SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RECIT
NINA BOURAOUI- « LE JOUR DU SEISME »
Le jour du séisme. Récit de Nina
Bouraoui. Editions Barzakh, Alger 2016 (Editions Stock, Paris, 1999) , 99 pages, 500
dinars
On savait que Nina Bouraoui (Yasmina) a découvert
le pouvoir de l’écriture très jeune......A 9 ans, elle a écrit sa première nouvelle. Une révélation.
L’écriture va devenir son référent , un exutoire,
un échappatoire, un moyen de s’exprimer, d’être elle-même.
Elle vit en France depuis l’âge de 14 ans......sa maman étant d’origine Bretonne . Premier livre en 1991. Premier succès. Premier
Prix
Ce (beau) livre transcrit le mieux son déracinement ,
son amour pour la vie telle qu’elle la conçoit...dans la liberté la plus
totale.
Elle va jusqu’au bout de son écriture comme elle va jusqu’aut bout de son choix de vie. Pas peur des mots. Pas peur
des phrases. Un petit livre ....dont chaque page est un séisme, d’où la
violence de la nature et des hommes n’est pas absente. L’angoisse aussi !
Une angoisse née certainement le jour de son départ d’Algérie : «
Quitter l’Algérie est une acte violent. C’est un arrachement qui implique la
mémoire, son noyau, son intégrité. C’est se détourner de soi. C’est se rendre à
l’errance. Quitter , c’est rechercher, à jamais »
(p 90)
L’auteure part (elle avait donc 13 ans) du
séisme qui a secoué Alger le 10 octobre 1980 .
Un prétexte pour s’interroger sur
l’identité et sur les multiples transformations du monde extérieur qui influent
forcément sur le petit monde intérieur.
Les thèmes de la solitude, de l’exil, de l’enfance et de la mémoire sont
abordés par l’écrivaine pour aborder son rapport à « (sa) terre » algérienne , à ses voix et à ses images (des Aurès à la
Mitidja) , mais également sa « peur » de grandir, de quitter l’enfance. Sa
peur de laisser partir un ami , Arslan, qui grandit, qui
« fuit » en traversant la mer
. Sa peur de ressembler davantage à Maliha ,
une amie, une « sœur » qui « devient une femme dans sa maison
fermée » .....comme toutes les
autres, soumise au destin
Arslan et Maliha, deux «
personnages », un homme et une femme que tout sépare, surtout les conventions
sociales, qui n’ont pour point commun que le fait de grandir
. Elle se retrouve seule, rêvant à l’extérieur, restant à
l’intérieur de soi, « une prison »...
Quelqu’un a dit qu’ «
aucune femme n’a écrit comme Nina Bouraoui.Aucune n’a
pu monter la face cachée du monstre qu’est la société avec une telle cruauté et une telle précision...Aucune n’a pu monter aussi
judicieusement les conséquences de la perversité de la société masculine sur
les femmes ». De la haine contre le genre humain ? Non, seulement une
jeune et jolie femme écrivaine non indécise sur son appartenance littéraire,
alors que d’autres (grands) écrivains algériens ont passé beaucoup de temps à
se définir, parfois abandonnant . Une femme poursuivant , en
toute liberté, sa quête d’un espace devant lui revenir.
L’Auteure
: Née en France (Rennes, 1967) , elle a
vécu à Alger jusqu’au début des années quatre-vingt. Plusieurs romans et deux
Prix (Renaudot en 2005 et Livre International en 1991)....et un roman édité
aussi chez Barzakh, en 2011 (« Sauvage »)
Avis
:Un exercice de style original….et réussi. Livre
conseillé à ceux qui veulent écrire et transcrire leurs états d’âme. Elle y a toujours réussi .
Citations
: « La nuit est le mensonge du jour » (p 22), « Le séisme est
une arme. Il charge. Il rompt l’équilibre des formes. Il renverse les
fondations. Il pénètre la sécurité . Il commande , soudain. Il prend, par surprise »
(30), « Perdre , son enfance. Perdre, son pays.
Perdre, ses lieux. Prendre, un autre langage, une interprétation. Je suis
traversée et nouvelle. Ma terre s’ouvre. Je tombe. Ma mémoire est forcée. Par
là, je suis étrangère à moi-même » (p 53) ,
« Chaque séparation est un vieillissement. Chaque retrait est une
instruction » (p 72), « Ma terre n’esiste
que par ma mémoire. Le séisme est une disparition. Il détruit. Il défait. Il
ensevelit. Il façonne par la violence. Il forme un autre lieu, renversé »
(p 87)