SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI FADÉLA M’RABET- « LE
BONHEUR D’ÊTRE ALGERIEN »
LE BONHEUR D’ÊTRE ALGÉRIEN. Essai de Fadéla M’Rabet. Enag Editions, Alger,
2019, 103 pages, 530 dinars.
Quelle mémoire que celle de Fadela M’Rabet ! En peu de
pages et en dix-huit textes assez courts,
elle vous conte et raconte presque toute sa vie .
Elle nous transporte du Sila
à Skikda, de Skikda à Vienne, de Vienne à Ostende, d’Ostende et sa mer à Strasbourg, de Strasbourg, à Montréal,
Stockholm, Istanbul, Paris...... et de Paris à Skikda, une ville qui ne quitte
plus sa pensée
Elle nous raconte sa rencontre (et son
amitié) avec Taos Amrouche, « la plus grande
cantatrice de tous les temps, dépositaire du chœur antique de l’Algérie, chœur
berbère... »...
Elle nous raconte Ben Badis
et les Oulémas d’antan, ceux modernistes et des Lumières
Elle nous raconte Djedda, sa grand-mère, dépositaire de l’identité algérienne si
précieuse .....et la grande maison – aux 14
enfants réunis- de Skikda « dont toutes les portes restaient
ouvertes »
Elle raconte sa douleur palestinienne et la
peur arabe (les dirigeants) de la
démocratie
Elle raconte sa vision de la religion et la
place de celle-ci dans les combats d’aujourd’hui
Elle raconte la responsabilité des
intellectuels maghrébins dans le jugement que portent les Français sur l’islam
Grande supportrice de la fameuse Jsmp (Jeunesse sportive musulmane de Skikda, ancêtre de la Jsms) , elle raconte le foot,
Zidane et Ronaldo
Elle raconte, aussi, la féminité et le
féminisme..
Et, toujours, Skikda, Skikda.....Nostalgie
De soliloque en soliloque, de moments bénis en
drames inoubliés.....
L’Auteure :
Née Abada à Skikda. Docteur en biologie......interdite (au milieu des
années 60) d’enseignement (Lycée Frantz Fanon) et d’animation à la radio chaîne
3 (à la suite de la publication de ses deux ouvrages, « La femme Algérienne », en 1965
et « Les Algériennes » en
1967...et de ses émissions avant-gardistes). Exilée (ainsi que son époux, Tarik
Maschino) en France, elle a été maître de conférences
et praticienne des hôpitaux parisiens. Auteure
de plusieurs ouvrages
Extraits : « L’Algérie est l’âme de mon esprit....la langue française est
l’esprit de mon âme......je pense et l’écris en Français, mais je pleure en
kabyle » (Jean Amrouche, cité p12), « La chance de l’Algérie
vient d’abord de sa situation géographique. Son socle est l’Afrique ....une
femme africaine » (p 17), « Etre a« Pourquoi l’
« élite » est-elle devenue si conservatrice ? Parce qu’elle se
sent menacée ? Celle qui résiste a été éliminée. Ne reste que celle,
dominatrice, qui préfère ses intérêts à la vérité » (p 31) , « Continuer de diviser un peuple en manuels et
intellectuels est de l’obscurantisme. C’est penser que l’activité d’un manuel
ne fait pas intervenir le cerveau. Qu’un plombier serait un automate. Son
cerveau serait moins développé que celui du coupeur de cheveux en quatre »
(p 56)
Avis :
De la belle
écriture, prose et poésie mêlées......Et, toujours, droit au but !
Citations : « Etre
Algérien devrait suffire à notre bonheur » (p 19), « Quand la
parole est vraie, elle est universelle » (p 21), « Il est évident
qu’à la naissance, nous avons le même potentiel d’humanité. C’est le milieu qui
nous différencie, avec les rencontres, les accidents, les guerres » (p
29), « Le combat d’aujourd’hui est celui de tous les temps. Il n’est pas
d’ordre religieux. La religion n’a jamais été le vrai mobile d’une guerre. D’aucune
guerre, nulle part. En terre chrétienne comme en terre musulmane. Il est
d’ordre économique entre ou contre les puissances mafieuses, celles des
marchands d’armes et de drogue. Pour l’or, pour le diamant...... » (p 33),
« Une jambe nue , c’est comme un escalier qu’on
emprunte par le regard pour découvrir d’autres lieux. Quand ce n’est que chairs
qui s’étalent, elles n’invitent pas au mystère du voyage, elles évoquent le
porno » (p 67), « Les mères de mon enfance ont toutes connu la perte
d’un enfant dont elles n’ont jamais fait le deuil » (p 81), « Pour
Socrate, « l’homme et un bipède sans plumes ».Il le serait resté sans
le talent des couturiers » (p 85)