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Roman Tahar Ouettar- " Noces de mulet"

Date de création: 17-10-2021 17:37
Dernière mise à jour: 17-10-2021 17:37
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SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN TAHAR OUETTAR –« NOCES DE MULET »

Noces de mulet. Roman de Tahar Ouettar (traduit .de l’arabe par Marcel Bois et B.Giuichoud).Enag  Editions, Alger 2002, 143 pages, 280 dinars

Le  roman « Noces de mulet » a été achevé en septembre 1975, édité à Beyrouth en 1980, et la traduction française  a été publiée en 1984.  Autrement dit, si allégorie il y a — ce qui paraît irréfutable — elle renvoie à une situation très nettement antérieure à 1975 d'autant que le bagne de Guyane   , auquel il est fait maintes fois référence ,  été fermé en 1946. Aussi serait-il tentant, pour beaucoup, tout particulièrement ceux ayant vécu au sein ou à côté du système politique régentant alors le pays ,  et connaissant le caractère « rebelle »  (intellectuellement et entre « amis ») de l’auteur ,   de voir, dans l'unité de lieu du récit , l'Algérie convoitée par plusieurs leaders politiques aux idéaux diablement divergents,  car en fait, l'histoire du FLN, de ses origines à l'exercice du pouvoir, n'est pas un long fleuve tranquille.

 

L'action (souvent sanglante ou sonnante et trébuchante, car il y a aussi un problème de « pouvoir ») se passe presque entièrement dans le plus grand et le plus beau bordel de Tunis, tenu par El Annabiya, pour qui jadis Hadj Kayenne a tué. Ce qui lui a valu de passer dix-huit ans au bagne, d'où son surnom. De leur génération, il y a aussi Hammoud Judoka, souteneur et barman, que l'on a mis à la porte avant d'organiser la fête pour les "noces de mulet" d'El Annabiya avec Khatem, le jeune et séduisant proxénète qui pourrait bien n'être qu'un sombre arriviste sans scrupule.


 Au fil des jours, et des nuits, l'établissement, respectable et qui paye ses impôts, voit affluer les clients qui souvent, trop souvent, demandent les services de la belle Hayat En-Noufous. Rien à voir avec l'établissement concurrent où un soir débarque Hammoud « un bordel délabré, tenu par des prostituées décaties (…). Outrageusement maquillées, affublées de perruques, elles ont la cigarette à la bouche comme pour se réchauffer, alors que l'atmosphère est étouffante » .Chez El Annabiya, la bière coule à flot, la musique arabe s'écoute en permanence, et les filles chantent des romances. Bref la vie dans le péché, ce qu'un jeune émule de la Zitouna (Hadj Kayenne) ne peut tolérer ……lui qui était arrivé là par hasard, souhaitant alors entreprendre sa campagne de « blanchiment des âmes » et se retrouvant perdu dans les corps féminins et la zetla
 (celle-ci, prise ne cachette,loin du bas monde,  au fond d’une fosse  dans un cimetière peu fréquenté…..tentant de créer son « labyrinthe intime ». Grand lecteur des Soufis et des poésies arabes, il subordonne ­l’amour à une quête mystique et revisite et ravive les figures historiques de ­l’âge ­d’or)
Hadj Kayenne, El Annabiya, Zomorda,  « Yeux Bleux », Babai le boxeur, Aldjiya,  Khatem le jeune et beau  proxènète , Hammoud judoka, Hayat En-Noufous, le riche « campagnard » …….  De tous les personnages du roman, Hadj Kayenne est le plus complet, à la fois par la connaissance qu'on a de sa vie passée et présente et le  seul à bénéficier d'une réelle épaisseur psychologique. On le voit se retirer au cimetière pour goûter au haschich et attendre des rêves où l'histoire lui donne à voir de grands personnages de l'histoire antique et de la civilisation musulmane comme le poète Abou Tayeb El Moutannabi pour ne prendre qu'un exemple. Même si les autres personnages sont plus rapidement esquissés, un magnifique scénario de film…..ou même dans un pays moins pudique, de théâtre.


 

L’Auteur : Né en 1936 du côté de Sédrata dans une famille berbère Chaouia , étudiant à l’Université Zitouna de Tunis, moudjahid (Organisation civile du Fln) , gestionnaire de journaux après l’Indépendance   puis,  de 1970 à 1983,  contrôleur du parti Fln (alors parti unique) . Retraité (à l’âge de 49 ans )  puis,  à partir de 1990,  Dg de la radio nationale (Enrs). Fondateur et animateur d’une association culturelle El Djahidyya jusqu’à son déçès, le 12 août 2010, après une longue maladie....Nouvelliste, romancier prolifique..... « rompu à l’exercice dépouillé  et poétique de la langue » (Achour Cheurfiet , bien souvent , volontairement provocateur ..  En 1976, il assoit sa notoriété d’écrivain avec son nouveau roman « Ezilzal » (le séisme), roman moderne au sens propre du terme, dans sa structure et son style à la polyphonie diversifiée selon le type de personnages et leurs appartenances idéologiques.
A partir de cette date, Tahar Ouatar est l’écrivain algérien arabophone par excellence, avec Abbelhamid Benhadouga. Autres  romans :« Noces de mulet », « Le pêcheur et le palais », « Les martyrs reviennent cette semaine »…)

Extraits : « Quelle contradiction ! Qui demeure un mystère incompréhensible .Notre société soumet la femme à une claustration absolue, considère toute mixité comme une impiété ; et dans le même termps, elle tolère l’existence de pareils établissements (note : Maisons dites de tolérance) » (p31) « La vie conjugale, dans la plupart des cas, fait penser à un malade du cancer qui traîne, sans résister, jour après jour, jusqu’à ce que la mort vienne le prendre » (p105)

Avis : Une  construction romanesque de « Noces de mulet »  démente, le récit et les développements du conflit à grande vitesse. Quant à la réalité des personnages ….tout est ……….vrai.Un livre à (re)lire. Moins de seize ans , s’abstenir…..le monde décrit ayant disparu depuis longtemps…..du moins officiellement

Citations « L’amour, c’est difficile à comprendre ! La souffrance , c’est encore pire » (p 51) , « Par un phénomène merveilleux, l’homme du voyage échappe aux contraintes de l’espace et du temps ; il devient ver soumis à la voracité du corps au lieu d’être corps dévoré par le ver » (p54), , « Dans l’immense souk qu’est l’Univers, tout est monnaie d’échange, y compris la vie du chasseur d’âme » (p107), « Une homme fort fait respecter ses droits, tandis que le faible est condamné à mourir.Quant aux ruines sur lesquelles on ne pisserait même pas…..viendra le jour où elle seront vénérées par tout le monde » (p113)