SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN
MERZAK BAGTACHE- « QUATRO »
© Le Soir
d’Algérie/Kader B., samedi 30 janvier 2021
Quatro (Anep
Editions, 2021, en langue arabe ) , le dernier
roman de Merzak Bagtache,
est comme une fresque historique. C’est, en quelque sorte, l’histoire de
l’Algérie et aussi de l’Afrique du Nord, au début du XXe siècle, qui est
racontée à travers les destins multiples des membres d’une famille algérienne.
Le récit, dans le roman Quatro, s’étale sur trois générations,
avec le colonialisme et ses injustices comme toile de fond. Cheikh Ahmed, son
fils Hamou et Quatro sont
les héros (souvent malheureux) de cette saga familiale. Cheikh Ahmed est
un marin qui vit dans la région de Kabylie. Il est aussi un ancien militaire
enrôlé dans l’armée française. Il souffre de troubles psychologiques (séquelles
de la guerre), surtout depuis que son fils Hamou est
incarcéré à la tristement célèbre prison de Lambèse, près de Batna appelée «Lambiss» par les Algériens. Le
vieux loup de mer souffre aussi de la séparation avec son petit-fils, surnommé «Quatro», qui vit lui et sa mère
à Alger, plus précisément à la Casbah. La «mauvaise
humeur» de cheikh Ahmed se répercute négativement sur ses relations avec les
gens, notamment ses proches et ses voisins. Les choses ont tendance à
s’améliorer un peu avec le retour en Algérie d'Yvelines l’ex-fiancée de Hamou. La jeune Française va essayer de faire sortir Hamou de prison. A Alger, est raconté le quotidien de Quatro, entre la maison familiale, son ami espagnol Ricardo
et une dame martiniquaise qui le considère comme son fils.
L'enrôlement obligatoire dans l'armée française sera le point commun des trois
générations d’Algériens. Cheikh Ahmed a été envoyé en Crimée et participa à la
Guerre de Crimée (1853-1856) qui opposa l’Empire russe à une coalition formée
de la France, la Grande-Bretagne, l’Empire ottoman et le royaume de Sardaigne.
Son fils Hamou, mobilisé durant la Première Guerre
mondiale (1914- 1918), est envoyé combattre les Allemands sur le front nord de
la France. Quatro, lui, sera envoyé au Maroc où
l'armée coloniale française et aussi espagnole font face à la révolte de
Abdelkrim El Khattabi (1882-1963), lors de la guerre
du Rif, dans les années 1920.
Merzak Bagtache a également
évoqué des événements importants de l'histoire de l'Algérie à cette époque à
travers, notamment, l'exil d'Algériens en Nouvelle-Calédonie ou à Cayenne en
Guyane, Messali Hadj, l'Association des Ulémas
musulmans algériens ou encore le parcours de l'Emir Khaled. Quatro
est, ainsi, la dernière œuvre de Merzak Bagtache, disparu le 2 janvier 2021 à Alger et inhumé au
cimetière El-Kettar à Bab-el-Oued.
Ce roman de 304 pages, en langue arabe, clôt la trilogie formée de «Babor» et «Akfadou».
Né en 1945 à la Casbah d'Alger, Merzak Bagtache est l'une des grandes figures de la littérature
algérienne contemporaine. Il est aussi journaliste. En 1993, grièvement blessé
par balles, il avait survécu miraculeusement à une tentative d’assassinat par
des terroristes. Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages dont La pluie
écrit ses mémoires, Lorsque les gens ont faim, Le sang de la gazelle, Les
langoustes, Restes de pirates, ou encore La chanson de la résurrection et de la
mort. Merzak Bagtache est
aussi un anglicisant qui apprécie les œuvres de Shakespeare, Hemingway,
Dickinson ou Melville. Il comptait traduire à l’arabe plusieurs œuvres écrites
en langue anglaise Il appréciait aussi lire les œuvres littéraires des Russes
Tolstoï et Ivan Tourgueniev. La mer est souvent présente dans les romans de Bagtache.