SOCIETE-REGION- ACHOURA- TRADITIONS ET COUTUMES
(c) L'Echo d'Algérie / Benadel M, 10 septembre 2019
La fête de l’Achoura (10ème jour
de Moharrem, premier mois de l’année hégirienne) est pour les
familles Ghardaouies une occasion de perpétuer
des traditions culinaires.
Pour célébrer cette occasion
religieuse sacrée (sauvetage du prophète Moise de la poursuite du
Pharaon), les habitants dans leur diversité sociologique, ont recours à
des recettes ancestrales, jalousement préservées et transmises oralement
pour préparer des plats « typiquement » traditionnels dont
notamment « Ouchou Tini »
(Ouchou/couscous /Tini
les dattes) en Tamazight locale, un met à base de couscous plombs et de
viande séchée et salée du mouton de l’Aid El Kebir ainsi que « Ibaoun »
(El Foul) (fèves). Sitôt le rituel de
l’immolation du mouton de l’Aïd accompli, la ménagère récupère une partie
de viande qu’elle sale abondamment et sèche à l’air libre avant de la
conserver dans un endroit propre durant plusieurs semaines, a expliqué
M. Bakir, un père de famille du Ksar de Melika. Malgré la présence aujourd’hui de frigos ou
congélateur dans tous les foyers, cette pratique ancestrale de
conservation de la viande par le procédé de salinité et le séchage est
perpétuée toujours notamment dans les régions du Sud, a-t-il souligné. La
veille de l’Achoura, de nombreuses ménagères Ghardaiouies
qui ont reçu les recettes de ce plat « Ouchou
Tini » de génération en génération,
s’appliquent à préparer ce couscous, avec une sauce rouge onctueuse
composée d’une variété de légumes frais, de pois chiche, de viande séché
assaisonnée de gingembre, de poivre, de curcuma, de cumin, de piment et
autres petites herbes potagères ainsi que d’un jus de datte donnant, pour
le plaisir du palais, un goût succulent à ce plat. Pour donner à ce couscous un
goût plus authentique, on l’assaisonne de beurre salé fondu aux raisins
secs, pour être consommé à la rupture du jeune de l’Achoura. Une fois
préparé, ce mets est dégusté dans un grand plat en présence de tous les
parents et grands-parents, dans une ambiance conviviale.
« Ibaoun » , un autre plat traditionnel prisé dans le M’zab
L’autre plat très prisé
dans la région du M’Zab, en cette fête religieuse, est dénommé « Ibaoun » ( El Foul) (fèves). Il figure aussi parmi les recettes
préparées à l’occasion de la célébration de l’Achoura. Ce plat du terroir
se prépare la veille où la ménagère trempe dans de l’eau douce de la
palmeraie de Ghardaïa des fèves sèches durant plusieurs heures avant de
les faire bouillir à petit feu toute la nuit. Décortiquées et
assaisonnées avec du sel, du cumin et de l’huile d’olive, ce plat se
déguste dans la matinée et est distribué aux voisins et passants par les
enfants en entonnant une chanson célèbre dénommée « Abya
Nou ». Selon la tradition dans le M’Zab,
« tous les mets préparés à l’occasion sont faits pour être
partagés », a soutenu Ammi Abdellah du Ksar
de Bounoura. « On échange ces plats
traditionnels entre familles, voisins, pour renforcer les liens familiaux
et la solidarité entre les habitants », a-t-il ajouté. Par ailleurs,
un mélange de confiseries, friandises et autres fruits secs (amandes,
cacahouètes et noisettes…etc) est également distribué
aux enfants. La tradition veut que la veille de l’Achoura, les femmes
mettent à leurs enfants du « khôl » (poudre d’antimoine que
l’on met sur le contour des yeux afin de les mettre en valeur). Achoura
est, pour les familles Ghardaouies, à la fois une
fête sacrée portant de fortes significations religieuses et une occasion
de perpétuer des traditions et des coutumes ancestrales propres à chaque
couche sociale.Parmi les traditions accueillant cette
fête , il y a lieu de citer les opérations de nettoyage et
d’embellissement des cimetières dans les différents Ksour du M’Zab,
assurées par des bénévoles, notamment des jeunes. Tous les aspects festifs
de l’Achoura ne devraient pas faire oublier sa portée religieuse, a fait
savoir Ammi Bakir, un notable de la région,
soulignant que c’est l’occasion pour les fidèles et pieux d’accomplir
davantage de bonnes actions tels que le jeûne, l’acquittement de la Zakat
et le recueillement à la mémoire des parents et autres aïeux.
