SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN
RABIA DJELTI- « LES AILES DE DAOUYA »
LES AILES DE DAOUYA, roman de Rabia Djelti ( traduit de l’arabe par
Mohamed Sehaba),Editions Barzakh,
Alger 2019 , 201 pages, 800 dinars.
Elle est jeune, elle est belle, elle est
riche, elle est généreuse......si jeune, si belle, si riche (très à l’aise
matériellement), si généreuse....qu’il se met à lui pousser des ailes. Et
pourtant, sa grand-mère Hanna Nouha , l’avait moult fois
mise en garde : « La beauté est à la fois, une bénédiction et un
châtiment »..... « La beauté fatigue, même si elle possède des
ailes »......« Quand Dieu veut châtier une fourmi, IL lui fait
pousser des ailes ».....
Paroles prémonitoires que celle-ci, car Daouya, la bien-nommée avait bel et bien des ailes qui lui
poussaient. Sans savoir, au départ, le pourquoi du phénomène physique qui lui
paraissait assez handicapant au départ. D’où
sa manie de toujours s’envelopper d’un manteau marron.
Elle voyage beaucoup à partir de sa
ville natale, Oran. Alger.......Damas
surtout, là où elle y a pris, aussi, des
cours, parallèlement à ses études à l’Université , la danse, le ballet et la
valse .... « pour apprendre à maîtriser le moindre muscle du
corps, pour ne plus être soumise à ses injonctions » ; Damas ville d’entre-toutes bénie des arts , des lettres et de la culture arabe....et, bien sûr,
Paris, autre rendez-vous mondial.....
Les voyages forment certes mais ils
permettent surtout des rencontres de toutes sortes. Entre autres des femmes,
presque toutes non accompagnées et combatives :
Oum El Kheir, connue et appréciée de tous les
douaniers et les personnels des compagnies aériennes, qui « fait des affaires »
(trabendiste ?) en
s’approvisionnant d’abord en Syrie,
puis à Paris ......Ibtissem,
la jeune et belle syrienne réfugiée à Paris et qui ne fait que penser à sa
famille ......Nezha, l’intellectuelle au grand cœur,
ayant fui , pour Paris, le menaces
terroristes à Alger.....Sapho, l’iranienne, qui pratique le « plus
vieux métier du monde » et qui peste (son fiancé avait été pendu...parce
qu’il croyait seulement profondément en la démocratie) contre les
« barbus » qui prolifèrent.....à Paris .
Heureusement, il y a Ibrahim.....rencontré
par « hasard » lors d’un voyage, dont elle tombe assez vite
amoureuse. Enfin !
Mais hasard, dites-vous ?
En fait, Daouya
fait partie des « Ailés ». Au
départ , inquiète.......pour son dos et ses épaules où poussent des
ailes....elle découvre que les « Ailés » sont une communauté secrète
formée de tous les génies produits
depuis des siècles par l’humanité et vivant, pour ceux et celles
« qui ne sont plus » dans un sixième continent en dehors de la
planète Terre.....Réunis en Ag extraordinaire (celle ordinaire se tient tous les cinq siècles) à laquelle Daouya y
est conviée comme nouveau membre de plein droit , ils doivent décider de la
« mise à mort » (un grand déluge) de la planète, trop longtemps
maltraitée et lourdement meurtrie par le conflits et les guerres...... La faire disparaître du
système solaire définitivement......et ne rétablir l’équilibre que bien plus
tard. Quelques milliards d’années. Crimes (trop nombreux) et châtiment ....mérité !
Quelques surprises : Ibrahim et Oum el Kheir sont des « Ailés ».....et Daouya, ayant gardé toute son humanité terrestre a le droit de choisir un(e) non-ailé(e) le
jour du « grand départ ». C’est Saint-Augustin lui-même qui avait
donné l’avis favorable. Alleluia !
L’Auteure : Née en août 1954 à Bouaânani
(et épouse de l’écrivain Amin Zaoui)
. Etudes primaires au Maroc, secondaires à Oran, universitaires à Oran
(littérature arabe) . Magister et Doctorat d’Etat à
Damas. Enseignante universitaire. Poétesse, romancière et traductrice
, auteure de plusieurs œuvres
.....et Prix de la Création littéraire arabe pour l’ensemble
de son œuvre (Abu Dhabi, 2002).Elle est l’épouse d’Amin Zaoui.
Extraits : « Cette
femme dévoilait en vérité le côté lumineux , caché en chaque être, qui ne
devient véritablement humain que lorsqu’il se met à la place de l’Autre, que
cet autre soir humain, animal, végétal ou minéral » (p 43), «
L’esprit humain, capable de bâtir, est celui-là même capable de détruire, de
brûler, de raser la Terre entière si des intérêts sont à préserver » (p
50) , « Celui qui a bu à Ain El Fijé (eau de
source) n’aura de cesse de retourner au Cham, y revenant comme on revient à une
drogue » (p 52), « Si Damas possède le chant et l’odeur de la « sobya » fumante, Oran a pour elle la
joie de la mer et des cafés. Ce par quoi elle se distinguait autrefois a
maintenant disparu » (p 61)
Avis : Roman
du réel, roman d’anticipation, un savant mélange que l’écriture que l’on
ressent délicate, musicale même -
surtout si on se met à la penser,
parallèlement, en arabe- ( l’âme est profondément poétique) rend aisé à lire. Prenant
jusqu’à la dernière ligne.
Citations : « La beauté est à la fois une bénédiction et un châtiment. Elle
est souffrance et jouissance . Toute femme, aussi
belle fut-elle, verra , avec le temps, la vérité dans
son miroir. Elle se verra, nue. Tel sera alors le lot de son apparence »
» (p 13), « Damas, redeviendra-t-elle Damas ? »( p 51)
, « Toutes les guerres sont sales : il n’y a pas de guerre sans
coupables et sans victimes » (p 64) , Ce sont (les rides du visage)
des indices fiables, exacts et incontestables sur la nature de celle ou celui
qui est en face....Elles indiquent les signes de la jalousie, de l’optimisme,
de l’amour passionné, et même de la mort imminente » ( » (p 91) ,
« Paris est un toit pour qui n’en a plus......A Paris , tu peux te réaliser
au grand jour » (p 99), « L’immobilisme invite à la destruction, aux
malversations, aux atteintes physiques, à la barbarie, à la tuerie, en un mot,
à la négation de tout ce qui réfère à la civilisation humaine » (p 124),
« Le temps chez les Arabes est comme un vieux gardien d’immeuble à la vue
basse. Sa présence est de pure forme. Il dort la bouche ouverte.... » (p
170)