées, dans les bars, dans les stades, dans les ministères… Ils essaient
d’entraver le cours de l’Histoire par leur “mais” baveux.
Ils sont les nouveaux “béni-oui-oui” de la culture. Le matin ils sont
nationalistes, l’après-midi islamistes et le soir laïcs.
Le “mais” maudit de ces intellectuels tente de faire noyer le poisson d’avril
dans l’eau de leur discours écumeux.
Voici quelques exemples clichés des discours les plus récurrents chez
intellectuels béni-oui-oui :
- Je suis contre l’islamisme, “mais” ils ont droit de combattre, par tous les
moyens, l’islamophobie répandue en Occident.
- Je suis contre Daech, “mais” l’idée des nouvelles foutouhat
islamiya portée par Daech est un droit et une
recommandation religieuse divine.
- Je suis contre la haine religieuse, “mais” il ne faut pas oublier que les
juifs occupent la Palestine.
- Je suis contre l’antisémitisme, “mais” les juifs sont devenus les maîtres des
grandes banques, ils commandent les poids lourds des médias internationaux
influents.
- Je suis pour la liberté de confession, “mais” il ne faut pas oublier que
l’islam est la dernière religion révélée du Ciel, la seule religion admise par
Dieu, les autres sont de l’hérésie.
- Je suis contre les crimes commis par Daech dans la ville de Raqqah, en Syrie, “mais” les homosexuels ont envahi la
planète. Ils sont partout !
- Je suis contre cet islamiste tchétchène qui a décapité l’enseignant français
Samuel Paty, “mais” ce dernier n’avait pas le droit d’enseigner ce blasphème ou
cette hétérodoxie à ses élèves musulmans, même si c’est un cours sur “la
liberté d’expression”.
- Je suis contre tous les pays arabes et musulmans qui ont normalisé leurs
relations diplomatiques avec Israël, “mais” la Turquie du parti des frères
musulmans d’Erdogan est un cas spécial et toléré !
- Je suis contre l’idéologie machiste et misogyne en Algérie, “mais” nous
constatons que la femme algérienne musulmane a dépassé de loin toutes les
frontières permises, a franchi toutes les lignes rouges !
- Je suis contre le féminicide, “mais” ce sont les associations féministes
extrémistes qui font beaucoup de bruit autour de quelques faits divers isolés,
quelques femmes tuées ! En terre d’islam, l’honneur est défendable par tous les
moyens, y compris par le sang.
- Je soutiens l’égalité homme-femme, “mais” je suis convaincu que le monde sera
beau et juste le jour où la femme retournera à sa maison pour s’occuper de ses
enfants, de sa cuisine et de sa lingerie.
- Je suis contre le racisme, “mais” je n’accepterai jamais de voir ma fille, ma
sœur, ma cousine ou ma tante mariée à un Noir. Je préfère la tuer que de la
donner en épouse à un Noir.
- Nous les Algériens, nous sommes tous des amazighs, “mais” la culture amazighe
relève du folklore et la langue amazighe n’est qu’un dialecte.
- Je suis avec l’enseignement de tamazight, “mais” cela va perturber la langue
arabe. En réalité, l’enseignement de cette langue ne sert à rien, c’est un
complot de la France contre notre pays.
- Je suis avec la pluralité linguistique en Algérie, j’aime les écrits de Malek
Haddad, “mais” je suis contre la langue française, langue du
colonisateur.
- Je suis pour l’enseignement de la langue française, “mais” en caractères
arabes !
Un carnaval d’hypocrisie intellectuelle.