SOCIÉTÉ- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- ROMAN ALI MOUZAOUI-
« DANS LE CIEL, DES OISEAUX ET DES ÉTOILES »
Dans le ciel,
des oiseaux et des étoiles .Roman de Ali Mouzaoui.Editions
Frantz Fanon, Boumerdès, 2021, 256 pages , 700 dinars
Thirga, un village haut perché sur les montagnes
de Kabylie. Perdu et presque oublié. Toute son histoire (représentative de bien
de nos douars et autres lieux-dits du pays…..pour
certains jusqu’à nos jours) durant la colonisation, juste après et bien après.
A travers la courte saga d’une famille petite
par la taille :le père, Idir, un moudjahid dur et pur, un oncle, Salah,
devenu harki, une cousine handicapée (muette) , Sadia, car
violée par les soldats de l’Armée française , une mère, Ouenza,
toujours amoureuse du mari et attendant son retour du maquis,…..et,
surtout, un fils, Arezki, n’ayant connu son papa que sous l’image du héros de
guerre, celui qui a été le compagnon fidèle…. fidèle
jusqu’à la mort ..et après, à son chef , le « Colonel », alors
mort au combat.
C’est aussi,
l’histoire d’une région (du pays ?) qui a vu une partie de son
indépendance, chèrement acquise, dans le sang, les larmes et les drames , « récupérée » par des
opportunistes, des combattants du dernier quart d’heure (les « marsiens », dont Chavane
s’accaparant sans vergogne, parfois en terrorisant les personnes encore sur
place, les « biens vacants ») , et même des anciens harkis ,
tous devenus affairistes sans foi ni loi et , pour
certains, administrateurs de notre avenir….
C’est l’histoire
d’un homme qui est revenu (heureusement ayant conservé sa mitraillette tchèque
et quelques chargeurs et sa tenue de combat ainsi que sa fidélité au
combat pour l’indépendance du pays , au
« Colonel »), après la guerre, au travail de sa terre et surtout à
l’éducation de son garçon (dont il voulait qu’il soit journaliste pour qu’il
« raconte » l’Algérie et ses sacrifices) et de sa fille adoptive ,
orpheline de guerre.
Le premier
sera ornithologue, gardien de la nature et de sa faune et la seconde institutrice,
transmettant du savoir……et amoureux l’un de l’autre.
On a , au passage, une description assez réaliste de la vie en
internat d’une école accueillant des enfants orphelins de guerre ou enfants de
moudjahidine. Ainsi que le récit (romancé bien sûr) ,
de la rebéllion du Ffs pour
« restituer à l ’Algérie sa souveraineté spoliée ».Des
morts s’ajoutant aux morts et le deuil entrant dans les mœurs !
Hélas, la fin
sera bien tragique……pour la famille……et pour l’avenir du pays.
L’Auteur : Cinéaste (diplômé de
l’Institut supérieur du cinéma de l’Urss) , plusieurs
films dont « Si Mohand-ou-Mohand », « Les ramiers blancs »,
« Les piments rouges », « Mouloud Feraoun », « Le
Menteur » …et auteur de deux romans (L’Harmattan,
2005), « Thirga au bout du monde » et
« Comme un nuage sur la route » (Ed. F.Fanon, 2020)
Extraits : « La révolte circonscrite à la
seule Kabylie avait été écrasée sans trop de tapage. Si, de part et d’autre, il
n’y eut pas de héros, ni de vainqueurs , ni de
vaincus, il y eut par contre beaucoup de morts »(p 143), « Dans
l’univers, il y avait Dieu, mon père et un tout petit recoin pour Houria, Sadia
et moi. Nous, si nous étions là, c’est parce que mon père ne pouvait pas se
détacher de nous. Je m’endormais heureux d’avoir rempli le monde de mon
père » (p148), « La véritable leçon est celle que l’on apprend à ses
dépens. Je suis comme un corbeau qui a blanchi aux épreuves. Autour de moi,
tout pourrit. Les hyènes rôdent autour des Anges qu’ils voudraient dépecer. De
leurs crocs dégouline le sang des Martyrs, le sang des Purs. Prends garde. Même
sans les chaînes, on pourra t’asservir, te réduire à l’esclavage.La Patrie des Sacrifiés est face à la
terre des trahisons. Ouvre l’œil, mon fils » (p 183)
Avis : Toujours
cette écriture (l’influence de l’écriture cinématographique ?)
qui « erre » comme ses héros entre la fidélité, la tradition,
la révolte difficilement contenue, l’amour
de la nature,le travail de la terre …..Ici, c’est
l’Algérie profonde , celle des moudjahidine vrais (et de leurs héritiers)
n’acceptant pas les « mauvais » nouveaux pouvoirs
Citations : « Au moment des grandes émotions,
l’être ne s’exprime que dans sa langue maternelle » (p117), « Trouver
du plaisir à ce que nous faisons s’appelle bonheur »
(p166), « La vraie Histoire n’intéresse pas grand monde. La vérité
est mise au tombeau. Place au mensonge. La vérité condamnée aux ténèbres fait
mal. Elle épuise les héros tandis que le mensonge engraisse les porcs « ( p 207), « La mémoire des morts vit par le cœur des
vivants (….). Un monument rétrécit les combats, enferme les héros dans des
blocs de béton. Les stèles entretiennent le mensonge. Les faux cultes
constituent un point de ralliement pour des
marchands d’héroïsme au rabais » (p 222)