SOCIETE-VIE QUOTIDIENNE- CUISINE/DOUBARA
Ce ne sont pas les
restaurants spécialisés en doubara qui manquent à
Biskra. Chaque quartier a le sien, mais c’est la renommée du cuisinier qui fait
la différence, car chacun a sa recette personnelle et sa façon à lui de
respecter les temps de cuisson, de mélanger les ingrédients et surtout les
épices. Le mélange des épices constitue la botte secrète du cuisinier. Dans une
doubara, on trouve surtout des pois chiches et des
fèves ou l’un des deux, longuement cuits dans une marmite ou une cocotte.
A ce mets de base, on
ajoute de l’huile d’olive, des piments et des tomates coupés en dés, de l’ail,
du cumin, de la harissa, de la sauce tomate en conserve, différentes épices,
avant de saupoudrer avec de la coriandre fraîche finement ciselée, en y
ajoutant un piment mariné et des rondelles de citron. Tous les ingrédients sont
disposés sur un comptoir, derrière lequel officie le cuisinier muni de sa
louche comme un chef d’orchestre de sa baguette.
Le tout est servi dans des
plats en bois ou dans des sachets en plastique pour ceux qui ne désirent pas
consommer sur place. Niché au cœur d’une venelle du quartier du souk, l’un des
plus anciens de la ville de Biskra, une petite gargote ne paie pas de mine (celle de
Faouzi) , mais attire des essaims de clients affamés
et pressés de se caler l’estomac d’une bonne doubara
chaude et épicée à souhait. La réputation, bien établie du lieu, et la
renommée du cuisinier, y sont pour beaucoup dans cette affluence qui se
manifeste dès les premières heures de la matinée. A 7h exactement. Heure à
laquelle, le petit restaurant ouvre ses portes pour servir les premiers
estomacs qui crient famine.
En général, ses premiers
clients sont les vendeurs de fruits et légumes du souk tout proche, les
camionneurs, les garçons boulangers et tous ceux qui travaillent de nuit ou se
lèvent aux aurores pour commencer leur journée. La doubara
est le plat idéal pour combattre la fatigue de la nuit et le froid mordant des
petits matins d’hiver. Elle tient chaud au corps, d’autant plus que son modeste
prix, 150 DA le plat, la rend accessible aux plus démunis. Commencée à l’aube,
la journée de Faouzi se termine en général à 13h.
On ferme boutique pour se
reposer. Si la recette de la doubara semble aussi
protégée que celle de Coca-Cola, il faut savoir que chaque cuisinier a sa
propre recette. Les ingrédients principaux étant les mêmes, tout le secret
réside dans le dosage des épices. La confection même de ses fameuses épices et
leur dosage. Il ne reste plus que la touche personnelle de chaque cuisinier.
Difficile de lui arracher quelques mots ou des confidences. Faouzi est un
timide, peu loquace. Encore moins quand il s’agit de parler de son métier.
Il se lève chaque jour à
l’aube pour débuter le travail à 5h. La confection du plat commence par l’achat
des ingrédients principaux soigneusement choisis pour leur qualité. Il passe
ensuite à l’achat des épices et à leur mélange qui fait appel à un savoir-faire
acquis de longue date. Quand ses garçons de salle arrivent, tout est prêt, il
n’y a plus qu’à servir le client. Ils se chargent de dresser les tables et de
prendre les commandes des clients. Selon ses goûts, on peut manger la doubara moitié pois chiches et moitié fèves ou composée de
l’un des ingrédients seulement.
On peut la commander
épicée, demi-épicée ou légèrement épicée. Le succès de ce plat odorant et épicé
a depuis longtemps franchi les frontières de son terroir pour conquérir de
nouveaux palais et territoires. Vous pouvez désormais déguster une «doubara biskria» partout en
Algérie, mais celle que l’on vous sert dans les vieux quartiers de Biskra,
concoctée par Faouzi, ou l’un de ses vieux restaurateurs qui la mijotent au
mieux, c’est plus qu’un plat qui réveille vos sens et vos papilles. C’est tout
un voyage.