SOCIETE-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN SANSAL BOUALEM- « 2084.LA FIN DU
MONDE »
2084. La fin du
monde. Roman de Boualem
Sansal, Editions Gallimard, Paris 2015, 273 pages, 1
380 dinars*
C’est en le lisant qu’on comprend mieux le succès du livre mais , aussi, tout
le tapage médiatique enregistré. . D’abord , un titre
qui vous entraîne loin , très loin, dans un monde qui n’existe pas encore…..ou
qui a existé mais dont vous ne vous rendez pas compte . A-t-il été ou est-il,
tout simplement ? « 2084 », c’est encore loin mais, en même
temps, tout près. Y est-on déjà ?
Avec une « fin du monde » annoncée à tout moment , les choses ne s ’arrangent pas.
Il y a ,
d’abord, l’histoire. Tirée par les cheveux ?
Pas tant que çà. C’est l’histoire d’une societé hors
du temps et de notre monde –en est-on sûr ?- l’Abistan, mais, qui, à « lire vrai », est en
nous. Subie mais parfaitement acceptée .Une société au sein de laquelle l’être
humain n’est rien …sinon une sorte de chose malléable et corvéable et tuable à merçi, entre les mains d’un système
idéologico-politico-religieux que nul ne doit contester. Autoritaire.
Globalitaire. Totalitaire. Un Dieu unique, omnipotent, omniscient et omniprésent , Yölah, avec son délégué tout aussi unique et ses
hommes de main, ses gardes, ses lois, immuables et indiscutées et, surtout, ses
sanctions , généralement la mort ou le grand exil. L’ordre et l’autorité
doivent régner à tout prix …...afin d’éviter que le monde du mal, celui de Balis,
ne (re-) prenne le dessus et ne (re-)fasse
sombrer le monde du bien dans le désordre et la guerre. On en parle de ces
grandes guerres passées , mais personne ne s’en
souvient ! La belle affaire pour ceux qui dirigent ou en profitent .
Un monde qui n’est pas « parfait » car ,
malgré tout, il y en a de parrallèles , clandestins
ou entretenues volontairement, informels, des ghettos (comme celui de Qodsabad) où les
gens « autres » vivent d’une autre manière et avec lesquelles il est
permis de traficoter ou de « taquiner » la gueuse. Il y a, même , au sein de « l’Appareil », des tendances se
voulant réformatrices ….sans pour autant laisser tomber le pouvoir. L’essentiel étant de ne pas être pris.Il existe , aussi, des
mouvements de « libération » travaillant pour la « démoc… »
Tout ceci nous est raconté par Ati , un petit
fonctionnaire, qui a su prendre du recul avec le système (lors d’un repos
médical dans un sanatorium au bout du monde et, pour avoir
« échappé » à la maladie, est devenu presque un mythe) et a pu voir de plus en plus juste (sans
grande clarté). Il a des doutes existentiels sur tout.Il
a peur que ses doutes et ses questionnements
ne le mènent, en plus des ennuis habituels, à la mécréance…mais il sait, et il va tout
faire pour y arriver, qu’il existe, au-delà des montagnes réputées
infranchissables, au-delà des « Frontières », un Ailleurs
prometteur, le monde d’avant 2084.
L’Auteur : Né en 1949 à Théniet
El Had, Boualem Sansal a fait des études d'ingénieur à l'Ecole Polytechnique
d'Alger et à l'Ecole supérieure des télécommunications de Paris. , avant
de soutenir un doctorat en économie. Son premier roman, le Serment des Barbares
(1999) a reçu le prix du Premier roman et le prix des Tropiques (France). Il a
reçu, en octobre 2011, le prix de la Paix des libraires allemands. Son roman,
le Village de l'Allemand (2008) a reçu le Grand prix RTL, le Grand prix de la
francophonie et d'autres distinctions européennes. Son œuvre compte, fin 2011,
six romans ainsi que deux essais, des nouvelles et des contributions
diverses. Dans une interview parue dans
El Watan (22 octobre 2011) ,
il précise que c'est son ami Rachid Mimouni qui l'a
encouragé à écrire. Ils étaient voisins à Boumerdès,
les deux étant des cadres du secteur de l'Industrie.A
noter que Boualem Sansal
est, avec Assia Djebbar , le romancier
algérien le plus traduit en allemand. Et, en Allemagne, il a reçu
plusieurs prix. L'Académie française lui décerne, jeudi 13 juin
2013, le Grand Prix de la Francophonie …En décembre 2013 ,il
reçoit le prix Jean Zay (France) de la laïcité et en septembre 2015, il
est dans la première liste des nominés
pour le Prix Goncourt (livre : « 2084 ») et il est, finalement, Grand prix de l’Académie française 2015. A
noter qu’aucun de ses ouvrages n’a été édité en Algérie, mais la presse
nationale a publié plusieurs entretiens….tous toujours marqués par un
engagement sans détours , laïc et
anti-fondamentaliste
Avis :*Présenté à titre exceptionnel….pour
réparer une injustice flagrante , celle de n’être pas
arrivé ( ???) à être édité en Algérie. D’accord ou pas d’accord avec son
contenu mais, en tout cas
, un livre …exceptionnel qui, en fait,
« nous raconte ». Ca
ronronne un peu à la fin
, mais de la (vraie) philo très haut de gamme. Tout en s’amusant
follement avec les mots et les phrases, avec , au
milieu , des idées encore plus « folles ».
Citations : « Dans le provisoire qui dure, il y a
une leçon : l’important n’est plus le but mais la halte, fut-elle
précaire, elle offre repos et sécurité, et ce faisant elle dit l’intelligence
pratique de l’Appareil » (p 17), « Quel meilleur moyen que l’espoir
et le merveilleux pour enchaîner les peuples et leurs croyances, car qui croit
a peur et qui a peur croit aveuglément » (p 28), « Entre la vie et la
machine, il y a tout le mystère de la liberté, que l’homme ne peut atteindre
sans mourir et que la machine transcende sans accéder à la conscience » (p
49) , « La religion peut se bâtir sur le contraire de la vérité et devenir
de ce fait la gardienne acharnée du message originel « (p 74),
« Comparer n’est pas toujours perrtinent, c’est
vrai, la vie est un questionnement, jamais une réponse « (p 162),
« La naïveté , comme la bêtise, est un état permanent » (p 233),
« La religion, c’est vraiment le remède qui tue » (p 247)