SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI
M’HAMED BOUKHOBZA- « OCTOBRE 88.EVOLUTION OU RUPTURE ? »
Octobre 88.Evolution ou
rupture ? Essai
de M’hamed Boukhobza,
Editions Bouchene, Alger 1991, 237 pages, ????dinars
L’événement ? Connu par les principales villes du pays, au cours de
plusieurs journées de la première semaine d’Octobre 88….avec, d’abord,
une violence destructrice dirigée vers tout ce qui symbolisait le secteur et
les institutions publics .Une attitude qui va constituer le point de départ de
l’analyse socio- politique des émeutes, de leur fondement, de leur portée et
des conséquences ultimes générées.
Trois axes principaux :
-Mettre à jour certains facteurs qui ont historiquement structuré les
rapports en l’Etat en tant que centre de pouvoir et la société ……avec une
préférence : donner quelques repères sur le vécu des relations
Etat-citoyen
-S’interroger sur le sens et la portée de la démocratisation de la vie
politique dans un pays comme le nôtre. Avec cette réflexion : il semble
que ce concept ne soit pas aussi neutre qu’on le pense, et n’importe quelle
démocratie ne peut être instituée par une simple volonté n’importe où et
n’importe quand.
-Porter la réflexion sur la problématique de l’Etat… « En
situation de sous-développement, redoublé par l’histoire particulière de
notre pays, la construction d’un Etat fort devrait précéder une démocratisation
de la vie politique à l’occidentale. Mais l’Etat est-il suffisamment puissant
pour protéger cette démocratie née précipitamment à la suite des événements
d’octobre ? »
Trois axes suivies de réflexions écrites entre novembre 88 et juillet 90
(donc bien avant que ne surgisse la vague verte puis rouge qui allait
compromettre et même détruire tout ce qui lui paraissait d’une autre couleur).
L’une d’entre elles assez prémonitoire : Certes les émeutes d’octobre
(88) auraient pu tourner à la révolution, c'est-à-dire à la rupture
violente remettant en cause le système institutionnel en place….Certes,
l’ouverture politique immédiate a évité cette révolution…..mais « la
question qui se pose aujourd’hui est de savoir si cette révolution n’a pas
seulement été mise momentanément en veilleuse et qu’elle est inscrite dans la
logique des réformes en cours » . Trois décennies
après….2020……le hirak……il n’avait pas totalement
tort.
Il avait en conclusion esquissé les (deux) cas de figure pouvant se
présenter….soit l’exploitation des crises par des « élites »
qui les exploiteront à des fins politiques (prise de pouvoir), ce qui
aboutira à des turbulences…soit privilégier la nécessité du consensus social
axé principalement vers la valorisation de toutes les potentialités en
veilleuse dans la société pour faire du pays un Etat fort, respecté
et de la société algérienne une collectivité développée et solidaire qui
s’assume dans ses différences, dans ses aspirations et dans sa communauté de
destin.
L’Auteur : « Le
sociologue qui connaissait l’Algérie par cœur ». Né en 1941 à Brézina, dans la wilaya d’El Bayadh .
Ingénieur en statistiques et économie appliquée, chercheur en sociologie
économique (thèse sur « les transformations de la société algérienne
traditionnelle » soutenue en avril 1976, à Paris V avec Pierre Bourdieu).
Plusieurs fonctions supérieures au sein des institutions de l’Etat. Très
longtemps à la tête du premier (et fameux) organisme national de recherche dans
les domaines démographique, économique et social, l’Aardes
(Association algérienne pour le développement de
la recherche en sciences sociales) de 1967 à 1981. En mars 1992, il est choisi par le président Mohamed
Boudiaf pour siéger au sein du Conseil consultatif national. Le 16 mars 1993,
Djilali Liabès, qui occupait alors le poste de
directeur de l’INESG, est assassiné en bas de chez lui, à Kouba.
Trois mois plus tard, M’hamed Boukhobza,
qui lui avait succédé à la tête de cet institut, subira le même sort. Il sera
assassiné par les terroristes islamistes
le 22 juin 1993 à son domicile, au Télemly
(Alger-Centre). Peu avant son assassinat, M’hamed Boukhobza travaillait sur un rapport rédigé par une commission
d’experts qu’il présidait, et intitulé «Algérie 2005».
Sommaire : Trois parties : La convergence des causes des
événements d’octobre 88 / L’après octobre : la nouvelle constitution et
ses impératifs/ La démocratisation en œuvre : éléments pour un débat
Extraits : « Une brève rétrospective, que
nous commençons à partir de l’époque coloniale, nous montre une société qui
avance par sauts successifs après des années, parfois des décennies de
somnolence apparente » (p 19), « Au plan de la perception sociale,
l’Etat est rendu responsable de deux situations aussi graves l’une que l’autre.
La première c’est d’avoir promis beaucoup par rapport à ce qu’il offre
effectivement ;la seconde est d’avoir porté atteinte, voire facilité la
remise en cause de l’échelle des valeurs qui constitue la base de la cohésion
sociale » (p 51), « La question n’est pas de choisir entre la
démocratie et la dictature mais quel type de démocratie compatible à un niveau
de développement donné » (p 78)
Avis : Un ouvrage oublié ? Peut-être.
Une analyse dépassée ? Pas si sûr. Mais qu’il est conseillé de lire ou de
relire pour mieux comprendre le présent.
Citations : « Les institutions ont la
sagesse de leur âge et les nôtres sont encore fragiles » (p
15), « La société développe la haine de l’Etat lorsque ceux qui
l’incarnent perdent leur légitimité » (p 21), « Octobre a été le
moment où tous les ingrédients se sont trouvés réunis pour mobiliser les
tensions latentes et leur donner une expression violenté » (p64)