SOCIETE- BIBLIOTHÈQUE
D’AL MANACH- ESSAI GRESH ALAIN- « L’ISLAM, LA RÉPUBLIQUE ET LE
MONDE »
Date
de première création: 10-06-2018 12:23
Dernière mise à jour: 10-06-2018 12:23
Lu: 89 fois
L’Islam, la République et le
monde.
Essai de Alain Gresh. Casbah Editions 2005 (Librairie Arthème Fayard,
2004), 439 pages, 900 dinars
Caractéristiques
principales , résultats de l’histoire et de la politique (et non du Coran)
du monde musulman ?
Quatre en tout : Tout
d’abord, le milliard et quelque de musulmans ....qui vit, pour son
écrasante majorité, dans le « tiers-monde » ; la persistance d’un fort
sentiment religieux ; le sentiment profond d’unité de l’Oumma’, lequel se
concrétise , entre autres, lors du pèlerinage à la Mecque et , avec
l’émergence de l’internet, la création d’une « oumma virtuelle » ; enfin,
la diffusion , notamment à partir des années 1970, d’une lecture très
conservatrice de la religion, souvent encouragée par l’appareil religieux
–et de l’argent-saoudien .
L’inaptitude de nombre
d’organisations islamistes à dépasser la lecture littérale et le
conservatisme expliquent selon l’auteur la crise qu’elles traversent et
leur incapacité à conquérir l’Etat.
Il a, ensuite, distingué
trois types de mouvements islamistes : - L’islamisme traditionnel qui veut
l’instauration d’un Etat islamique, et la politique est au coeur de sa
pensée et de son action . Mise en œuvre de la Charia et établissement
préalable d’une société juste ;
- Le courant ayant fait
le choix - volontaire ou imposé par la répression d’Etat – de la
violence...Avec la lutte à mort contre les pouvoirs établis en terre
musulmane , tous considérés comme des pouvoirs impies. Aucun succès
enregistré, vu l’incapacité de mettre en œuvre le projet de construction
d’un Etat islamique. D’où , « au milieu des décombres » se créent des
partis classiques...et la propagation de nouvelles formes d’usage de la
religion, compatibles avec le libéralisme .
- Le « troisième type »
est un mouvement déterritorialisé avec Al Qaïda, dont l’influence se situe
aux marges du monde arabe et ...dans le monde occidental et , « sans
revendications précises » et aux « discours apocalyptique » (note :
l’ouvrage a été publié avant l’émergence du mouvement de « quatrième type
», l’ « Ei » de Daesch qui s’attache à se créer une base géographique et
politique, en Irak et en Syrie.....puis en Libye, condition, lui
semble-t-il (pour Daesch), de réussite). L’arme du terrorisme et des
attentats souvent aveugles est utilisé avec, en face, du temps de Bush qui
a ouvert la voie, une stratégie de « mobilisation du monde civilisé» et
d’interventionnisme armé « contre la barbarie » encore plus aveugle et plus
sanglante. La peur est attisée....déclenchant des campagnes contre
...l’Islam et les musulmans. Tout y passe , dans des alarmes bien
françaises et des polémiques sans fin ( du foulard à la menace du
communautarisme en passant par des « détours algériens », Al Qaïda qui «
recrute en France », les « nouvelles classes dangereuses », les viols , la
machisme dans les cités .....) , avec une question essentielle totalement
occultée : qu’est-ce qu’un musulman ? Et, avec une tendance à mettre tous
les œufs dans un même panier alors qu’il y a un « arc-en-ciel de tendances
et de choix personnels » . Cette perception de la majorité des Français
d’une « communauté » monolithique , soudée par la foi....a fait oublier que
si les musulmans sont bien unis par un principe, c’est celui des valeurs de
la République auxquels adhèrent 95% d’entre eux... et 78% d’entre eux
pensent que l’Islam est compatible avec les lois de la République (Le
Figaro, avril 2003). Qu’à cela ne tienne , l’incompréhension perdure. En
juillet 2003, déjà, une Commission de réflexion sur l’application du
principe de laïcité dans la République , dite commission Stasi, du nom de son
président, est mise en place .Une commission « au-dessus de tout soupçon ?
