SOCIETE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN RACHID MOKHTARI- « MOI, SCRIBE »
Moi, Scribe.
Roman de Rachid Mokhtari, Chihab
Editions , Alger 2015, 227 pages, 900 dinars
C’est l’histoire d’un Scribe ( communément appelé écrivain public) le dernier d’une race
de « lettrés » toujours vénérés qui cherche dans sa mémoire
......lorsque tout jeune, dans son village natal , Imaqar,
il écrivait les lettres (des épouses entre autres) destinées aux conjoints
alors émigrés .
Au départ, une écriture épistolaire basique
mais, avec le temps, tout un art et une grande dextérité métaphorique
, tout particulièrement dans une société régie par des lois non-écrites
assez strictes et une pudeur certaine. Ainsi, il ne faut pas écrire « Ton
fils est né » , mais « La famille s’est
agrandie ». Il ne faut pas écrire , « Cette
année c’est une fille qui est venue au monde dans ton foyer » , mais
« Tes futures gendres , te dit ta mère, possèdent les plus belles oliveraires et des biens au chef-lieu d’Imaqar
à faire pâlir les envieux » ....
C’est , aussi, l’histoire du « dedans » d’un
village qui commence à perdre ses repères....avec les départs incessants pour
l’exil ou la ville, avec les effets de la « démocratie politique » et
les ingérences partisanes et affairistes du parti-Etat dominant, mettant à mal les anciennes structures de la
gouvernance locale....et une intolérance généralisée mais tout particulièrement
piolitique qui
pointe et qui avance.... qui avance....causant des dégâts . Dont les
oliviers centenaires mangés par les poux . Même les étourneaux (un oiseau bâtard, asservi,
tricheur, ravageur, espiègle) , porteurs de bonne
chair et signe de bonnes et belles récoltes ont fui. Aujourd’hui donc, avec le temps qui est passé , installé dans un « réduit moisi », il
écrit surtout au « Peuple des disparus » et voudrait bien participer
à l’établissement d’ une « banque de données » sur le Massacre
(200 000 morts) , la décennie
noire étant passée par là.
C’est, aussi l’histoire de deux jeunes gens journalistes (radio), issus du
village, qui essayent de redonner à la parole (publique) la voix
qu’il faut pour qu’elle ait un poids.Qui s’aiment
mais qui n’arrivent pas à se communiquer leurs sentiments .
Un comble pour des journalistes. Hélas , trop de
pesanteurs et comme hier, ne restent plus que les oiseaux charognards.
« Le ver est dans le fruit ! » avait prédit, il ya longtemps,
l’Oracle.
L’auteur : Universitaire,
journaliste, romancier, il a publié plusieurs ouvrages consacrés à la
littérature et à la musique algériennes . Il a , aussi, il animé des émissions radiophoniques, consacrées
à la littérature.
Extraits : « La
terre, voyez-vous, a une âme, il ne suffit pas de tenir l’araire, de
semer, d’y planter des cepx, d’arroser et de clôturer
pour que ses mottes devienent dociles et généreuses
(...). Il y a autre chose......Et si vos terres ancestrales subissaient le même
sort que les nôtres, arrachées à leurs légitimes propriétaires ? Hé bien,
elles s’y refuseraient. Voyez-vous, le mal provient d’une vengeance des
ancêtres » ( un patriarche-Oracle
s’adressant à une délégation de fermiers colons venus demander conseil
suite à l’infertilité de leur vignoble , p 67) , « Les pieds des
montagnardes, (....) habitués à la marche, poussent vite et c’est, pour les
anciens, à la finesse des chevilles et au galbe des mollets que se mesure le
charme féminin » (pp 122-123)
Avis : Grandeur
et décadence de l’écrit. Parllèlement à la
« décadence » d’ une société . Mythes
et /ou réalités, chacun y trouvera des arguments. Ecriture trop rapide, changeante .
Déroutante, parfois.
Citations : « L’âge
est traître, ingrat et, comment dire, prétexte à camoufler l’impuisssance » (p 13), « Dieu a créé le Bien et
le Mal, ce sont des jumeaux » (p 60).