SOCIETE- BIBLITHEQUE D’ALMANACH- ESSAI
LAZHARI LABTER- « LA CUILLÈRE ET LES AUTRES PETITS RIENS »
La cuillère et autres petits riens. Essai de Lazhari Labter (préface de Yasmina Khadra).
Hibr Editions, Alger 2019, 128 pages, 500 dinars
Lazhari Labter est un grand
romantique. Poésie quand tu nous tiens ! Il est vrai qu’être originaire du
Sud du pays avec des racines nomades
n’arrange pas les choses. Il nous a déjà gratifiés de belles œuvres où
vers et prose , en tout cas de la belle écriture, se
mélangent harmonieusement pour le plus
grand plaisir des sens. D’autant qu’il y
a , comme assaisonnement, des dessins de Arzeki Larbi, illustrant
« Les œufs peints » (pp 106 et p 108) et « l’Arbre
d’argent » (p 28) . La cuillère,
elle, sorte d’hommage au père, dessinée par le fiston ,
Amine Labter, qui avait illustré la Une des deux
premières éditions algériennes, se retrouve n p 24, illustrant ainsi le texte
de base.
Mais , il oublie (peut-être pas !) que ses lecteurs
sont aussi poètes ,quelque part. En tout cas, pour ceux d’un certain....âge (ou
d’un âge certain) , le romantisme et la nostalgie ne
sont pas loin avec toujours cette propension à mythifier (ce qui n’est pas un
tort, au contraire) , à rendre encore plus beau son passé et à en glorifier tous les faits , les gestes
et les espaces , tout particulièrement les plus anodins, ceux rattachés à
l’enfance et à la prime jeunesse, celles qui ne voyaient que le bon côté de la
vie. Des riens qui sont désormais tout. Souvenirs, souvenirs !
32 petits récits, 32 souvenirs de
« riens » qui nous (re-) plongent dans un
passé qui redevient brusquement, par la magie des mots ,
en fait, assez prenants ,car simplement
dits et bien ordonnés , plus que présent.
Des petits
riens, les siens, les miens, les nôtres, les vôtres, les leurs. Un grand
partage de vie simple, d’amour de la vie, de bonheur d’être en famille, de
peines et de souffrances parfois, car la misère est là, avec une présence
coloniale qui n’apparaît pas , mais que l’on sent
derrière les rideaux de la scène.
En fait, pour moi, il n’y a que 31 petits riens.
Car il y a un grand, un immense , un sublimissime
grand « rien » . Ce sont les pages consacrées à la belle Zohra,
« comme une rose en son jardin » . Zohra, la
maman. Une maman bien de chez nous. Notre maman. Celle qui en a vu de guerres
et des misères, celle dont la vie ne fut ni légère, ni colorée
, ni riche, ni palpitante , celle qui, peut-être, à force de trop
regarder le malheur , a des yeux tristes .
L’auteur nous apprend que certains extraits de son livre figurent dans
des manuels de français des nouveaux programmes de 2018, de 2è et 3è années moyennes .....Voilà ce que
j’écrivais en juillet 2009 (in Le Cap/Magazine bi-mensuel,
n° 27, rubrique « A livres ouverts ») : « On conseille aux
pédagogues de l’Education nationale de ne pas chercher bien loin et d’y
puiser les textes pour les intégrer
dans des manuels scolaires (livres de français entre autres) . C’est bien écrit
et, de plus, ça plongera nos écoliers dans ce qui fut (ou fait) notre
« vraie vie » .Une démarche qui devrait , aujourd’hui, être élargie à
toute la littérature nationale, de toutes langues, tout en se dégageant de cet amour
« immodéré » pour les textes d’autres
temps et d’autres lieux. Sans pour autant ignorer les (très) beaux
textes de la littérature universelle......
Extraits : « Somme de souvenirs et de vécus,
mais aussi de « dits » de mon père, ces petits riens ne sont pas le
fruit du hasard. Chaque petite histoire recèle une hikma, un
enseignement, une sagesse « (p 21), « On l’appelait « carni cridi »,
le carnet de crédit. Tous les gens pauvres en avaient un chez l’épicier du
coin. En ce temps-là, les épiciers étaient honnêtes et les carnets ne mentaient
pas» (p 41), « A l’école, on me disait que mes ancêtres étaient des
Gaulois. Dieu sait que je ne les avait jamais
rencontrés. Et mon père non plus » (p 52)
L’Auteur :Poète ,
écrivain, journaliste, né à Laghouat en 1952. Editeur de 2001 à 2015 (Anep,
Alpha, Lazhari Labter..).
Auteur d’une vingtaine d’ouvrages
(poésie, essais, témoignages, romans dont « Hiziya,
princesse d’amour des Zibans » et « Laghouat , la ville assassinée ou le point de vue de
Fromentin).Participation fournie à des ouvrages collectifs. A noter qu’il est
l’auteur des commandements pour un « hirak »
pacifique.
Avis :C’est ici la quatrième
édition (revue, augmentée et illustrée) , les première et la troisième
ayant été publiées en 2009 et 2011 aux
éditions JL ( format de poche et.....300 dinars) et la seconde en France en
2010.Un livre qui, selon le préfacier,
« ne se lit pas ;il s’égrène tel un chapelet d’ambre, se
déguste comme une grappe de raisin »
Citations : « Il suffit d’un « rien »
pour être heureux....puisque le bonheur , parfois, est
une question de mentalité »(Yasmina Khadra,
préface, p 17), « On ne dessine pas le visage de sa mère comme on
ferait avec celui de la femme aimée, délicatement, en le caressant du
doigt » (p 113)