» . Pas si sûr ! Avec des témoins bien choisis...avec la relégation « dans
les poubelles de l’histoire » des problèmes sociaux ... avec, au final, des
propositions vite oubliées...et la propension à « étendre le combat » (sic
!) .....aggravant ainsi un climat déjà délétère avec les stéréotypes
impériaux débiles datant surtout de l’époque coloniale, émis bien souvent
par des « sommités » intellectuelles et politiques (Victor Hugo, René
Chateaubriand, Alexis de Tocqueville, Guy de Maupassant....Engels..Léon
Blum, Jules Ferry....Théodore Roosevelt...) ou par des ouvrages (Ainsi, la
définition de l’Arabe par Le dictionnaire Larousse de 1908 et de 1948) . La
« lepénisation des esprits » en marche ? Le racisme, un cancer ! L’Auteur :
Ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique, spécialiste du Proche
–Orient. Il est d’ailleurs né au Caire, en 1948, en Egypte , où il y a vécu
toute son enfance et sa prime jeunesse , jusqu’en 1961 : « Une époque
formidable » dit-il. Une enfance cairote qui a laissé des traces.
Débarquant en France alors que la guerre d’Algérie touchait à sa fin, il
fait la connaissance de Henri Curiel, son père naturel et de ses compagnons
, les « porteurs de valises ».Athée, se réclamant du rationalisme, ,il ne
croit à aucune vérité révélée......et ,ce qui l’intéresse dans les
religions, ce n’est « pas tant ce qu’elles disent..que ce que font les
croyants » . Pour lui, aussi, « l’islam ne définit pas une politique » et
il est du côté des opprimés contre les oppresseurs.
L’Auteur : Ancien
rédacteur en chef du Monde diplomatique (jusqu’en 2005), puis coordinateur
de la rédaction des éditions en arabe, il est l’auteur de plusieurs
ouvrages sur le Proche-Orient et l’Islam. Il a été membre de la commission
Islam et laïcité , animée par la Ligue des droits de l’homme et le Monde
diplomatique
Extraits : «
Nous n’emploierons pas le terme « intégriste », qui fait référence à des
mouvements chrétiens et qui n’est utilisé, dans le cas de l’islam, que
comme une épithète dénigrante et non analytique » (p 91) , « Le racisme de
certains services de police remonte loin, au moins en tout cas à la guerre
d’Algérie » (p 164), « L’histoire coloniale fut la grande absente du débat
sur le foulard. Faut-il y voir la démonstration que, malgré la « découverte
» de l’usage de la torture durant la guerre d’Algérie, la France n’arrive
pas à surmonter son amnésie ? » (p 361)
Avis : Des
réponses à presque toutes les interrogations. Une vision libérée, apaisée
et rationnelle de l’Islam et des musulmans
Citations : «
L’Islam a servi de légitimation aux califats omeyyade et abbasside, à
l’Empire ottoman, aux monarchies conservatrices du Golfe, aux républiques
libérales arabes des années 1940 comme aux républiques arabes
révolutionnaires des années 1960... » ( p 91), « Tous les cadres de vie
(dans les sociétés européennes) se fissurent. L’Etat –nation semble se
disloquer sous les coups de la mondialisation et de la construction
européenne (...). Ces peurs , certains veulent les cristalliser autour de
l’islam, à la fois ennemi insaisissable à l’extérieur et relayé à
l’intérieur par une cinquième colonne d’autant plus menaçante qu’elle est à
la fois « exotique » et si semblable à nous-mêmes » (p 108), « Si l’égalité
des sexes a remporté des victoires, c’est plus au combat , souvent décriés,
des féministes qu’à la laïcité qu’on le doit » (p 295)
|
|