SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI
THIERRY PERRET- « ALGERIE. LIGNES DE VIE D’UN PEUPLE »
Algérie. Lignes de vie d’un peuple. Essai de
Thierry Perret. Chihab Editions, Alger 2016 (Editions
HD Ateliers Henry Dougier, Paris, 2016, sous un autre
titre, « Les Algériens si méconnus » ) ,
204 pages, 800 dinars.
« Les Algériens, c’est vrai, sont compliqués. C’est justement ce qui
les rend passionnants ! » . On ne le savait ........plus, ou si on le
devinait , on en doutait fortement, mais l’auteur, un Français devenu ,peu à
peu, un vrai Algérien (j’ai ouïe dire qu’il avait, quelque part, une ou plusieurs
racines bien de chez nous) nous le démontre grâce aux techniques maîtrisés du
journalisme par un écrivain visant le large public , à son sens aiguisé ,à de
la fine observation et .....à son air sympa .
A travers une trentaine de rencontres, d’entretiens, de lectures et de visites,il nous livre non
seulement son sentiment sur le pays , sur ses habitants et sur leur vie (sans
s’y ingérer) mais, aussi, une analyse
réaliste de situations en apparence compliquées ou inexplicables mais simples
pour peu qu’il y ait un petit effort d’empathie et d’ouverture d’esprit .
On a donc, successivement, passés au « confessionnal » ou au
scanner , Nacer Djabi, le
sociologue, qui explique pourquoi les
Algériens « ne se connaissent pas » ; Adlène Meddi, le journaliste et écrivain qui revient sur
l’ « état de sidération » né de la « décennie
noire » ; Amira Bouraoui
(du mouvement « Barakat ») et Mustapha Benfodil qui évoquent une Algérie « bourrée de
références mais qui ne sait pas les
classer » et des « mouvements sociaux non expressifs » :
Abdelkrim Boudra (de Nabni)
qui tente de « désintoxiquer la rente » ; Daho Djerbal qui décortique le phénomène de « focalisation exclusive sur la guerre
de libération » ; Sabah Ferdi en
perpétuelle « révolte contre la dégradation du patrimoine matériel
culturel et historique de la période antique » ; Belkacem
Babaci, qui veut sauver une « Casbah d’Alger en péril » ; Azzedine Guerfi , le chaoui marathonien
collectionneur des défis, militant du patrimoine mais aussi éditeur avec les
Editions Chihab ; Henri Teissier, celui qui a côtoie la socité algérienne depuis déjà soixante dix ans ; Said Bouterfa et les manuscrits
sauvés des sables ; Wassila Tamzali,
la « femme en colère » ; Samir Toumi
et son « cri » mais aussi le temps du « réenchantement » ;
Faika Medjahed et la
psychanalyse.... « marginalisée » ; Mohamed Saïb Musette, le plus Algérien des mauriciens, avec une
explication originale (mais, à mon sens, la plus vraie) de la religiosité ; Mourad Ouadahi et Jil Fm ; Slim
Othmani, l’entrepreneur fan de réussite entrepreneuriale
et de golf ; El Kadi Ihsane, le trotskyste devenu un éditeur web d’avant-garde
mais luttant toujours contre l’hyper économie rentière ; Mouloud Salhi, le « fou » d’ associations d’Akbou ;Ameziane Ferhani, un véritable personnage de B.d
et plume aiguisée de la presse et de l’écriture ; Hajar
Bali l’écrivaine ; Dalila Nadjam l’éditrice qui
a créé Dalimen ; Nawel
Louerrad la dessinatrice rebelle tranquille ;
Chafik Hamidi, dit El Panchow ;
Mourad Krinah et
Nadira Laggoune des
Beaux Arts ; Karim Moussaoui le cinéaste ; Noureddine Saoudi, le virtuose du
‘oud et géologue ; Meriem et Fellah, architectes.......Ouf !
« Ils sont intelligents, brillants, entreprenants.....On n’y fait pas
attention tout de suite, mais leur nombre finit par retenir l’attention ».....
du regard extérieur.... surtout celui de Thierry Perret......un grand
compréhensif ...qui sait de qui et de quoi il parle.Et
comment !
L’Auteur :
Journaliste spécialiste de l’Afrique, il a été attaché culturel français en
Algérie (de 2010 à 2014). Plusieurs ouvrages publiés dont l’un sur l’Afrique et
l’autre sur le Mali
Extraits : « De
nombreux doutes -le fameux « désenchantement » - caractérisent
l’opinion des Algériens sur leur pays. Ils semblent souvent sceptiques sur son
avenir , croient peu aux capacités de changement de leur société , cultivent un
certain pessimisme sur sa destinée , et s’exercent avec talent à l’art de l’autoflagellation » (p 12), « En vérité, en
Algérie, plusieurs sociétés cohabitent, les repères semblent constamment mouvants,
et c’est dans l’équilibre à trouver entre toutes ses composantes que le pays
pourra trouver son chemin. Cette hétérogénéité , seuls
les Algériens en vérité semblent ne pas y croire » (p 20), « La
colonisation, vue à travers le prisme exclusif de ses exactions et de la
répression , c’est un rituel identitaire qui est aussi de manière subliminale
un message envoyé à la France, amie et toujours coupable » (p 112)
Avis : Mélange heureux de
reportage, d’enquête et d’entretiens . Se lit d’un
seul trait.
Citations : «Les
jeunes voulaient se débarasser de l’Etat Fln, mais
ils ont été pris, comme on le disait à l’époque ,
entre deux forces : soit le voleur (l’Etat, les élites), soit le tueur
(l’islamisme). Ils ont finalement pensé : on accepte mieux le voleur que
le tueur » ( p 31) , « Le
conservatisme religieux est une nécessité politique. Il protège une logique
rentière où les femmes ne doivent pas avoir un rôle majeur » (Fatma Oussedik, p 106),