SOCIETE- PRATIQUES-
KACHKCHA/ACHOURA/CONSTANTINE
Depuis déjà quelques semaines, beaucoup de marchands de fruits et légumes
avaient amorcé leur reconversion coutumière en vendeurs de fruits secs,
annonçant du coup l’une des plus populaires célébrations en cours dans la
région de Constantine, la fête de l’Achoura, dixième jour du mois de Moharem (mardi 10 septembre en 2019), .Ceci dit nonobstant
les campagnes infondées de dénigrement la rangeant tantôt du côté des
manifestations chiites, tantôt du côté des coutumes juives. Que ce soit au
niveau des principaux marchés du centre-ville, ou ceux des localités
périphériques, à l’image du Khroub et de la nouvelle
ville Ali Mendjeli, les étals se sont parés
d’arachides, de fruits à coque (amandes, noix, pistaches, etc.), de fruits
séchés (figues, pruneaux) et confits (abricots, cerises), ainsi que de
différentes friandises. C’est dire si la demande est importante en cette
période et que l’assortiment de toutes ces denrées, appelé «Kachkcha»,
a encore de beaux jours devant lui.
Abordé alors qu’il s’apprêtait à passer commande auprès d’un
marchand, Fateh, 40 ans, père de deux enfants, est un
farouche partisan de la sauvegarde des traditions anciennes : «Aussi loin que
je me souvienne, nous avons toujours fêté Achoura chez nous. Je me rappelle
surtout de l’ambiance particulière qui régnait ce jour-là à la maison, de la
joie des enfants que nous étions et de toute l’ardeur que mettaient ma mère et
mes tantes pour que tout soit prêt pour le repas, à l’heure de la réunion de
tous les membres de notre grande famille.
C’est cet état d’esprit, basé sur la fraternité et l’union que je
voudrais inculquer à mes enfants, et je sûr qu’à leur tour, ils feront tout
pour perpétuer cette tradition», a-t-il affirmé. Cela dit, c’est cette même
demande qui a fait grimper de manière spectaculaire des prix déjà élevés, ce
qui n’a pas manqué de susciter la réprobation de clients finissant souvent par
se plier au fait accompli. À titre d’exemple, le prix du kilogramme de cerneaux
de noix variait entre 2.200 et 2.500 DA, alors que la figue sèche était cédée à
900, voire 1.000 DA. Même les plus avisés d’entre les citoyens, lesquels ont
préféré se rendre au quartier de la Souika, situé
dans la vieille ville et réputé pour ses prix abordables, n’ont pu réaliser de
substantielles économies. «Après les saignées du ramadhan, de l’Aïd el-Fitr, de la rentrée scolaire et de l’Aïd el-Kébir, vient aujourd’hui le tour de l’Achoura. On s’habitue
à tout, finalement ! », a commenté avec dérision une
dame d’âge vénérable. Pour en revenir à la célébration à proprement parler, il
convient de mentionner que les Constantinois ont l’habitude de se réunir en
famille autour du rituel plat de pâtes traditionnelles (chakhchoukha,
mais aussi tridat el-keskes
ou couscous) garni préférentiellement de viande de poulet, en guise de dîner de
la veille ou en repas de rupture de jeûne pour ceux qui auraient respecté la
sunna instituée par le prophète (QSSSL). Ensuite vient, au grand bonheur des
tous les petits, l’heure de la «kachkcha». Les fruits
et les bonbons sont disposés sur une grande «sinia»
en cuivre, et servis avec du thé, préambule à une veillée se prolongeant
souvent jusqu’aux premières lueurs de l’aube, émaillée d’évocations
nostalgiques des plus âgés, lesquels se souviennent encore d’un temps où
enfants, ils faisaient le tour du voisinage pour quêter des friandises en
chantonnant : «Hadi Dar Sidna, Koul
Âam Etzidna» (c’est la
demeure de notre seigneur, elle nous en offre davantage chaque année),
tradition qui, hélas, a bel et bien disparu depuis.