SOCIETE –
PRATIQUES- WAÂDATES- TLEMCEN
(c) L’Echo d’Algérie./Benadel M./Samedi 31 août
2019
Les fêtes populaires « waadates »
organisées en grand nombre en cette fin de mois d’août à travers le
territoire de la wilaya de Tlemcen sont une importante source d’animation
en cette période estivale qui enregistre une affluence touristique
inédite.
En effet, les célébrations des « waadates »
ou « mawsim » sont des traditions
bien ancrées dans diverses régions de la wilaya, qui organisent chaque année
ces festivités symbolisant la fin de la saison de la campagne
moisson-battage et un rendez-vous incontournable pour les habitants d’une
région ou les membres d’une même tribu qui partagent deux jours durant ou
plus, des moments conviviales en familles et entre amis. Ces fêtes populaires
sont organisées, explique El Hadj Kouider, un
habitué des « waadates » dans la région
de Sebdou, pour également marquer
l’anniversaire du saint patron de chaque région. Pour les Ouled Nhar, la waada porte le nom du saint patron de cette tribu en
l’occurrence Sidi Yahya, pour les Beni Ournid c’est
Sidi Afif, Sidi Tahar pour les Ouled Ouriache, Moulay
Cheikh Tayeb pour Ouled Mimoune et c’est aussi valable pour les Beni Ouazane, Beni Ouassine, Beni Smeil et le reste
des régions de Tlemcen. Les waadates, ajoute la
même source, sont souvent organisées sur des terrains proches du mausolée
du saint de la tribu qui enregistre à l’occasion, une grande affluence. Sur
place ainsi que sur les grandes kheima dressées
à l’occasion, des lectures de saint Coran sont organisées. Le moment est
opportun aussi pour réconcilier entre les personnes ou les familles qui
ont des différents quelconques, le tout autour d’un couscous préparé par les
femmes de la tribu. Le couscous est également préparé pour tous les visiteurs
qui affluent à la « waada », qu’ils soient
de la région ou viennent d’autres wilayas du pays. La restauration est
assurée pour tous comme pour afficher le degré de générosité et de partage qui
caractérisent ces régions. Cheikh Boumechra Mohamed,
professeur en théologie à Dar el Hadith de Tlemcen, a souligné que ces mawsims constituent une occasion propice pour
renforcer « les liens sociaux et la solidarité entre les membres d’une
même tribu ou région ce qui va de pair avec la religion musulmane qui incite
les gens à s’unir ». Il a ajouté que lors de ces « waadates » de nombreux conflits ou différents entre
les membres d’une même tribu ou entre des familles de tribus différentes
sont réglés et pour ce faire, la réconciliation ainsi que la propagation de la
paix figurent parmi les grandes valeurs prônées par l’Islam. Elles sont
également une occasion de rendre hommage aux saints et ancêtres des tribus pour
leur vie exemplaire et pour tout ce qu’ils ont accompli au service des leurs.
Pour sa part, l’universitaire Saliha Sali, chercheuse au Centre de
recherche en anthropologie sociale et culturelle d’Oran (CRASC), a indiqué que
les « waadates » sont organisées pour
perpétuer la tradition du grand père de la tribu qui organisait chaque fin de
campagne de moisson, un diner qui regroupe les membres de chaque tribu ainsi
que des invités. Dans ces rencontres, plusieurs questions sont abordées,
notamment des questions sociales comme les divorces, les mariages et
l’héritage. Partant de ce fait, a-t-elle ajouté, les waadates sont
devenues « l’une des plus grands évènements festifs auxquels sont
associés d’autres éléments du patrimoine populaire qui forment les fondements
essentiels de la culture populaire ».
La fantasia…aspect majeur des « waadates »
En plus de son aspect religieux et traditionnel, la « waada » compte en outre des aspects relevant du
patrimoine national tels que la cavalerie traditionnelle. Cette dernière
constitue sans nul doute, l’un des aspects les plus marquants de ces
festivités. En groupe de cinq et plus, les troupes de cavaliers appelées
localement « Aalfa », qui
représentent souvent des régions et des tribus différentes offrent des
spectacles époustouflants marqués par la vitalité et l’ardeur tant du
cavalier que du cheval, et chaque troupe consent le maximum d’efforts pour être
à la hauteur de l’évènement. Le but est de faire des chevauchées collectives et
de terminer la course avec une détonation synchronisée du baroud. Chaque
troupe porte une tenue traditionnelle constituée de chechia ou mdal (chapeau traditionnel) en plus des khoff (bottes traditionnelles) en sus de djellaba ou
burnous de diverses couleurs. Ce spectacle attire aussi les chasseurs de
photographies. Des photographes qui viennent de partout tentent d’immortaliser
l’évènement. Pour Abdelkader, Zoheir , Nacer qui
viennent respectivement d’Alger, de Bou Saada et de Tiaret, comme pour les
nombreux photographes amateurs et professionnels présents, « la
course du cheval est impressionnante ». « Cela fait des années qu’on
prend des photographies de fantasia et on ne s’en lasse pas. On est tellement
heureux de constater cette communion entre le cavalier et son cheval »,
ont-ils expliqué. Et de relever : « Notre
pays recèle un patrimoine extraordinaire ». La « waada »
représente aussi une occasion pour les amoureux du folklore de danser sur le
rythme du bendir, du gallal et
de la gasba. Des musiciens affluent de partout
et improvisent, le temps des spectacles qui dure des heures, même à des heures
tardives de la nuit. Les adeptes des danses folkloriques « aalaoui », « saf »,
et « dara » se régalent entre amis et
familles pendant de longs moments. Ces fêtes constituent également une aubaine
pour les commerçants ambulants qui forment pour l’occasion, un grand marché à
ciel ouvert. Différents produits artisanaux, fruits et légumes, habits et
médicaments traditionnels sont proposés aux nombreux présents. Ces « waadates » ou fêtes populaires représentent un pan
entier du patrimoine matériel et immatériel de la région et du pays qu’il
faut impérativement sauvegarder et pourquoi pas développer,
a souligné Ali, un artiste de Tlemcen très attaché aux traditions et au
patrimoine national.