SOCIÉTÉ- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH-
ROMAN YERMÈCHE BOUDJEMAA REDOUANE- « AMOUR CONDAMNÉ» *
© El Moudjahid/ Mohamed Bouraib,
Mardi 26/12/2020
L’histoire peut paraître banale, mais
elle est fréquente dans une société algerienne qui
vit encore sous le poids des tabous, des interdits et des rencontres discrètes
entre un jeune homme et une fille, jamais à l’abri des qu’en dira-t-on, des
cancans et des âmes indiscrètes.
Le roman que nous propose Yermeche Boudjemaâ Redouane est symptomatique de ces amours contrariés ou
forcés, de ces mariages qui se concluent à l’ancienne comme ces tractations
familiales qui relèvent plus du négoce que de la sacralité des liens que l’on suppose
éternels entre les futurs époux. Tout cela est raconté avec une pointe d’ironie
non dénuée d’amertume.
Le personnage, pris dans l’engrenage d’une société excessivement conservatrice,
n’arrive pas à retrouver ses marques. Sans travail et désargenté, il parvint à
trouver l’âme sœur dans des circonstances assez scabreuses. Il se lie avec une
jeune femme qu’il sauva du suicide. Cette rencontre ne se fait pas sans
anicroches. Une espèce de répulsion-attraction nourrit leur liaison. Et
pourtant, il décide de se mettre «le collier au cou», selon notre singulier
jargon et étrange attitude mentale quand on décide de s’unir pour le meilleur
et pour le pire. Mais passons. On mesure l’étonnement de «l’heureux époux».
«Qui aurait cru que ce jour-là viendrait ! Je vais me marier et mettre fin
à cette cohabitation juvénile entre moi et les fantasmes. Une nouvelle vie
m’attend auprès de la femme de ma vie. La fête touchait à sa fin, entre les
larmes de joie dans les yeux de nos parents. Après quelques photos familiales,
nous quittâmes la salle et tous les invités pour un nouveau chapitre de notre
vie !»
Un drame survint. L’épouse perd son enfant avant qu’il ne naisse dans un
accident de la route. On perçoit l’affligeante tristesse du père, privé très
précocement du sentiment ineffable d’être père.
On a le sentiment que rien ne sera comme avant.
Le divorce n’est pas loin.
«Ce jour-là, on a bien compris qu’on était arrivés à la bifurcation où chacun
de nous devait prendre un chemin différent.»
L’auteur note plein de ressentiment. «Le divorce est comme un bateau en
pleine mer, sans ancre ni boussole. Dans notre société c’est éprouvant pour une
femme. Il les dévalorise. On ne considère pas leur âme tourmentée. Elle doit
subir cette injustice propagée par l’hypocrisie sans vergogne. Les femmes
répudiées deviennent un motif d’opprobre qui alimentent les cancans des
mauvaises langues».
Le roman, écrit dans un style simple, est révélateur de cette jeunesse plus ou
moins accablée par la grisaille d’une quotidienneté faite d’errance, à
l’inanité d’une vie terne, contrariée dans leurs ambitions, dans leurs rêves.
Le titre «Amour Condamné» est presque significatif de cette attitude de
l’esprit qui pousse à croire que l’on vit ce noble sentiment comme on porte sa
croix ou comme un fardeau.
Même si l’histoire se termine d’une manière plutôt heureuse, il n’en demeure
pas moins que l’auteur nous plonge dans les péripéties d’une liaison somme
toute amère.
* Editions El Mouthakaf, 2020