SOCIÉTÉ- PRATIQUES- KHLIÎ (VIANDE SÉCHÉE)- KHENCHELA
La tradition de sécher la viande du mouton de sacrifice demeure une
pratique bien entretenue et résiste au temps dans la commune d’El-Mahmal, appelée également Tazghart dans
la wilaya de Khenchela.
Les femmes dans cette région, distante de 9 km au Sud du chef lieu de
wilaya s’attèlent, dès le troisième jour de la fête du sacrifice à entamer
l’opération de séchage de viande pour en faire du « khliî »,
ingrédient de base dans plusieurs plats traditionnels notamment préparés
en hiver. Pour El-Hadja Zhira Dziri, 69 ans, originaire de Tazghart,
la préparation d’El-Khliî est une tradition qui
se transmet de génération en génération parmi les femmes de sa tribu,
indiquant qu’à son âge, elle demeure fidèle à la tradition. « Au troisième
jour de l’Aid, je prends des tranches de viande, la
cuisse et les côtés notamment, que je coupe en grosses lanières avec un
couteau bien aiguisé, je badigeonne le tout avec beaucoup de sel avant de
suspendre les morceaux de viande sur une corde à linge propre et les laisser
sécher ». Et d’ajouter comme astuce : « il est préférable de faire
sécher les morceaux de viande, ce qui deviendront khliî ou guedid à
l’ombre à l’abri du soleil, dans un endroit aéré, pendant une semaine en été et
jusqu’à deux semaines en hiver ». Astucieuse et cumulant des années
d’expérience en la matière, Hadj Zhira conseille
encore : « au besoin, on peut pulvériser quelque gouttes d’huile
d’olive sur la viande pour repousser les moustiques ». Pour cette
sexagénaire, l’Aïd El-Adha est une occasion au
cours de laquelle la viande est disponible en grande quantité pour la plupart
des familles et permet de sécher de grandes quantités et l’utiliser pendant
l’hiver dans des mets traditionnels et succulents.
Le « Khliî »
pour faire Berkoukche, Lemkartfa et Berboucha–
« La viande méticuleusement séchée est conservée dans des
récipients en terre cuite, constitue un approvisionnement pour l’hiver et
la base des plats traditionnels pour tous les membres de la famille,
fréquemment parmi les familles activant dans l’agriculture, pour se
donner de l’énergie et résister au froid rude des régions de Tazghart ». Pour hadja Zhira, Berkoukche, Lemkartfa (des
pâtes à base de semoule) ou le couscous, appelée à Khenchela Barboucha ou Boumaghlouth (couscous
à base d’orge), des plats préparés à base de viande séchée dont on ajoute pour
certains (Lemkartfa) des fèves sèches et pour tous du
piment rouge bien piquant, ont « un goût des plus savoureux ».
Elle affirme même que ces mets sont succulents avec khliî qu’avec
de la viande tendre. « Servis dans une +gasaâ+
(terrine ndlr) comme à l’ancienne, ces plats sont des vrais délices ».
Elle enchaine, non sans regret « de nos jours, cette tradition est
de plus en plus délaissée à Khenchela. La
disponibilité des moyens pour préserver la viande des réfrigérateurs et des
congélateurs et la préférence des plats vite faits englouties beaucoup de
traditions ». De son coté, Dr Amir Boukhadna de
l’établissement public hospitalier (EPH), Ahmed Ben Bella de khenchela a affirmé que la tradition de sécher la
viande constitue « une des meilleures méthodes pour conserver la viande
d’une manière saine et préserver sa valeur nutritive ». « Badigeonner
la viande avec de grandes quantités de sel lui permet de tenir longtemps et de
résister aux facteurs externes qui peuvent le dégénérer ». Le
praticien a également soutenu que la viande séchée, contrairement à ce que
pensent de nombreux jeunes qui refusent d’y goûter est « bénéfique pour la
santé ». « Les nutritionnistes conseillent de manger le « khliî » et recommandent de bien reproduire la façon à
l’ancienne de préserver cette viande, bien séchée et bien conservée à l’abri de
l’humidité ». Dr Boukhadna, prévient
néanmoins, que le « khliî » est déconseillé
pour les hypertendus ou les personnes souffrant de problèmes
cardio-vasculaires en raison « de grandes quantités de sel et de graisse
que contient cette viande ».