…dans le région
de l’Ouarsenis
Les habitants des zones
rurales de Tissemsilt et de la région de
l’Ouarsenis restent fortement attachés à leurs traditions et coutumes
pour célébrer l’Achoura, 10ème jour du mois de Mouharram
marquant l’avènement de la nouvelle année hégirienne. Cette fête est célébrée
dans la joie et la convivialité. Dans les zones comme la Mactâa de Bordj Bounaama, Kedadra de Sidi Slimane et Béni Djemaa de Boukaïd, l’Achoura est marquée par la préparation du
couscous que l’on sert et distribue aux pauvres et nécessiteux. Des plats
sont également servis dans les mosquées aux fidèles. Cette occasion
religieuse est également une opportunité pour les cheikhs, notables et
sages des agglomérations rurales de l’Ouarsenis pour initier des
rencontres de réconciliation entre les familles ou pour célébrer des
mariages de jeunes nécessiteux. Hadj Mansour, un des notables de la zone de Metidja de la commune de Bordj Bounaama,
souligne que le jour de l’Achoura est particulier. « Toutes les
familles participent à la préparation du plat de couscous que l’on
distribue aux convives et aux pauvres. Les habitants du village procèdent
également à la collecte de denrées alimentaires et de quartiers de viande
que l’on distribue aux familles démunies des localités
avoisinantes », a-t-il expliqué. Il a ajouté que cette journée
particulière « permet aussi aux sages et chouyoukh
de la région de régler les différends entre membres d’une même famille,
entre voisins et entre amis. La mosquée de Metidja et
la zaouiïa de cheikh Moulay Larbi
Benatia Touil ont un grand
rôle à jouer en cette occasion ». Dans les foyers des zones rurales
de l’Ouarsenis, des traditions restent ancrées pour célébrer le jour de
l’Achoura, notamment l’incontournable cérémonie du henné, supervisée et
dirigée par les vieilles personnes du village. Hadj Arbia
d’El Mactaa fait remarquer que la cérémonie du henné
est une tradition héritée des aïeux. Des poètes du melhoun
et conteurs animent des « halqa »
pour déclamer des poèmes et narrer des contes sur la portée de cet
événement religieux. Par ailleurs, outre les traditionnelles manifestations de
solidarité et d’entraide entre les membres de la communauté, l’Achoura
est également synonyme d’activités commerciales. Celles-ci ne se limitent
pas seulement aux denrées alimentaires et aux produits d’artisanat mais
s’étendent aussi aux parfums et essences traditionnelles, aux encens, aux
plantes médicinales et aux jouets pour enfants. « Tout un
bric-à-brac où chacun trouve ce qu’il cherche au niveau des ruelles de Tissemsilt, notamment à Haï Sebaa
où une activité inhabituelle est relevée en ce jour », note Othmane, vendeur artisan dans ce quartier. Il souligne que
la célébration du jour de l’Achoura reste une occasion pour vendre des
produits d’artisanat, notamment en poterie et céramique, ainsi que le
pain traditionnel. D’autres sites de la ville de Tissemsilt,
dont la cité 119 logements, abritent un grand nombre de vendeurs
d’ustensiles en poterie, en bois et en céramique ainsi que des tapis. Ces
produits sont très demandent et s’écoulent facilement, a-t-on constaté.
Par ailleurs, le boulevard « 1er novembre » du centre-ville se transforme,
en l’espace de quelques jours, en un vaste espace où les commerçants
d’épices naturelles, utilisées dans la préparation du couscous et du pain
traditionnel enregistrent un fort engouement des citoyens qui viennent
également s’approvisionner en figues séchées, en essences et parfums et
en encens, chacun voulant donner à l’Achoura une « saveur »
particulière.