SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH - ROMAN (-ESSAI) DJAWAD ROSTOM TOUATI- « UN
EMPEREUR NOMMÉ DÉSIR »
Un empereur nommé désir. Roman(-essai) de Djawad Rostom Touati . Anep Editions,
Alger 2016. 383 pages, 1 270 dinars.
Comme dans une pièce de théâtre : le héros, Nadir (le bien nommé) , tombeur de ces
dames, toujours à la recherche d’une aventure : « Les femmes avaient
toujours été le défaut de la cuirasse : la seule jouissance terrestre qui
le retenait au monde ; tout le reste était contingent ». Célibataire,
beau gosse, appartement, fonctionnaire très moyen mais doué d’une certaine
intelligence, poète et philosophe bohème
à ses heures perdues (et il y en a ) , amoureux fou des belles lettres ,
très attaché à son pays (il est fils d’un cadre du ministère des Moudjahidine
« ayant bu dans le lait » L’Iliade Algérienne de Moufdi
Zakaria), prétentieux sur les bords...et se suffisant de la vie (entre Bab el Oued, la rue Didouche
Mourad et Bab Ezzouar)
qu’il mène sans grands soucis du lendemain.Une sorte de Omar Gatlatou
bien nanti. Les filles, enfin : une maîtresse occasionnelle , Imen, qui « trompe » son protecteur petit
–bourgeois (évidemment moche , mais bien nanti financièrement) ....et Daria la collègue, celle qu’il aime, celle
qui l’aime...Saine et équilibrée, elle rêve d’un homme exceptionnel , d’un
époux dévoué et à la régularité conjugale dans les rapports .Beaucoup trop pour
son homme ,un « fier-à-bras qui se veut l’Hypérion
(ndlr : « un des douze Titans, fils de Gaia (la Terre) et d’Ouranos
(le Ciel) , dont le nom signifie « celui qui est au-dessus ».
Merci Google !) qui assume et porte le sublime du couple à lui tout
seul » , un homme à l’affection-lubie,
entrecoupée de fuites-paniques. Catastrophe , le
double jeu est accidentellemernt découvert et c’est
la rupture. Drame cornélien : que faire ? Rien...On aura ,peut-être, une
suite dans le second volet de la . trilogie annoncée : « Le culte du Ça ».
L’Auteur :Né à Alger en 1985, licencié en économie internationale et
titulaire d’un master en management. Prix de la meilleure nouvelle (Arts et
Culture, 2005 puis du Feliv en 2015), il a obtenu le
2è prix Ali Maâche 2016, avec ce roman
Extraits: « A
celui qui frissonne de fièvre, on conseille de ne pas se reposer avec
elle » faute de quoi elle vous
enveloppe tout de bon. Il en va de même pour les affections du cœur : il
faut sans cesse s’en distraire , si l’on ne veut pas, lorsqu’on tire sur elles
la couverture de la réflexion , avoir le cœur tourné par leur médiocrité , et être cloué au lit de
l’indifférence par la lassitude morale et le dégoût » (p 88) , « Si
Delacroix n’avait peint que des femmes aux formes généreuses et aux chairs
opulentes , c’était parce qu’il préférait la brioche à la galette : avec
les Français, tout est question de gastronomie, dont il font toujours un
plat » (p 207), « L’un des plus grands torts des réseaux sociaux est
d’avoir permis à tout le monde et n’importe qui de s’exprimer sur tout et
n’importe quoi, trop souvent avec la dernière imbécilité » (p 238)
Avis : Un véritable pavé, une
sorte de « contre-roman de
gare », écrit par un érudit incontestable (on s’y perd dans les
références .... dans le vocabulaire ....dans des poèmes.... dans les
digressions explicatives ....et dans quelques scènes asez
« chaudes » !) , encore que sa grande maîtrise de la langue et de la
littérature n’en fait pas
,nécessairement, pour l’instant , « l’un des plus grands écrivains en
Algérie de la langue française » (dixit un représentant de la maison
d’édition , lui-même ancien libraire-éditeur) . Ajoutez-y le prix élevé, 3,30 dinars la page
.....Oui, mais la culture , ça n’a pas de prix !
Citations :
« L’orgueil n’est charmant que lorsqu’il est puéril, parce qu’il esquive
le nôtre, sans entrer en conflit avec lui » (p 32), « Souvent, ce que
l’on n’avoue pas est beaucoup plus éloquent que ce qu’on exprime, pour peu que
l’on sache faire ressentir à l’autre ce non-dit » (p 56), « La
culture est, à beaucoup d’égards, comme le pouvoir : trop
d’ esprits nobles - faute de circonstances favorables- n’y ont pas accès ,
quand trop d’imbéciles qui en sont
pourvus sont – comme les détenteurs de pouvoir –si infatués de leur ego
mesquin qu’ils réduisent culture –et pouvoir- , dans leur obsession de dilater
leur moi atrophié à une farce ridicule , un sordide vaudeville » (p 174),