SOCIETE-
ENQUETES ET REPORTAGES- CONFRÉRIES
NOIRES EN ALGÉRIE (DIWANS DE SIDI BLAL)
Pendant des siècles, les caravanes n'ont pas cessé
d'amener des esclaves noirs au Tell algérien comme au Maroc et à Tunis. Au
XIX° siècle, un Noire jeune et vigoureux acheté au Soudan valait 5 à 6 douros
(30 francs) ; dans les oasis son prix passait à 35 ou 40 douros (200 francs) et
ne cessait de monter à mesure qu'on approchait de la mer. Au Figuig, pays de
transit entre le Touat et Fès, un noire valait de 150
à 200 francs, une belle noire de 200 à 400 f), De par sa position centrale et
son autonomie, le Mzab resta longtemps une des places fortes de la traite.
L'une des raisons données pour l'annexion en 1882 de ce pays soumis mais non
occupé depuis 1853, et enclavé dans les possessions françaises, était
d'empêcher cette traite. Il y avait alors dans la pentapole 327 esclaves et 964
affranchis. Tous furent affranchis, restèrent dans les familles et comptèrent
politiquement dans les diverses tribus ibadites ou arabes .
Les unions mixtes ont été assez nombreuses pour donner naissance à une caste,
les homrià (les « rongeâtes », métis de mzabite et de
femmes de couleurs qui ont quelques coutumes propres, sont ibâdites de
religion, mais n'accèdent pas aux hautes charges temporelles ou spirituelles.
Dans le Tell, le gros des esclaves étaient achetés par
les bourgeois d'Alger et des grandes villes. Affranchis ou non, ils y
restaient. Certains, moins nombreux, allaient dans les tribus, achetés par des
chefs. Il y eut aussi des groupements occasionnels, par exemple, chez les Béni
Menacer, à El Maïa-lan, chez les marabouts des Aït Hafeïn, les Imerzag (de Sidi Merzoug, leur patron), petite colonie de fugitifs. En
Kabylie, où la population était pauvre et la propriété morcelée, il y avait
pourtant, lors de la conquête, quelques agglomérations de noirs, descendants de
fugitifs ou emplettes faites par les chefs à Biskra, Msila, Bou-Saàda, Dans la partie occidentale, les Turcs avaient
eux-mêmes installé des affranchis, près de Boghni, à
Tala-ezzaouia, pour aider leur garnison, Quatre cents
subsistaient en 1859, exerçant, comme aujourd'hui, les professions de
conducteurs de bestiaux et de bouchers. D'autres furent installés au pied du
djebel Belloua : ce sont les Zmoul
de Chemlal, auxquels s'agglomérèrent des affranchis
et des vagabonds ; d'autres, à Tala Osman, au pied du djebel des Oulid Aïssa ou Mimoun
, Le Beylik du Titteri avait deux tribus
makhzen appelées comme ailleurs Douair , et Abid ou Zmoul. Les 'Abid devaient avoir été formés en principe de
noirs affranchis ; la tradition dit qu'ils étaient commandés par deux noirs , On sait le rôle joué au Maroc par les Bouàkher de Moulay Ismaïl, Quand celui-ci, après une
invasion peu heureuse à l'Est, dut rentrer au Maroc, en 1707, les débris, de
ses douair et 'Abid offrirent leur service au bey de Mazouna et Mascara. Ces tribus noires (les 'Abid) à femmes
blanches seraient à l'origine des Zmela, (Gharaba, Cherraga, Mekahalia .
A Alger, il y aurait eu en 1830 pas moins de 2,000 esclaves de couleur sur une
population de 3O.000 âmes, Les Turcs avaient organisé les barraniya
(étrangers à la ville) en quatre corporations : Béni Mzab, Biskris,
Laghouatis, Ouçfane ou
esclave de couleurs . Les hommes et femmes de couleurs
libres exerçaient les professions de fabricants de nattes, maçons, chaleurs de
maisons, bouchers, musiciens et devins, Les femmes étaient souvent, comme
aujourd'hui, masseuses dans les hammams, Quelques-uns étaient soldats et fort
braves. « Quand le dey et ses lieutenants avaient des commissions difficiles,
ils les confiaient presque toujours à des nègres » .
Les noirs mélangeaient assez peu leur sang et passaient pour moins prolifiques,
que les autres races . Leur chef était le Kaïtlausfane (caïd des nègres), responsable de l'ordre
parmi eu. Quand un esclave s'enfuyait, il le cherchait, le rendait à son maître
ou obligeait celui-ci à le vendre, si l'esclave avait à se plaindre. C'est à
Sidi Abder-rahmane que se réfugiaient souvent les
fugitifs ; l'oukil du marabout Négociait avec le
maître, qui revendait l'esclave, on l'affranchissait si ce dernier avait assez d'argent .
En 1841, le baron Baude notait que le principal
marché était Médéa, où l'on dirigeait les estimes importés
du Soudan, après un séjour plus ou moins long dans les oasis. Il pensait que
c'était leur intérêt bien entendu d'être arrachés à leur sauvage patrie et
immergés dans une société blanche.« inévitable et
providentielle transition,., L'abolition prématurée ne serait de notre part que
la désertion d'un devoir social. ». Il fallait « imprimer à l'esclavage une
tendance forte et régulière vers le but sanctifié de son institution », traiter
avec les Touareg pour stimuler la traite, permettre aux chrétiens d'avoir des
esclaves, christianiser ceux-ci, marier des noirs à des blancs pour former «
une belle et forte race » qui pourrait être « un excellent contrepoids à
opposer aux indigènes ». ........etc