SOCIETE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN BACHIR MEFTI- « PANTIN DE FEU »
Pantin de feu.
Roman de Bachir Mefti (traduit de l’arabe par
Lotfi Nia) . Editions
El Ikhtilef ( et Difaf Publishing, Beyrouth) , Alger 2015- 1436 H, 700 dinars , 186 pages
Un livre bien étrange dans sa
construction ; à deux voies. L’auteur qui signe l’œuvre d’un autre avec
l’accord de ce dernier. Un ami ? un frère ?
Un compagnon de lutte. Non, au hasard d’une rencontre entre amis autour de
verres bien remplis , d’un « gourou » écarté
du système ou l’ayant écarté , on ne sait, et dans la discrétion la plus
totale. Pas dans la clandestinité , mais presque .
Comme tout ce fait de convivial en Algérie, aujourd’hui encore. : des déçus ? des aigris ? des ratés ? des
comploteurs ? Des « complotistes » ?
Pas mal d’ambitieux comme celui qui va nous raconter son histoire : encore
jeune, portant beau, instruit, une « bonne éducation », fils de
famille (le père, un directeur de prison, donc « haut
fonctionnaire », exploité par la nomenklatura et qui
« sert » très bien le régime politique en place…ou bien plutôt, le
pouvoir le plus fort du moment, ou , bien plutôt un « Groupe »
de décideurs clandestins faisant et défaisant les carrières et les (in-)
fortunes, tirant les ficelles du « grand et du petit » , du
« global et du détail » , du mauvais et du bien (il ne faut pas trop
y compter…sauf pour les serviteurs zélés) dans le pays …l’essentiel étant de
conserver , au mieux et au plus, entre ses mains, les rênes.
Il y a , bien sûr, en fond, l’image rétrécie
de la société : Une belle jeune fille,
une voisine, un amour déçu (avec son lot de jalousie, de dévotion mais
aussi de viol et de masochisme) , un père quelque tyrannique ne montrant jamais
ses faiblesses et ses états d’âme même quand il craque finissant sa vie dans le
suicide, , une mère respectueuse des traditions et devenue , peu à peu, dévote accomplie, des camarades de quartier ayant mal tourné
(dont un policier « ripoux » et un voyou de la pire espèce devenu
« islamiste »), la prostitution , l’alcool,….Puis tout d’un coup, le
terrorisme…...et la mort au bout du chemin . Les terroristes sont abattus…et le
négociateur (père d’une des terroristes) …aussi. La mort n’a plus de formes
chez nous. Serait-elle partout ?
L’Auteur : Né en 1969, journaliste (dans plusieurs
quotidiens, après 88, puis à la télévision nationale au service culturel) et écrivain ayant fait des études à Alger à
l’Institut de langue et de littérature arabes. Animateur d’une Union des
écrivains indépendants ; auteur , depuis 1997, de plusieurs ouvrages, la plupart déjà
traduits en français, Cet ouvrage a été
sélectionné pour l’Arabic Booker
Prize 2012.
Avis : Nouvelle
génération de la littérature nationale de langue arabe avec, pour crédo, la
création…...et beaucoup de questionnements sur la « tragédie
nationale ». Ecriture de réflexion,
à la limite du philosophique. Pas ennuyeuse du tout !
Citations : « La littérature est une illusion redoutable quand vous
l’investissez de l’espoir trop grand de vous sauver de la mort de l’habitude et
de l’ennui quotidien » (p 10), « L’amour est la chose la plus
importante qui puisse arriver dans la vie d’un homme. …..Quiconque n’a pas
connu l’amour , ne serait-ce qu’une fois dans sa vie,
doit être tenu pour mort. Vivre sans aimer, ce n’est pas vivre » (p 30) ,
« Boumediène , ce militaire qui a voulu changer
le visage de l’Algérie, et qui a rêvé d’un pays plus grand que celui qui
existait » (p 42), « Le système du président (Boumediène) : un système fermé comme il se doit, mais avec
deux ouvertures : un balcon donnant sur le rêve , et un autre sur le vide
« (p 42) , « Le cœur est le lieu de la vraie résistance car la
volonté est faible et elle peut se laisser corrompre à n’importe quel
moment » (p 121).