SOCIETE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- ROMAN
MOHAMED MAGANI- « L’ANNÉE MIRACULEUSE »
L’Année miraculeuse. Roman de Mohamed Magani.
Editions Chihab, Alger 2018, 1 000 dinars, 334
pages
Fin des années 90 : Lotfia-Saïd,
Saïd-Lotfia.Un ancien haut –fonctionnaire
, « tout-puissant », brutalement « démis de ses fonctions
», dans le cadre de la grande vague de limogeages de « toute une
génération » (à partir de 1996) , et qui s’exile aux Pays-Bas, à
Amsterdam, la « Venise du Nord ». Comme par hasard (en fait, il a
tout organisé) , il y rencontre une autre exilée, une
de ses anciennes collaboratrices qui, elle, avait démissionné pour des raisons
inconnues.
Les deux ,
évidemment, tentent , dans une ville autorisant toutes les libertés (et, de
plus, sans aucun problème financier....ce qui est étonnant car ne travaillant
pas. Un « bas de laine » quelque part ? Un non-dit dans le
roman) , de se reconstruire psychologiquement
et ,aussi, de reconstruire leur vie et leur cœur.....Le premier avait
été quitté par sa femme, déçue ( !?) par le limogeage de l’époux et,
surtout , par la perte des avantages et
des privilèges de la fonction ; la seconde à la recherche de son unique
enfant « enlevé », dit-t-elle,
par un mari de nationalité française, fils de colon (le même colon
raciste qui avait torturé sa famille.....mais elle ne le savait pas ) et diplomate.
Deux parcours qui se croisent et qui, s’étant
ratés en Algérie au sein de la même entreprise, vont, peu à peu apprendre à
s’aimer......A la folie ?
En fait , ce sont
plusieurs histoires qui sont contées. Plusieurs vies aux « vis » sans fin.....l’auteur ne
se contentant pas de nos deux apprentis « évaporés » (au Japon, les
« évaporés » sont les personnes
qui disparaissent, à la faveur de catastrophes,
sans laisser de traces familiales, sociales ou administratives et qui tentent de renaître ailleurs....Pour Smail, , « les années 90 ont
dû produire quelque chose de similaire... » ) . Il nous parle de la
« chasse aux sorcières » déclenchée en 1996 contre les cadres de
l’Administration, des « réformes »
des années 90 (« une grande supercherie » )
, de la bureaucratie , de la
prostitution (en Europe, bien sûr !)....et pour couronner le tout, il
s’essaie à une analyse comparative des
personnages –clés de « l’Etranger » (Meurseault
à Alger et son soleil) et de « la Chute » (Clamence
à Amsterdam et sa météo lugubre ) .......de .....Albert Camus. Décidemment, cet homme –là nous colle à la
peau. Il est vrai que lorsqu’on y est mal...à Alger ou à Amsterdam ou à
Paris....kif-kif déprime !
L’Auteur : Né en 1948
à El Attaf (Chlef) . Auteur , de puis 1987, de
plusieurs romans (huit) , de recueils de
nouvelles (deux....en anglais) et d’une étude sur l’enseignement primaire
(1996). Vit et enseigne l’anglais à Alger. C’est le plus anglophone
des écrivains algériens.
Extraits : « Tu
ne seras grand dans un domaine ou un autre, qu’à la condition de t’enfoncer
dans le crâne ce mot muet : l’humilité. L’humilité devant le miracle de la
vie et la fragilité des liens humains » (p 41), « Les climats les
plus rudes ne peuvent entièrement avoir raison du désir de beauté chez les
hommes « (p 79), « L’homme le plus détesté en Algérie, c’est le
maçon. Pas l‘avocat ou le journaliste, comme ailleurs. Ou le
politicien......Les médecins arrivent juste après.....Si leur phénoménal
enrichissement au détriment de la santé des gens n’est pas freiné
, ils devanceront les maçons dans peu de temps » (p 280)
Avis :
Vous saurez tout, ou presque tout, d’Amsterdam....et
d’une histoire d’amour « à l’Algérienne » se déroulant à l’étranger,
puis à Alger, puis à l’étranger.
Citations : « En économie, il paraît qu’une main invisible régit le marché. En
politique, et donc dans l’Administration, la main invisible est une machine.
Qui gère les machinations. Et cette machine te façonne et te refaçonne »
(p 72), « La vocation peut détruire bien des choses, parmi elles le
mariage. En cela, il ressemble à la démocrature du
pays : un peu de démocratie et beaucoup de
dictature. Il intègre un soupçon d’amour et beaucoup d’arrangements
constricteurs » (p 151), « La bouche est esclave du cœur s’il déborde
de sentiments vrais » (p 172), « Chaque époque engendre des hommes
d’un autre siècle, pour rappeler à tous d’où ils viennent et comment ils en
sont arrivés à leur condition présente, à ce qu’ils sont » (p 237)