SOCIÉTÉ-BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH-
ROMAN YASMINA KHADRA- « L’OUTRAGE FAIT À SARAH IKKER »
L’outrage fait à Sarah Ikker.
Roman de Yasmina Khadra. Casbah Editions ,Alger 2019,
1 000 dinars, 275 pages
On a l’impression que l’auteur renoue avec un
genre dans lequel il avait excellé au tout début de sa carrière d’écrivain. Le
« polar ». La couleur avait été ,
d’ailleurs, annoncé avec « Khalil ».
On a , aussi,
l’impression qu’à la recherche d’un environnement plus
« accueillant » et plus en phase avec sa sensibilité (maghrébine), il
a découvert le lieu –mythique et chargé d’histoire(s) , il est vrai - adapté au contenu de son
roman.....policier 100%.
Cela va vite, très vite même.
Le « héros », un flic, un policier,
un incorruptible (car , bien sûr, issu de la classe
pauvre du royaume.... donc non encore corrompu ou impossible à corrompre). Pas
totalement puisque « beau gosse » il ne tarde pas à se faire épouser
par ......la fille unique (un tout petit peu plus âgée que lui, mais un
« canon » qui en « a vu d’autres » ) d’un des plus grands boss de la police du
royaume. Il devient rapidement « lieutenant de police » ...un grade
donné à tous les héros de films policiers (pour l’armée, c’est habituellement
« colonel »)
Hélas, Tanger n’est pas une ville de tout
repos. Un soir, sa tendre et belle épouse est retrouvée en son domicile
familial.....toute nue, les mains attachées, violentée et .....en apparence violée (du moins c’est ce qui se dit). Tout un monde ,
alors bien tranquille qui s’écroule dans une ville où , pourtant, « tout
est, pourtant, sous contrôle ». Et,
par dessus tout, l’injure suprême faite à l’honneur. IL en dort plus, il es est malade. D’autant que l’enquête habituelle se traîne
et cherche un coupable dans les bas -fonds de la ville.
Après une déprime carabinée, c’est le retour à la maison et au
commissariat. Une atmosphère à « couper au couteau ».....avec une
épouse toujours aussi aimante, tentant de faire oublier le drame et des
collègues ayant, de toute évidence, bâclé l’enquête.
Donc , après avoir cessé d’être soûl ......Driss va
reprendre l’enquête du « viol » à zéro.
On découvre
Tanger , ses beaux quartiers et ses bas fonds,
ses bourgeois et ses trafiquants, ce qui attire et ce qui répugne, ses anges et
ses démons......Un long chemin truffé de dangers et de rebondissements, menant
, bien sûr, au coupable.
On a, aussi, à travers la description de la
vie intime d’un couple blessé, une analyse de rapports humains qui se dégradent
lentement, parfois involontairement, entraînant l’implosion finale regrettable
.....et trop tard regrettée.
L’Auteur : Il n’est
plus à présenter. Moulesshoul Mohamed est né en 1955 à Kenadsa
(Béchar).Un ancien officier de l’Anp. Plus d’une vingtaine de romans. Plusieurs prix
internationaux. Ses romans sont traduits en plus de 50 langues. Ses
œuvres sont adaptées au théâtre, en bandes dessinées et certains titres ont été
portées à l’écran. On a même un film d’animation (un
long métrage, « Les Hirondelles de Kaboul »,tiré
du best-seller de 2002, ...sélectionné dans « Un certain regard » au
Festival de Cannes de mai 2019).Il a , aussi, co
-signé des scenarii de deux films. Ancien directeur du Centre culturel Algérien
à Paris .....puis,
candidat (à la candidature) à une élection présidentielle (2014) ......
Extraits : « Au
Maroc, quand on est issu des franges sociales défavorisées, la seule façon
d’éviter le statut de tête à claques est de s’improviser magistrat ou
flic » (p 77), « C’est une belle ville, Tanger. Il émane de ses
entrailles des ondes heureuses. Les dieux de la mythologie méditerranéenne y
reposent en paix.....A Tanger, le geste est bienveillant, le regard sain,
l’esprit débonnaire. Pour quelqu’un qui cherche un point de chute pour
rebondir, il n’y a pas meilleur tremplin que Tanger » (p 115) , « C’est ainsi que ça marche au royaume des nigauds.
Qui n’a pas de parrain est un bâtard. Il n’ira jamais plus loin qu’un
cul-de-jatte » (p 258)
Avis :C’est son « premier roman marocain » (post facebook, 18 avril 2019).....Son premier...mais pas le
dernier, semble-t-il, car en page 5, il
est indiqué « Tome 1 » et en page 275, il y a ... « à
suivre ». En Tunisie ? Et, du coup, il « fabrique » un
nouvel héros, marocain celui-ci, (ceux
Algériens ne faisant certainement plus
le poids) , un
flic incorruptible, blessé par la
vie....mais décidé à prendre sa revanche sur tous les
« ripoux ». .....du royaume. Un grand coup publicitaire pour la
ville de Tanger, la coquette.....qui mérite amplement et objectivement toutes
les louanges. Avant lui, Rachid Mimouni, y avait
séjourné et écrit ses plus belles chroniques (passées à la radio).
Citations : « Il
faut apprendre à survivre à ce qui est supposé nous détruire si nous voulons
être immortels » (p 104), « Si tu ne veux pas être emporté à ton
tour par la crue, tâche de vérifier par toi-même ce que l’on te propose comme
sainte vérité , et n’aboie plus avec la meute si tu ne tiens pas à être dévoré
par elle au moindre fléchissement » (p 138)