SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN AMINE AIT HADI- « L’AUBE
AU DELÀ »
L’Aube au-delà. Roman de Amine Ait Hadi, Editions Aden, Alger 2015, 151 pages, 650 dinars
Entre une mère qui
« n’a jamais su se tenir droite devant les jugements cruels lancés par un
« bravache de mari » , un père à « l’austérité primaire »
qui violente , frappe et torture sans raison (les femmes de la maison,
c'est-à-dire l’épouse et la fille), enfermée dans une « tombe meublée de
simulacres » , une « maison-tombeau », Miryem
engrange les rancœurs. Elle macère le ressentiment. La haine se greffe dans ses
entrailles et prolifère dans sa tête. En fait , elle
est à la recherche de la liberté, car elle sait qu’elle a « le droit de
vivre parmi les êtres et leurs débâcles »
Elle
est jeune, (on pense qu’) elle est belle et elle ne veut pas ressembler à sa
mère, « femelle apeurée et soumise », acceptant toutes les injustices
maritales. Elle veut fuir, s’évader, être libre, sortir de sa chrysalide , aimer….
La goutte qui déborder l’esprit : la
« maison-tombeau » reçoit la visite d'hommes décrits comme des
"géants aux allures sombres" chuchotant des propos sur des
"affaires d'ogres" et sur des "desseins" prêtés au
"Seigneur".
L'horreur atteint son comble à travers le récit délirant de la
longue nuit du massacre perpétré par Abou Al Khalil et ses compagnons, et dont
Meryem est le témoin.
Ces chapitres sont datés du 22 et 23 septembre 1997, une
référence- la seule du roman- au massacre à Bentalha
qui a fait, en une seule nuit, des centaines de morts parmi la population
civile de cette banlieue d'Alger .
Elle veut régler les comptes. Non ! Elle veut rétablir la
justice. Sa main, armée, va devenir celle des centaines de morts, assassinés,
qui souhaiteraient se venger. Des centaines de cris d’outre-tombe privés de
prières. Ils sont tous présents en elle….tout en pensant que les portes de la géhenne lui (son père, le monstrueux
terroriste) seront ouvertes car il n’a été ni père, ni mari, ni homme, ni
serviteur de Dieu.
Elle tue donc le « méprisant » ,
le « prédicateur de la déchéance, du meurtre et des jouissances sans
entraves ». Il devient alors un « cadavre banal ». Vidé de son
sang et ses viscères en l’air, il n’a ni
l’étoffe d’un émir, ni couronne, rien de spectaculaire comme la puissance
terrifiante qu’il a projeté allègrement de son vivant. « Crève Abou
Z-‘bel » ! Elle se délivre et, en même temps ,
permet à sa mère de recouvrir sa liberté.
L’Auteur : Né
dans les années 80 à Alger, il a déjà publié
trois recueils de poèmes. Pour un essai , c’est un
coup de maître que ce roman, puisqu’il a décroché, en marge du Sila , le Premier
prix Assia Djebbar 2015,
dans la catégorie « Langue française ».
Avis : Selon un
critique (Aps), « un roman glauque et
halluciné ». Ecriture chaotique , infernale même,
pas facile à suivre et à comprendre car bien souvent trop
« recherchée ». A lire, mais
attention aux âmes sensibles, surtout celles qui ont vécu et subi les horreurs de la décennie rouge. Attendre le prochain roman
pour trancher définitivement sur les qualités d’auteur (une nouvelle vague
rejoignant ainsi Ryad Girod (“La fin qui nous attend”) .
Au fond, un poète tourmenté par des vérités que personne ne veut ni ne peut
voir
Citations : «Qui est
la voix qui ordonne et dicte ses lois abominables à partir de la très sainte
écriture. Pas Dieu, qui ? » (p 15), « Dieu n’est pas une société
d’assurance ou de gardiennage en cas de faiblesse » (p 16), « Dans tous les salons du monde, on
éructe de plaisir à prendre le petit bol de café avec ses tartines au
beurre……Mais, à la caverne , nous tâchons de bien garder le silence, avec
l’ordonnance d’une satisfaction démesurée. Se tenir suffisamment droit et ne
pas éveiller le moindre mécontentement sur la figure pétrifiée de nos ancêtres
et leurs profils flanqués sur les tableaux » (p 45) ,
« Demeure aux faux-semblants. La vraie ruine se révèle parfois par le
truchement de cris qui font trembler les fissures de la maison » (p 59)
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